Par nos champs et nos rives/38

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Imprimé au Devoir (p. 103-104).

LE CHANT DU PAIN


Or, le pain, comme nous, endure la souffrance ;
Avant d’être le pain il faut qu’il soit l’épi ;
Il faut qu’il ait connu, dans la désespérance,
Le supplice du froid et l’horreur de la nuit.

Il faut que la tourmente ait courbé jusqu’à terre
Ce jeune front ployant sous un mal ignoré ;
Il faut, qu’ayant vécu trop longtemps solitaire,
Il ait beaucoup souffert, il ait beaucoup pleuré…


C’est la main des douleurs qui fait les grandes choses,
C’est elle qui refait le miracle éternel
Du pain, lourd de mystère et de métamorphoses,
Qui, par un don de Dieu, nourrit le corps charnel.

Et, quand il est sorti des batailles sublimes,
Quand la victoire, enfin, couronne ses efforts,
Quand les blés ont paru plus brillants sur les cimes,
Et que les épis neufs croissent, nombreux et forts,

Il tarde au pain de naître et de nous faire envie,
D’être l’entame blanche, attisant notre faim,
Et les tiges remuent, dans un souffle de vie,
Et déjà l’on entend monter le chant du pain !…