Par nos champs et nos rives/18

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Imprimé au Devoir (p. 45-47).

LA POUDRERIE



Il a neigé, la neige fine,
Sans relâche, a tombé, tombé,
Et chaque arbre de la colline,
Sous son joug pesant, est courbé.


Tout est envahi par elle,
Les côteaux, les champs, les chemins,
Les monts, la forêt immortelle,
Et jusqu’à l’âme des humains !…



Elle a blanchi toutes les branches
Des buissons frêles et tremblants.
Toutes les montagnes sont blanches,
Tous les toits des maisons sont blancs !


Et voici qu’un grand vent s’élève,
Rude comme un aiguillon,
Et dont la vitesse soulève
La neige, dans un tourbillon…


C’est la « poudrerie » ! Ah ! prends garde
À la « poudrerie », ô passant !
Elle est belle mais elle darde
Du froid jusque dans le sang !


Sa lumière nous émerveille,
Et sa caresse nous endort,
Mais, de ses bras, nul ne s’éveille,
Et son baiser donne la mort !…




Sur la route ou dans la prairie,
Si quelque pauvre voyageur
Est surpris par la « poudrerie »,
Ah ! daignez le guider, Seigneur !


Menez-le, bientôt, vers les êtres
Qui l’attendent, à la maison,
Et vers ces brillantes fenêtres
Qui lui font signe, à l’horizon !…