Par nos champs et nos rives/40

La bibliothèque libre.
Imprimé au Devoir (p. 107-108).

LE SOIR TOMBAIT…


Le soir tombait au loin ; la nature apaisée,
Dans un riant silence, attendait le sommeil.
Tout bruit s’était éteint ; la terre reposée,
Semblait boire à grands flots l’or du couchant vermeil.
Et la brise du soir qui venait des montagnes,
Mêlait l’odeur des bois à l’odeur des grands foins,
Dont la blonde moisson inondait les campagnes ;
Le soir tombait, au loin…

Assis près de leur seuil, en ce soir pacifique,
Un couple d’« habitants » causait à demi voix.
Elle, avait la douceur des aïeules antiques,
Et lui, le pur profil des colons d’autrefois.
Leur visage, ce champ labouré par la vie,
Portait le sceau sacré des chagrins et du deuil.
Ils causaient dans la paix de l’ombre épanouie,
Assis près de leur seuil…


Dans les mêmes sillons, leurs bras et leur pensée
S’étaient usés, tendus vers le même devoir ;
Par leur commun effort, la plaine ensemencée,
Avait fait, chaque été, leur joie et leur espoir.
Leurs yeux s’étaient ouverts aux mêmes éclaircies,
Et leurs cœurs réchauffés dans les mêmes rayons ;
Leur dos s’était courbé, leurs mains s’étaient noircies
Dans les mêmes sillons !…

« Je t’aimerai toujours, dit l’homme, aux yeux limpides,
« Tout l’or de ma jeunesse est encor dans mon cœur !
« Il n’est pas de regrets dans le pli de mes rides.
« Et mon fidèle amour est demeuré vainqueur !
« Depuis que Dieu bénit notre union chrétienne,
« Une immuable joie illumine mes jours !…
« Je n’ai pas retiré ma main de dans la tienne :
« Je t’aimerai toujours ! »