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Pastorale (Louis-Alfred Natanson - La Revue blanche)

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La Revue blancheTome 3 (série belge) (p. 177-178).

Pastorale.


 
Sur les cailloux, sur les lianes et les mousses
le ruisselet posait des caresses pâmées ;
la brise veloutait les herbes parfumées
que le soleil couchant baignait de tiédeurs rousses.


Sensation de paix et de rêve : s’étendre
en un lointain désir de vague somnolence —
les yeux quiets — tandis que mollement s’avance
le troupeau de nuages las dans le ciel tendre.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

 
Il me sembla que je pressentais Sa venue…
Tout là-bas une voix chantait, dans les yeuses.
Sur leurs tiges des fleurs se haussaient, curieuses…
et bientôt j’aperçus, très pâle et toute nue,


une Nymphe, évoquant de calmes bucoliques,
déesse, avec toutes les grâces juvéniles,
cachant entre ses doigts ses petits seins graciles —
rieuse, parmi les Sylvains mélancoliques.



Elle courait. — Au fond de ses prunelles claires,
de longs regards avaient des caresses soyeuses ;
sa voix molle enlaçait de courbes gracieuses
l’étrangeté de ses gestes crépusculaires.


Je sentais des désirs d’interminable étreinte…
la brise veloutait les herbes parfumées.
Dans l’affaiblissement des caresses pâmées
la voix exquise se mourait en suave plainte.


Et moi je lui tendais les bras… Mais brusquement
j’ouvris les yeux : Ah ! je sentis en ce moment
la désolation des lendemains de fête.


Et je vis devant moi, revenant du lavoir,
les mains rouges, tranchant sur un gros jupon noir
une fille qui me regardait d’un air bête.

Louis Alfred NATANSON.