Par nos champs et nos rives/49

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Imprimé au Devoir (p. 125-126).

GARDE TON CŒUR


Je te vois venir, au bord de la route,
Brunette des champs, fille de chez nous,
À te voir passer, plus d’un gas, sans doute,
De près ou de loin, te font des yeux doux !…

Ne les laisse pas te conter fleurette,
Ils ne peuvent point t’offrir le bonheur.
Ah ! garde ton cœur, « faluron lurette »,
Ah ! garde ton cœur pour un moissonneur !


Si les beaux messieurs d’une grande ville,
Jolis chapeaux durs et jolis souliers,
Esclaves du luxe et de l’or servile,
Viennent déposer leur cœur à tes pieds ;

Ne les laisse pas te conter fleurette.
Ils ne peuvent point t’offrir le bonheur.
Ah ! garde ton cœur, « faluron lurette »,
Ah ! garde ton cœur pour un moissonneur !…

Car le ciel te veut à la place même
Où doivent germer les blés d’autrefois.
Aux beaux « cavaliers » qui diront : « Je t’aime »,
Réponds fièrement, de ta douce voix :

Ah ! ne venez pas me conter fleurette,
Vous ne pouvez point m’offrir le bonheur !
Je garde mon cœur, « faluron lurette »,
Je garde mon cœur pour un moissonneur !…