Parlez-moi d’ça

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PARLEZ-MOI D’ÇA


Air : Mon Galoubet.


        Ne m’ parlez pas
        De ces repas
Où l’on sert des mets que d’avance
Sur leurs fourneaux l’ennui glaça ;
Mais s’agit-il d’une bombance
Où fillettes, flacons, tout danse,
        Parlez-moi d’ ça (4 fois).

        Ne m’ parlez pas
        De ces appas
Que l’artifice dénature,
Et que Plutus seul caressa…
Mais ces charmes sans imposture,
Et dont quinze ans font la pâture,
        Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De ces ébats
Que, sans l’Amour, l’Hymen ordonne
Que toujours le cœur repoussa,
Mais ceux où l’âme s’abandonne,
Goûtant les plaisirs qu’elle donne,
        Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De ces débats

Où s’égorgent deux adversaires
Qu’un seul mot souvent courrouça.
Mais ces querelles passagères
Qui se vident avec les verres,
        Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De ces pieds-plats
Tout fiers du brillant équipage
Où leur bassesse les plaça ;
Mais l’or devient-il l’apanage
Ou du génie ou du courage,
        Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De ce fatras
Qui de la fange du Parnasse
Sortit et nous éclaboussa.
Mais ces vers dont l’esprit, la grâce
Font revivre Tibulle, Horace…
        Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De ces prélats
Qui ne chantent que patenôtres
Et que la paresse engraissa ;
Mais ces abbés, joyeux apôtres,
Scarron, Chaulieu, Bernis et d’autres…
Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De l’embarras
Qui suit une fortune immense,
Que bien ou mal on amassa ;

Quelques amis, un peu d’aisance,
Folle gaîté, sage dépense,
        Parlez-moi d’ ça.

        Ne m’ parlez pas
        De ce trépas
Que plus d’un docteur nous attire
Par les juleps qu’il nous versa ;
Mais après trente ans de délire,
Faut-il enfin mourir de rire…
        Parlez-moi d’ ça.