Par nos champs et nos rives/53

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Imprimé au Devoir (p. 139-140).

LES ABSENTS


Qu’ils soient vivants et loin de nous,
Ou bien, couchés au cimetière,
Leur mémoire, en nos cœurs jaloux,
Vit et demeure tout entière.

Dans notre amour calme et profond,
Toujours leur image se dresse,
Et ce grand silence qu’ils font
Cache un abîme de tendresse…

Dans leur chambre où l’on n’entend plus
Leur voix, ou leur rire sonore,
Le souvenir des disparus
Fait durer leur présence encore.


À table, leur couvert est mis.
Parfois, on dirait que le père
Attend qu’ils soient tous réunis,
Pour servir, comme à l’ordinaire !…

Et la mère, sans prononcer
Leur nom chéri, rôde et s’attarde
Dans leur chambre, et sans se lasser,
D’un long regard d’amour, regarde

La chaise où, jadis chaque soir,
Paisiblement, à la même heure,
Les absents revenaient s’asseoir ;
Et la mère, en silence, pleure !…

— Ah ! vous êtes les plus aimés,
Absents chers que nul ne remplace,
Et, dans les lieux accoutumés,
Vous gardez toujours votre place !…

Au sein des foyers assombris,
Vous planez, grande ombre muette,
Et nos pauvres cœurs sont remplis
Par le vide que vous y faites !…