Paravents et Tréteaux/10

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Calmann Lévy, éditeur (p. 93-96).

LA BELL’ VALENCE ![1]





L’entr’acte commence : au hasard
Sortant du théâtre, la foule,
Ainsi qu’un torrent qui s’écoule,
Se répand sur le boulevard.
« Allons, messieurs !… que l’on s’élance !
Prenez celle-ci… celle-là !…
Regardez… choisissez… voilà

La bell’ Valence ! »


Fruit populaire qui nous viens
De là-bas, passé la montagne,
Tu mets comme un parfum d’Espagne
Sur nos trottoirs parisiens ;
Et quand la lanterne te lance
Son rouge éclair horizontal,
Je pense à ton pays natal,

Ô bell’Valence !


Je revois, sous les cieux légers
D’un automne tel qu’on le rêve,
Le train qui passe et qui m’enlève
Au milieu des bois d’orangers.
J’entends la brise qui balance
Avec un doux bruissement
Dans son arbre, amoureusement,

La bell’Valence !


Encor des orangers, encor…
La plaine entière en est couverte :

Sur un tapis de mousse verte
C’est un semis de boutons d’or.
Dans sa superbe nonchalance
Le soleil, aux lointains rosés,
Se lève, et rougit de baisers

La bell’Valence !


Tel est le rêve que je fis
Bien souvent quand, sur les charrettes,
Étageant tes rondeurs proprettes,
Ô fruit d’Espagne, je te vis !
« Allons, messieurs !… que l’on s’élance !
Prenez celle-ci… celle-là !…
Regardez… choisissez… voilà

La bell’Valence ! »



  1. Paru dans le journal Paris-Murcie.