Par nos champs et nos rives/11

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Imprimé au Devoir (p. 25-26).

LA CÔTE


Elle mène au chemin sonore,
Où s’en vont les boisseaux de blés,
Traînés, sous les feux de l’aurore,
Par les lourds chevaux accablés.


Au printemps, durant les semailles,
Elle s’emplit de bruits d’essieux ;
Les chocs et les heurts de ferrailles
S’y mêlent au souffle des bœufs.



— « Ho ! le Rouget ! — Ho ! le Noir ! Marche ! »
Les coups de fouet vibrent dans l’air,
Et les bœufs se mettent en marche,
Sous les taons, qui mordent leur chair.


Tout le jour, c’est une furie
De voix, de cris et de chansons,
Un immense souille de vie
Qui réveille tous les buissons…


Un essieu glisse, un char trébuche :
Tout le canton est transporté,
Et la côte est comme une ruche,
Grouillante de fécondité !…


Mais, à l’heure où la nuit commence
À marcher le long du labour,
La chanson fait place au silence,
Le travail fait place à l’amour !…


Quand la nature entière sombre,
Dans le couchant mystérieux,
On peut voir, sur la côte sombre,
S’en aller les couples joyeux !…