Par nos champs et nos rives/44

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Imprimé au Devoir (p. 115-116).

LE VIEUX « BER »


Depuis longtemps, le « ber » dormait sur les entraits
Du grenier. Il dormait le vieux “ber” que l’ancêtre
Avait taillé, jadis, au fond de nos forêts,
Dans le tronc vigoureux de l’érable et du hêtre.


Et l’ancêtre était mort, et la nuit du trépas
Tendait, sur le vieux « ber », son ombre solennelle…
Mais il s’est réveillé, car ton sang ne meurt pas,
Ô rude aïeul, et ta vaillance est éternelle !…



À tes fils, Dieu donna le trésor attendu.
Dans le vieux « ber », on mit le drap de belle teinte,
Le drap de fine toile, avec soin, étendu,
Et l’ancien édredon, fait à la « courte pointe »…


L’enfant « profite ». Il rit, chante comme un pinson.
La force des anciens croît en sa chair vivace ;
Et le couple joyeux contemple, à l’unisson,
Le vieux « ber », espérance et gloire de la race !…


— « C’est le premier, dit l’homme, et non pas le dernier,
« Mon grand-père en eut quinze, et mon père en eut treize,
« Ce qui n’empêcha pas que l’orge, en leur grenier
« Fut comble, et que tous deux vécurent très à l’aise !…

« Nous en aurons bien douze, hein, femme, qu’en dis-tu ?
« J’ai bon pied, je suis jeune encore, et résistable :
« Je bêchera, plus fort et sèmerai plus dru,
« Il ne manquera pas de pain sur notre table !… »