Par nos champs et nos rives/41

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Imprimé au Devoir (p. 109-110).

LA CLOCHETTE DES VACHES


Si du sol, un jour, tu t’arraches
Ah ! songe un peu songe, parfois,
À cette clochette des vaches
Qui tinte, le soir, dans les bois !…


Quand nous étions perdus bien loin de tout sentier,
Après avoir erré presque le jour entier,
Nous songions au retour. À travers les fougères,
C’étaient des pas, des sauts, des gambades légères
Dont les échos voisins se sentaient remués.

Puis, dans le pré d’en haut, près des bois situé,
Les vaches descendaient, secouant leur clochette ;
Alors, la vision de notre maisonnette,
Où les nôtres devaient nous espérer en vain,
Nous faisait traverser plus vite le ravin !…
Ô clochette ristique ! Ô lointaine harmonie !
En nos cœurs tu fis naître une joie infinie !…
Ta voix qu’on entendait de loin se rapprocher
Évoquait la chaleur si douce du foyer…
Alors, nous descendions, joyeux, vers nos demeures ;
Le soleil déclinait sur les monts ; c’était l’heure
Des vaches. Les troupeaux venaient. De tous les champs
Des hommes surgissaient, bien las, et trébuchants,
Comme enivrés des feux de la chaleur cuisante…
Dehors, quelqu’un « tirait » notre vache luisante,
Et, nous buvions, alors, vite et gloutonnement,
Une tasse de lait encor chaud et fumant !…


Si du sol, un jour, tu t’arraches,
Ah ! songe un peu, songe, parfois,
A cette clochette des vaches
Qui tinte, le soir, dans les bois !…