Par nos champs et nos rives/62

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Imprimé au Devoir (p. 157-158).

LES VEUVES AU LONG VOILE NOIR


Quand tombent les brumes du soir,
On voit, vers les blancs cimetières,
S’en aller, le cœur en prière,
Les veuves au long voile noir !

Toujours fidèles, elles pleurent
Le mari qui s’est en allé ;
Et, dans leur cœur inconsolé,
Durent les amours qui demeurent !


Dans le chemin, j’aime à les voir,
De leurs longues robes vêtues :
Elles font songer aux statues,
Les veuves au long voile noir !…

Et, lasses de souffrir, sans doute,
Parfois leur détresse apparaît,
Dans leur démarche, et l’on croirait
Qu’elles vont tomber sur la route !…

Mais, fortes d’un divin espoir.
Vers le ciel, elles s’acheminent :
Le souvenir les illuminent
Les veuves au long voile noir !…

Du doux baume de la prière,
Elles calment leur cœur meurtri ;
Et, dans leurs doigts endoloris,
Résonnent les grains du Rosaire.

Ah ! que leur muet désespoir,
Leurs larmes, leurs lèvres pâlies
Les rendent nobles et jolies,
Les veuves au long voile noir !…