Panthéon égyptien/65

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 143-144).

MANDOU, MANDOU-RÉ, MANDOU-RI.

(mandoulis.)
Planche 27

L’utilité des inscriptions grecques recueillies avec tant de soin et de persévérance par les voyageurs Belzoni, Burckhardt, Cailliaud et Gau parmi les ruines de l’Égypte, ne se borne point à l’accroissement de nos connaissances sur l’administration politique et sur l’état civil des habitants de ce pays, durant la domination grecque et romaine. Elles fournissent quelquefois aussi des notions d’autant plus précieuses sur la religion et le culte national des Égyptiens, qu’elles viennent confirmer, en s’accordant avec eux, les résultats du même ordre antérieurement déduits de l’étude d’inscriptions conçues en anciens caractères égyptiens. L’explication de notre planche 7 a déja prouvé la vérité de cette assertion : celle de notre planche 27 donnera un nouvel exemple des ressources qu’on peut trouver dans ce rapprochement.

D’après une inscription grecque copiée par un voyageur anglais, M. Bailie[1], sur un des temples de Calabsché (l’ancienne Talmis) en Nubie, cet édifice fut principalement consacré au culte d’un dieu égyptien nommé Μανδουλισ Mandoulis ; et un grand nombre d’actes d’adoration, Προσκυνήματα, écrits en langue grecque et tracés sur les murailles ou dans le voisinage du même temple, témoignent aussi que la divinité locale était Μανδουλισ, personnage mythique auquel on donne constamment le titre de Κυροσ, Seigneur, et celui de Θεοσ Μεγιστοσ, Dieu très-grand[2]. Mais rien, dans aucune de ces inscriptions, ne peut nous faire connaître les formes ni les attributs que les Égyptiens donnèrent au dieu particulièrement adoré dans le bourg sacré de Talmis. Notre curiosité eût été, à cet égard, promptement satisfaite, si quelque voyageur eût dessiné avec soin la série des bas-reliefs existants dans ce temple de Nubie : on eût bientôt reconnu le dieu principal du temple, au rang distingué qu’il doit nécessairement tenir parmi les personnages divins sculptés sur les parois de l’édifice. Mais il en est des temples de Calabsché, comme de toutes les constructions antiques de l’Égypte et de la Nubie ; nous ne possédons malheureusement que des copies isolées de quelques-uns des nombreux bas-reliefs qui les décorent. Il a donc fallu recourir à d’autres moyens pour connaître les formes sous lesquelles les Égyptiens représentèrent leur dieu Mandoulis ou plutôt Mandouli, le Σ final de ce nom n’étant qu’une terminaison purement grecque. C’est par la lecture seule des légendes hiéroglyphiques inscrites à côté d’images de divinités, soit sur des monuments originaux, soit sur quelques dessins de bas-reliefs inédits ou déja publiés, que je suis parvenu à reconnaître le dieu Mandouli, parmi la foule de dieux que présentent les sculptures égyptiennes.

Je remarquai d’abord qu’une divinité mâle, et qui paraît avoir joué un rôle important dans le panthéon égyptien, reçoit, dans les légendes hiéroglyphiques, le nom de Mand ⲙⲛⲧ[3]. Ce même nom propre de dieu se lit avec l’addition de sa voyelle finale ⲙⲛⲧⲟⲩ[4], Mandou, sur plusieurs stèles ou bas-reliefs du musée royal égyptien de Turin, de la collection de M. Durand ou du cabinet du Roi à Paris. La valeur phonétique des éléments qui composent ces noms, étant reconnue d’ailleurs et ne permettant aucun doute sur l’exactitude de leur lecture, il devint certain, pour moi du moins, que le dieu appelé Mand, ou plutôt Mandou, dans les textes hiéroglyphiques, était aussi le dieu principal du temple de Talmis, nommé Μανδουλι Mandouli dans les inscriptions grecques, lorsque surtout j’eus retrouvé ce nom divin plus habituellement écrit ⲙⲛⲧⲣⲏ[5], Mandou-Ri ou Mandou-Li (Mandou-Soleil), suivant la prononciation particulière de ce nom, dans les différents dialectes de la langue égyptienne.

Ce nom sacré se lit constamment inscrit à côté d’un dieu à tête d’épervier, ornée du disque solaire, surmontée de deux longues plumes. Ainsi le dieu Mandou-Ri ou Mandou-Li réunissait en lui les caractères ou du moins les principaux insignes des deux grandes divinités de l’Égypte Amon-Ré (Amon-Soleil), et Phré ou Phri (le Dieu-Soleil). Les images de Mandou-Li sont fréquemment reproduites dans les temples de l’Égypte, de la Nubie et de l’Éthiopie ; celle qui est gravée sur notre planche 27, est tirée d’une stèle du musée royal de Turin.


Notes
  1. Cité par M. Niebuhr, Inscriptiones Nubienses.
  2. Voyez Gau, Monuments de la Nubie ; Inscriptions ; Calabsché ; pl. II, no 4 ; pl. III, nos 7, 9, 10, 14, 15, 16, 17 ; pl. IV, nos 20, 22, 23, et 29.
  3. Voyez, entre autres monuments, une momie de la collection de M. Cailliaud.
  4. Légende no 1 de notre planche ; le dernier caractère est le signe d’espèce, Dieu.
  5. Légendes nos 2, 3 et 4, de notre planche : le no 5 est la forme hiératique de la légende no 1 ; voyez aussi Description de l’Égypte, Ant., vol. III, pl. 34 ; idem, pl. 31 ; et le Voyage de M. Cailliaud à Méroé, Barkal, etc. ; pl. LXXI.

——— Planche 27 ———