Par nos champs et nos rives/45

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Imprimé au Devoir (p. 117-118).

LE VIEUX « FOURNIL »


Chantons cette maison ! Chantons ce toit béni
Que bâtirent les vieux, dans leurs bonnes années,
Ce toit, flanqué de deux immenses cheminées,
Et d’un énorme four ! Chantons le vieux « fournil ! »

Lorsque, pour éplucher les « gadèles » en grappes,
Ou le blé-d’inde qui, de bonne heure, poussait,
En « courvée », à la brune, on se réunissait,
Le « fournil » connaissait de joyeuses agapes…


La jeunesse, de loin et de proche, venait.
On y voyait aussi les vieillards vénérables,
Qui faisaient, sur le feu, de la tire d’érable,
Et, dans le vieux « fournil » le rire clair sonnait !…

Et, c’est à son foyer de grosse pierre grise,
Que le père dont le front pâle s’ombrageait,
Venait se reposer tous les soirs, et songeait
Aux naïves amours dont le souvenir grise…

Puis, de retour des champs, quand leur travail fini,
Les filles à l’œil vif, aux riantes allures,
Broyaient le lin soyeux comme des chevelures,
Une poussière d’or emplissait le « fournil ! »

Maintenant, il est vieux. — Toute jeunesse est brève ! —
Lui qui fut si joyeux, jadis, et babillard,
Est triste, ayant le dos courbé comme un vieillard,
Et des yeux effacés comme des yeux de rêve !…

Mais, cependant, il a gardé des jours d’antan,
Comme un reflet qui dure en son âme discrète,
Et l’on dirait qu’il a de la gloire secrète
D’être toujours si cher au cœur des « habitants ! »…