Pauline de Montmorin, comtesse de Beaumont/02

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Pauline de Montmorin, comtesse de Beaumont
Revue des Deux Mondes3e période, tome 58 (p. 273-300).
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PAULINE DE MONTMORIN
COMTESSE DE BEAUMONT

II.[1]
LE MINISTÈRE DU COMTE DE MONTMORIN PENDANT LA RÉVOLUTION.

Il y a un attrait qui agrandit l’âme à parler avec équité d’un homme lorsqu’il a été longtemps calomnié et méconnu. C’est comme une haute et tardive justice qu’on rend à un condamné innocent. On se laisserait alors facilement entraîner à exagérer l’importance du personnage, l’étendue de son intelligence, l’originalité de ses vues, l’éclat de ses qualités et de ses vertus. Nous ne tomberons pas dans cet écueil en restituant son caractère véritable au rôle du comte de Montmorin pendant la constituante et la législative. Nous avons, pour nous garder de toute exagération, les témoins les plus éclairés et les plus impartiaux, les aveux les moins suspects et la connaissance de ces dessous de l’histoire sans l’examen desquels on ne pénètre qu’une partie de la vérité.

De l’avis de ceux qui étaient de son intimité, le comte de Montmorin est, de tous les ministres du malheureux Louis XVI, celui qui fut jugé avec le plus de sévérité. L’opinion générale sur son compte était telle en 1789, qu’on ne pouvait, dans le monde de la cour, avouer même ses rapports avec lui. Il y avait du courage à l’estimer. Plus détesté par les jacobins que les aristocrates les plus signalés, parce qu’il luttait de plus près contre les ennemis du roi, Montmorin attend l’heure où, mieux comprise, plus dégagée des passions, l’histoire définitive de cette terrible époque sera écrite. Il appartient à cette vieille aristocratie française qui, à l’inverse de la petite noblesse de province, voulait de bonne foi établir en France une chambre des lords et une chambre des communes. Certes, il ne pouvait être suspecté de rester attaché quand même à l’ancien régime, celui qui écrivait en 1791 : « Ce que l’on appelle la révolution n’est que l’anéantissement d’une foule d’abus accumulés depuis des siècles. Ces abus n’étaient pas moins funestes à la nation qu’au monarque. Ils n’existent plus. La nation souveraine n’a plus que des citoyens égaux en droits, plus de despotes que la loi, plus d’organes que les fonctionnaires publics, et le roi est le premier de ces fonctionnaires. Telle est la révolution française. Elle est faite, elle est complète, elle est sans retour. Espérer le contraire serait une erreur dangereuse, et toute entreprise fondée sur cet espoir nous plongerait dans un abîme dont il est impossible de sonder la profondeur et dans lequel toute l’Europe serait entraînée avec nous[2]. »

Appelé prématurément à diriger les événemens dont nul n’avait prévu le courant irrésistible, il marcha devant lui dans la ligne du de voir et de la raison, et cette ligne l’amena à se séparer de cette portion de l’aristocratie qui n’a jamais pu garder dans ses rangs ceux de ses amis qui montrent quelque sagesse et quelque prudence. L’esprit de parti a accusé Montmorin de faiblesse, comme s’il avait pu avoir alors véritablement de la force ! On l’a aussi accusé d’inexpérience, comme si quelqu’un avait pu acquérir, dans ces années où tout le passé était brusquement aboli, une expérience à la hauteur des circonstances !

Nous avons du reste pour nous le témoignage de Mallet du Pan, qui jugeait Montmorin, au moment de sa démission, l’homme fort du ministère ; nous avons l’appréciation des étrangers qui l’ont approché, et l’illustre Jefferson a écrit de lui que c’était un des hommes les plus honnêtes et les plus respectables : de France[3]. Il devait seulement à son éducation ecclésiastique, et surtout à son tempérament maladif, une sorte de timidité ; mais elle ne peut pas plus justement lui être imputée à crime que la petitesse de sa taille et la frêle structure de son corps. Éloigné de tout intérêt personnel, incapable, dans ces heures troublées, d’une perfidie, jamais personne ne craignit moins la mort, et l’on verra avec quelle intrépidité d’âme il prévit et supporta sa destinée. Indifférent aux injures, poursuivi avec acharnement par les méfiances et les haines quand elles s’irritèrent à l’excès contre cette ombre de pouvoir, il se confia trop dans l’honnêteté de ses sentimens et ne put pas marcher le pas rapide de l’opinion. Il eût de bonne heure écouté le découragement qu’apportent les mécomptes, s’il n’eût été soutenu par son affection désintéressée pour la personne du roi, par l’amitié qui l’unissait à Lafayette et par ses convictions constitutionnelles. Suspect longtemps à la reine, Montmorin ne cessa cependant de rester fidèle. Les fautes que lui fit commettre Louis XVI sont aussi nombreuses que les situations fausses dans lesquelles les indécisions du roi et sa double politique le placèrent ; Montmorin ne se plaignit jamais et s’exposa toujours avec témérité. Convaincu à tort qu’en achetant quelques orateurs de club, il contre-balancerait les déclamations furieuses, il n’écartait pas les périls auxquels ses infidèles agens l’exposaient. Il répondait à des amis qui s’effrayaient : « Je conviens de la vérité de vos représentations ; mais aucun danger personnel ne m’empêchera jamais de faire tout ce que je croirai utile à Sa Majesté. » Et à côté de ces qualités rares en révolution, ses connaissances acquises, l’extrême justesse de son jugement, lui assuraient dans la direction des affaires étrangères, avant l’explosion de la politique girondine, l’estime de l’Europe.

On peut diviser en trois périodes son ministère depuis la convocation des états-généraux : la première, où, d’accord complètement avec Necker, désirant comme lui une constitution, il s’approcha du système politique de l’Angleterre, et conserva l’espoir d’obtenir par les voies de la conciliation ce changement de la noblesse et du roi ; la seconde période dans laquelle, voyant la révolution varier d’objet, poursuivre l’égalité plus que la liberté et rêver l’établissement d’une sorte de démocratie royale, il tenta avec Mirabeau d’arrêter les exagérations et de créer le parti modéré au milieu des tourmentes populaires ; la troisième période enfin, où, tous les moyens de se défendre manquant successivement à la royauté, Montmorin concentra tous ses inutiles efforts à sauver la personne même de Louis XVI. Ce fut le temps où il écrivait au comte de La Marck ce billet désespéré : « l’ai pleuré ce matin comme un imbécile chez le roi ; il en a fait autant. Tout cela ne remédie à rien. »

Avant d’entrer par cette porte des larmes, il faut donner quelques éclaircissemens sur la conduite de Montmorin pendant le passage aux affaires du cardinal Loménie de Brienne, dans ces mois où les esprits inquiets et ne sachant où se fixer attendaient et appelaient le retour de Necker comme un messie.

I

Le comte de Montmorin avait enchanté, dès le début, tout le corps diplomatique. Il avait rétabli l’ancien usage, lorsque le roi ne recevait pas à Versailles, de venir à Paris donner ses audiences[4]. Comme il joignait à la plus sincère modestie une extrême honnêteté ; comme il ne se flattait pas de bien faire, mais de faire le moins mal possible ; comme il avait de l’activité dans l’expédition des affaires, une décision prompte et consciencieuse, il ne recueillait alors autour de lui que de la bienveillance. Ses réceptions étaient fort brillantes. Généreux jusqu’à la prodigalité, ses revenus ne suffisaient pas au luxe de sa maison ; il avait été obligé de vendre ses propriétés d’Auvergne.

Un document conservé aux Archives nationales permet de se renseigner complètement sur sa fortune[5]. La table du ministre coûtait, avec le vin, 202,800 livres par an ; les gages et habillemens des domestiques attachés à l’hôtel de la rue Plumet s’élevaient à 52,835 livres. L’écurie, qui était de onze palefreniers et de vingt-quatre chevaux, dépensait 24,000 livres ; les mémoires particuliers des gens, c’est-à-dire les dépenses de poche, montaient à 8,000 livres ; le blanchissage à 6,000 ; enfin, l’entretien personnel des maîtres de la maison et le jeu de la reine coûtaient 80,000 livres au minimum. On lit, dans l’inventaire, que Mme de Beaumont avait en outre une voiture et une livrée, que son trousseau avait coûté 25,000 livres, qu’elle dépensait 7,000 écus par an pour sa bibliothèque et ses reliures. Sa sœur, Mme de La Luzerne, et. elle, recevaient chacune, pour leur entretien personnel, une rente annuelle de 18,000 livres.

En dépouillant ces précieux papiers, un petit fait paraît touchant à signaler. Dans une lettre à Joubert, de mai 1797, Mme de Beaumont lui demande l’adresse d’un libraire. Elle voulait absolument se débarrasser d’une édition de Voltaire trop volumineuse ; sa seule prétention était d’emporter un moindre poids en voyage. « Vous l’offrir après cet aveu, disait-elle à son ami, c’est s’y prendre aussi spirituellement que cet homme qui apportait un panier de prunes à son curé, l’assurant que ses cochons n’en voulaient plus. N’importe, si ce n’est de bonne grâce, c’est de bon cœur que je vous l’offre. » Ce n’est pas sans émotion que nous avons lu la quittance de 850 livres pour deux exemplaires de Voltaire achetés directement à Beaumarchais, l’un destiné à Mme de Beaumont, l’autre à son père.

Pour faire face à un pareil état de maison, le comte de Montmorin, en dehors de ses appointemens, s’élevant à 300,000 livres, y compris les gratifications, n’avait que 80,000 livres de rente qu’il touchait de ses intendans. Pour se rapprocher de ses amis, Mégret d’Etigny et de Sérilly, il venait de leur acheter, moyennant la somme de 730,000 livres, la propriété de Theil, non loin de Sens, tout près de Passy-sur-Yonne. Une aussi mauvaise administration conduisait infailliblement à la ruine, si la cassette royale n’eût pas été une ressource. Chacun des époux touchait en effet sur le Trésor une pension annuelle de 18,000 livres environ[6].

La comtesse de Montmorin, très ambitieuse pour sa famille, désirait que son mari obtînt le titre de duc héréditaire. La demande est accompagnée d’une note écrite de la main de Montmorin. Nous y apprenons qu’il avait refusé la grandesse pendant son ambassade en Espagne. Nous savons aussi par cette note que l’archevêque, premier ministre, traitant seul les affaires avec le roi et ayant supprimé tout rapport avec le monarque, avait froissé ses collègues. . Le pouvoir du cardinal de Brienne n’avait pas été cependant de longue durée. Avec une présomption aveugle, plus semblable à l’ineptie qu’au courage, il n’avait fait que presser le cours des événemens. Le comte d’Artois lui-même, sur les instances de la duchesse de Polignac, avait conjuré Louis XVI de renvoyer le premier ministre et de rappeler Necker.

Le comte de Montmorin se prêta d’autant plus volontiers à cette négociation qu’il n’avait pas à se louer de l’archevêque. Il lui avait donné dans deux circonstances, devant l’opinion, la responsabilité de fautes qu’il n’avait pas commises. On sait quel étonnement se produisit en Europe, en 1787, lorsqu’on apprit que le sultan avait fait enfermer le ministre de Russie aux sept tours et déclaré la guerre à Catherine[7]. Ce n’étaient plus, cette fois, les Russes qui menaçaient l’empire ottoman. M. de Ségur, notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg, avait expédié un courrier au comte de Montmorin pour obtenir des instructions. La Prusse et l’Angleterre avaient fait jaillir les premières étincelles de ce feu qui pouvait embraser le monde. Sous l’influence prédominante du premier ministre, le comte de Montmorin n’avait pas pris de parti et s’était borné à prescrire une réserve qui n’était que de la faiblesse.

Mais ce fut en Hollande que la politique française subit la plus grave humiliation. La république des Provinces-Unies se trouvait agitée de troubles intérieurs. Depuis la paix de 1788, les états-généraux, en lutte ouverte avec le stathouder héréditaire, le prince d’Orange, s’appuyaient sur la France. Dans une contestation survenue entre l’empereur Joseph et la Hollande, notre intervention avait été souveraine ; le cabinet de Versailles avait même consenti à payer une indemnité. Un traité d’alliance et de garantie mutuelle des droits des neutres vis-à-vis de l’Angleterre avait encore resserré depuis nos liens d’amitié avec les Provinces-Unies. Le stathouder en était exaspéré. La mort du grand Frédéric changea subitement la face des choses. La princesse d’Orange était la sœur du nouveau roi de Prusse, Frédéric-Guillaume ; la conciliation avec les états-généraux devint impossible. Les patriotes, commandés par d’Averhoot, le 9 mai 1787, battirent les troupes du prince d’Orange. Il fut forcé de quitter sa résidence ; les états déclarèrent l’union rompue. Au moment où les esprits étaient le plus animés, la princesse partit de Loo pour se rendre à La Haye. Arrêtée par un poste militaire, on ne lui permit pas de continuer sa route, elle se plaignit avec emportement et demanda à son frère une réparation éclatante. Le roi de Prusse fit avancer vingt mille hommes, sous les ordres du duc de Brunswick. Le comte de Montmorin, stimulé par les patriotes hollandais, promit qu’un corps d’armée de vingt mille Français allait être réuni à Givet. La seule présence d’un camp sur notre frontière aurait décidé Frédéric-Guillaume à négocier. L’archevêque de Sens ne voulut jamais consentir, à créer des ressources pour cette démonstration militaire ; le ministre de la guerre, le maréchal de Ségur, se refusa alors à prendre des mesures insuffisantes ; les troupes prussiennes n’hésitèrent plus à entrer sur le territoire des Provinces-Unies. Le duc de Brunswick a dit lui-même, depuis son expédition, que s’il y avait eu quelques tentes à Givet, il n’aurait pas continué sa marche. Le roi de Prusse ne voulait pas, dans l’intérêt seul de sa sœur, s’engager avec la France dans une guerre dont la maison d’Autriche n’aurait que trop profité.

Cependant l’Angleterre avait armé en même temps que la Prusse. La cour de Versailles donna enfin des ordres pour mettre en mer une escadre. Montmorin entama une alliance avec la Russie, l’Autriche et l’Espagne. Au grand étonnement de l’Europe, surprise de notre hésitation, l’archevêque de Sens proposa au cabinet anglais de signer une convention de désarmement. Cette convention enleva tout à la fois au gouvernement français l’estime de ses rivaux et la confiance de ses alliés. Le projet de quadruple alliance, qui eût peut-être sauvé la Pologne, fut pour toujours entravé ; un secrétaire du comte Oxenstiern en avait trahi le secret, et le comte de Ségur, notre ambassadeur en Russie, fut réprimandé pour avoir hâté les négociations, c’est-à-dire pour avoir failli réussir. L’empereur Joseph II avait bien raison d’écrire à ce moment : « La France vient de tomber ; je doute qu’elle se relève. » Le comte de Montmorin n’avait donc pas eu à se louer du cardinal de Brienne.

La rentrée de Necker aux affaires, en donnant à Montmorin plus d’indépendance dans le cabinet, allait-elle lui porter bonheur ? L’heure arrivait où l’ancienne diplomatie française, celle fondée sur l’exécution du pacte de famille, devait faire place à la nouvelle politique révolutionnaire. A la veille du jour où l’une des plus grandes époques de l’ordre social s’ouvrit, on n’avait encore aucune idée précise sur ce que l’on ferait. Ceux qui exerçaient le pouvoir, à commencer par le roi, s’ils continuaient à parler en maîtres, obéissaient, en réalité, à la puissance invisible de l’opinion publique. Les possesseurs de privilèges étaient les premiers à s’excuser des avantages dont ils jouissaient. En voulant les conserver, ils prétendaient à l’honneur d’y être indifférées. Les abus n’étaient pas récens ; ce qui l’était, c’était l’impression qu’ils faisaient naître. S’il est vrai que le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement soit celui où il commence à se réformer, il était impossible de ne pas voir que la nation marchait à un rapide dénoûment. Le trésor était à sec, les parlemens en exil, toutes les provinces agitées, la disette menaçante, les états-généraux promis solennellement et sans retard, Paris inondé d’un débordement de pamphlets et s’habituant déjà à ne plus travailler et à vivre dehors.

Nous ne voulons raconter les événement que dans la mesure où M. de Montmorin y prit part. La vie de Mme de Beaumont fut dans ces dramatiques années tellement mêlée à celle de son père qu’on ne peut passer son ministère sous silence. Nous devons, pour mieux comprendre pourquoi sa fille avait si peu d’attaches à la vie, faire connaître dans leurs détails cette série d’infortunes qui permettait à Mme de Staël de dire que la famille de Niobé n’avait pas été plus cruellement frappée.


II

Necker, dans sa retraite, voulant justifier sa conduite depuis les états-généraux, déclarait qu’il cédait à un mouvement de véritable peine. Il fallait, pour le soulager, qu’il associât à tous les soins, à tous les ménagemens rendus nécessaires par les événemens de chaque jour, un homme dont il ne s’était jamais séparé depuis son retour aux affaires et depuis » qu’if avait connu son excellent esprit, la fidélité de son caractère, un ami nouveau pour lui, mais très ancien par le rapport des sentimens, M. de Montmorin, ce ministre-citoyen, comme il l’appelle. « Que n’avons-nous pas fait ensemble, ajoute Necker[8], pour assurer les fondemens d’une liberté sage, pour les défendre tantôt contre les orages qui les menaçaient, tantôt contre les exagérations qui en affaiblissaient la base et dont nous prévoyions les dangers ! Nous excusions ou plutôt nous adoucissions auprès du roi les actions, les procédés et les manières dont il pouvait avoir à se plaindre, et près des députés, à l’assemblée nationale, nous tenions le langage qui pouvait calmer leur défiance et ramener les plus ardens à des opinions modérées. »

M. de Montmorin était, en effet, le seul qui connût la pensée de Necker. Aussi le suivit-il dans toutes les résolutions importantes qui précédèrent la convocation de la constituante, opinant comme lui dans le conseil et cherchant à l’excuser de cette infatuation qu’apporte aux plus honnêtes une immense popularité. Ils vivaient tous les deux au jour le jour, croyant, en présence de ce grand inconnu, à la soumission et à la reconnaissance. Quels projets avaient-ils arrêtés ? Quel plan s’étaient-ils décidés à accepter ? On est confondu, en allant aux sources, de voir combien peu de consistance politique révèlent les actes préparatoires. Tous les avant-coureurs de la révolution annonçaient cependant la nécessité de transiger avec l’esprit des temps nouveaux. Mme de Beaumont, très au fait par ses abondantes lectures, de tous les pamphlets et brochures, écrivait pour son père des résumés qu’elle plaçait sous ses yeux. C’est ainsi que, lors de l’établissement des assemblées provinciales par l’archevêque de Sens, Montmorin, plus éclairé, avait décidé que le nombre des députés du tiers serait égal à celui des deux ordres réunis et que le vote aurait lieu par tête.

Les avertissemens ne manquèrent pas, par d’autres côtés, aux ministres. Malouet, intendant de la marine à Toulon, s’était lié avec Montmorin, lorsqu’à son retour de l’ambassade d’Espagne il avait passé à Toulon. Il lui développa ses idées ; tout devait être prévu et combiné avant l’ouverture des états-généraux ; il fallait déterminer ce qui pouvait être abandonné sans danger et faire largement la part des besoins et des vœux. On devait ensuite se disposer à défendre même par la force tout ce que la violence des factions voudrait attaquer. Ce n’étaient pas les résistances des deux premiers ordres que Malouet, avec sa conscience élevée et pure, craignait alors le plus, mais l’exagération des prétentions des communes. Montmorin, au contraire, tenait plus de compte du mauvais vouloir du clergé et de la noblesse. Une fois élu à Riom, Malouet, fort mécontent de l’état des esprits, était revenu à Paris ; il avait de nouveau communiqué toutes ses réflexions à Necker et à Montmorin ; il voulait qu’on fit au plus vite le dépouillement des cahiers et que la majorité des vœux fût considérée comme un fait acquis.

Pour bien connaître l’opposition à laquelle se heurtaient dans le conseil ces opinions si raisonnables, il faut se mettre sous les yeux le mémoire autographe de M. de Barentin, le garde des sceaux. La forme de la convocation et l’époque de la tenue des états avaient été l’objet devant le roi et la reine d’une discussion passionnée. Montmorin qualifiait la double représentation du tiers de justice rigoureuse et faisait ressortir la disproportion immense de population et d’intérêts entre les deux premiers ordres et le troisième. Aidés par leurs collègues, MM. de La Luzerne et de Saint-Priest, Necker et Montmorin l’emportèrent. Lorsque, peu de jours après, le conseil eut à déterminer le lieu de réunion des états, Necker voulait que ce fût à Paris, où il croyait conserver l’influence de sa popularité. Montmorin écoutait ; le roi ne disait rien ; on parlait de Tours, de Blois, d’Orléans, de Cambrai : même silence du roi. Pensant qu’un déplacement éloigné le contrarierait, la majorité se rabattit sur Compiègne ; puis Montmorin, se reprochant sa complaisance, nomma Saint-Germain ; , alors Louis XVI prit la parole : « Ce ne peut être que Versailles, dit-il, à cause des chasses. »

Les esprits clairvoyans s’inquiétaient de cette insuffisance de vues. Quinze jours avant l’ouverture de l’assemblée, Malouet avait eu une dernière explication avec Montmorin en présence d’un des prélats les plus instruits, Guillaume de La Luzerne, évêque de Langres. La conversation s’engagea à l’occasion d’un article fort remarqué du cahier du bailliage de Riom. Malouet avait fait voter la résolution de n’attribuer aux états que le droit de consentir et de sanctionner les lois et les impôts. Il laissait l’initiative à la couronne, et il voulait que le ministère en fît le point de départ de sa politique. Mais comme les deux premiers ordres en majorité étaient contraires, l’évêque de Langres, s’emparant de la difficulté avec sa vivacité modeste, proposa l’expédient de réduire les trois ordres à deux. C’était l’établissement d’une chambre haute et le choix d’une constitution anglaise.

Telles étaient les visées de Montmorin. Pourquoi ne fit-il pas prendre au roi immédiatement cette résolution ? C’est qu’il pensait avec Necker qu’un tel changement devait être concerté avec les représentans de la nation. Quand la proposition fut présentée, on n’a pas oublié ce qu’il advint. Montmorin eut à défendre les principes du gouvernement anglais successivement contre le roi, les nobles, et les députés du tiers. Louis XVI, avec son honnêteté indéniable, malgré quelques pas dans l’imitation de la royauté constitutionnelle, subit l’influence de la seule personne qu’il aimât, Marie-Antoinette, et resta au fond le roi d’avant 89. La haute noblesse, les Montmorency, les Gramont, les Grillon, les Montmorin et quelques autres familles patriciennes savaient au contraire qu’on ne peut déchirer l’histoire où leurs noms et leurs services étaient à jamais gravés ; cette aristocratie peu nombreuse acceptait une pairie héréditaire ; mais la foule des gentilshommes de second ordre, anoblis de la veille soit par des lettres patentes, soit par des charges vénales, tenait surtout à s’associer aux privilèges des anciens gentilshommes. La vanité des gens de cette classe s’exerçait bruyamment sur ceux qu’ils appelaient leurs inférieurs, c’est-à-dire la nation, et ils furent bien plus intraitables que les grands seigneurs ; avec une seconde chambre où elle n’aurait pas eu la première place, la petite noblesse provinciale se crut en danger de perdre des distinctions qui ne faisaient qu’exciter des haines et des jalousies. Elle mit une obstination inouïe à repousser tout emprunt à la constitution britannique et elle versa dans cette théorie encore aujourd’hui à la mode et si dangereuse, avec ses apparences de profondeur, que de l’excès du mal sortirait le bien. Quant aux députés du côté gauche, irrités contre les privilégiés qui se séparaient constamment d’eux, redoutant le retour d’influences qu’ils avaient détruites avec une extrême énergie, voyant dans l’hérédité de la pairie une atteinte à la souveraineté du peuple, pleins de dédain, comme ce qui est jeune, pour l’expérience, pour le passé, et les idées étrangères, ils poursuivaient le rêve d’une royauté ancienne superposée à une démocratie illimitée.

Cependant les états-généraux s’étaient réunis. La veille de l’ouverture de la séance solennelle, les douze cents députés se rendaient en procession à l’église Saint-Louis ; la comtesse de Montmorin et sa fille Mme de Beaumont étaient placées à une fenêtre près de Mme de Staël. L’ardente fille de Necker se livrait tout haut aux plus vives espérances en voyant pour la première fois en France les représentai de ses volontés. Mme de Montmorin l’interrompit avec un ton décidé qui lui fit quelqu’effet : « Vous avez tort de vous réjouir ; il arrivera de ceci de grands désastres à la France et à nous. » On eût dit que la malheureuse mère pressentait les infortunes sans nombre qui devaient l’accabler.

Du 5 mai au 5 octobre, durant ces cinq mois où l’assemblée devint maîtresse du sort du pays, Montmorin se rapproche un peu de Mounier, et de plus en plus se mêle à la politique intérieure. Il s’efforçait de pallier les fautes de Necker, et se créait par la sûreté de son commerce avec lui des ennemis irréconciliables au sein de l’entourage du roi, de la reine et des princes.

Bertrand de Molleville et Alexandre Lameth racontent que, pendant la lutte entre les communes et les privilégiés sur la vérification des pouvoirs et à la veille du jour où le tiers-état s’érigea enfin en assemblée nationale, Montmorin reçut des mémoires proposant la dissolution. Il résista à ses amis eux-mêmes et dans toutes ces questions de principes débattues entre la noblesse et le tiers, il soutint les projets libéraux, contre M. de Barentin, garde des sceaux, contre M. de Puységur, ministre de la guerre, et M. Villedeuil, ministre de l’intérieur. Dans une des séances du cabinet où les princes assistaient, le comte d’Artois ayant émis l’avis qu’aux nobles seuls appartenaient les grades militaires : « Les emplois ne sont pas des charges, répondit Montmorin, on les mérite en s’acquittant bien de ses devoirs, et ils doivent être confiés aux plus capables, sans distinction de naissance. » L’avis, combattu non moins vivement par le comte de Saint-Priest, fut écarté. La démocratie, à partir de ce jour, entra dans l’armée française. Le père de Mme de Beaumont, malgré l’ancienneté de son nom, n’était donc d’aucune façon un homme d’ancien régime.

Lorsque arrivèrent la célèbre séance royale du 23 juin et l’avortement complet et irrémédiable des projets de Necker, le comte de Montmorin avait risqué sa position à la cour. Le mémoire de M. de Barentin, dans ses attaques presque injurieuses contre son collègue, ne laisse pas de doute. Necker avait préparé, depuis un mois, une déclaration presque mot pour mot semblable à celle qui fut donnée par Louis XVIII, à Saint-Ouen, vingt-cinq années plus tard. Mais la délibération du 17 juin par laquelle le tiers-état s’appelait désormais l’assemblée nationale et l’immortelle séance du Jeu-de-Paume avaient paru au comte d’Artois des actes essentiels à réprimer. Le soir du conseil dans lequel la séance royale devait être fixée et les concessions libérales arrêtées, un billet de la reine engagea le roi à sortir ; la délibération fut renvoyée au jour suivant. Deux magistrats furent admis exceptionnellement à la discussion, ainsi que les deux princes frères de Louis XVI. Montmorin vint avec ardeur au secours de Necker, dont les projets étaient ainsi modifiés ; il insista sur la droiture de ses vues, il invoqua l’ancienneté de son attachement pour le roi, le suppliant de se résigner à la constitution anglaise. La majorité refusa de condescendre à ses conseils. Necker alors ne voulut pas se rendre à l’assemblée et offrit sa démission. La séance royale, loin d’atteindre le but qu’on se proposait, ne fut que l’occasion d’un nouveau triomphe pour le tiers-état. Montmorin s’entremit au nom du salut de la monarchie et, au grand mécontentement des courtisans, persuada au roi que la sûreté de sa personne était attachée à ce que Necker restât encore ministre[9].

Dans les premiers jours de juillet, la cour se crut en mesure de contenir le mouvement populaire et d’intimider l’assemblée. Le roi à l’issue du conseil, prit à part M. de La Luzerne et le chargea d’aller porter à Necker une lettre qui lui ordonnait de quitter la France. Il lui recommandait seulement de cacher à tout le monde son départ. Le lendemain, M. de Montmorin recevait, de son côté, un billet de Louis XVI lui annonçant qu’il jugeait à propos de l’éloigner et pourvoirait plus tard à ses besoins en récompense de ses services. M. de Breteuil, incapable de comprendre autre chose que le gouvernement des lettres de cachet, devenait premier ministre ; M. le duc de Lavauguyon acceptait le portefeuille des affaires étrangères. Deux jours après ce coup d’état, la Bastille était prise ; le roi venait à Paris, arborait la cocarde nationale et rappelait les ministres qu’il avait congédiés. Necker, en rentrant, rencontrait à Bâle Mme de Polignac et sa famille, partant pour l’émigration. Montmorin, qui connaissait à fond Necker, fut étonné de son dévoûment.

L’essai d’une monarchie constitutionnelle démocratique allait, pour quelques mois, succéder à l’essai de monarchie anglaise.


III

La Fayette, dont l’esprit était pareil à celui d’un Américain des États-Unis et qui soutenait la monarchie par de voir plus que par goût, fut le personnage important de cette seconde période. Envoyé par la noblesse d’Auvergne à la constituante, compatriote da Montmorin, ils s’étaient liés à Madrid, au retour de la guerre d’Amérique. Cette amitié se noua plus solidement, lorsque, devenu chef des gardes nationales, La Fayette eut, en réalité, le commandement de toute la force armée. Montmorin crut un instant qu’avec son appui il pourrait encore sauver la royauté. Il voulut à tel point s’assurer de lui au profit de la famille royale, qu’il lui avait offert d’être connétable ou lieutenant-général du royaume. La Fayette avait refusé. Montmorin se fia à sa loyauté et ne s’en repentit jamais, mais il fut déçu dans son espoir en la valeur politique de l’homme, quand il eut à combiner avec lui l’organisation d’un plan intérieur pouvant à la fois servir à réprimer les clubs et à relever l’autorité constitutionnelle de Louis XVI.

La Fayette avait été consulté par Montmorin pour compléter le ministère. L’archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé, devint garde des sceaux, le comte de La Tour du Pin, ministre de la guerre ; M. de La Luzerne reprit le département de la marine, le maréchal de Beauvau fut appelé au conseil sans portefeuille. Necker, qui présidait, n’avait plus foi au succès de sa cause et il ne pouvait désormais se flatter de la confiance du roi, pas plus que de celle de l’assemblée.

En reprenant son poste aux affaires étrangères, le comte de Montmorin comprenait aussi que l’ancienne politique de la maison de Bourbon était finie. Peut-on vraiment lui reprocher de n’avoir pas entrepris, au nom de la France, une expédition dans l’extrême Orient, lorsque le fils du roi de Cochinchine était venu, quelque temps auparavant, avec l’évêque, son gouverneur, solliciter des secours contre l’usurpateur qui avait détrôné son père ? Alors même qu’on eût envoyé les trois frégates et les douze cents soldats qu’il demandait, croit-on que les circonstances permettaient, dans ces années 1789 et 1790, d’étendre l’influence française dans ces lointaines régions[10] ? Sans cesse exposé aux attaques d’une assemblée qui, de jour en jour, par la création des comités, concentrait en elle non-seulement la politique, mais l’administration, Montmorin croyait devoir se borner à soutenir les liaisons établies et à sauver au dehors la considération de la France. Il n’était ni un aventureux, ni un homme de génie ; toutes les négociations traitées personnellement par lui avant la double politique du roi, consistent dans un traité de commerce avec la ville de Hambourg, dans le renouvellement des traités de paix avec la régence d’Alger, dans la confirmation de quelques arrangemens dans l’Inde, dans une convention commerciale avec la petite république de Mulhouse et dans deux conventions avec l’Angleterre à la suite des événemens de Hollande dont nous avons parlé.

Nos relations extérieures allaient devenir inquiétantes à mesure que la révolution se développait, l’influence de. l’étranger se faisait déjà reconnaître dans les agitations occasionnées par la crise des subsistances. La Fayette avait dénoncé ces intrigues. Une lettre de Dorcet, l’ambassadeur d’Angleterre, à Montmorin, pour désavouer toute inculpation de ce genre et ses instances pour que cette lettre fût communiquée à l’assemblée contrairement aux formes diplomatiques, tout cela en disait assez. Depuis que la France avait aidé à la délivrance de l’Amérique, l’Angleterre avait repris contre nous ses vieilles haines ; elle avait souri cependant à notre révolution, s’imaginant alors que nous courions après l’imitation de ce qu’elle avait fait au XVIIe siècle. Quoi qu’il en fût, elle n’avait pas voulu profiter du complot de Brest et elle l’avait révélé à Montmorin. On s’attachait des deux côtés à éviter tout sujet de rupture ; l’assemblée applaudit la lettre de Dorcet et la consigna au procès-verbal. (Séances des 22 et 23 juillet.) Une ère nouvelle allait s’ouvrir dans l’étonnante histoire que nous étudions : les journées des 5 et 6 octobre avaient lieu.

Déterminé par La Fayette, avec qui il avait eu une longue conférence pendant que les colonnes parisiennes marchaient sur Versailles, Montmorin avait conseillé au roi de venir habiter Paris. On n’avait pas encore perdu l’illusion de croire à la durée de l’enthousiasme populaire pour la personne de Louis XVI[11]. Qui, ce jour-là, comprenait que, dès ce moment, il n’y aurait plus, à proprement parler, de gouvernement monarchique ? Montmorin comme La Fayette pensait que le péril le plus urgent était le duc d’Orléans. Le 7 octobre, La Fayette lui avait demandé un rendez-vous chez une femme de beaucoup d’esprit, dans la société de laquelle ils s’étaient rencontrés souvent, Mme la marquise de Coigny. Là, après une conversation. que Mirabeau appelait très impérieuse d’une part et très résignée de I*autre, il fut résolu que le duc d’Orléans partirait pour Londres avec une mission donnée par Montmorin pour justifier le départ.

En éloignant Philippe-Égalité, les deux amis s’étaient mis d’accord pour écarter ce qu’ils pensaient être le danger le plus immédiat.

La mission du duc d’Orléans près du roi d’Angleterre est intéressante à étudier, La correspondance échangée avec Montmorin témoigne d’une rare intelligence et révèle une sagacité véritable de la part d’un prince que sa haine pour Marie-Antoinette allait absorber et dévorer. Montmorin lui avait remis comme instruction de savoir si l’intention de George III était de demeurer, en tout état de cause, spectateur passif de nos divisions, ou d’en tirer avantage en provoquant la guerre[12]. Le voyage du prince avait un autre objet : une fermentation extrême régnait en Belgique. Il s’agissait de pressentir les dispositions du cabinet de Saint-James pour le cas où les Belges essaieraient de se soustraire à l’autorité de l’empereur.

Comme le frère de M. de La Luzerne était ambassadeur en titre près la cour d’Angleterre, M. le duc d’Orléans devait d’abord le voir et lui confier le but de sa mission. Il s’en acquitta, en effet, avec autant d’exactitude que de pénétration. Très dévoué à l’alliance anglaise, partisan, alors que l’idée n’était pas encore mûre, d’un traité de commerce fondé sur le libre échange, vivant dans l’intimité du prince de Galles et bien renseigné par lui sur la politique étrangère, le duc d’Orléans aurait pu dans d’autres circonstances rendre d’éclatons services. Mais sa situation vis-à-vis du représentant officiel de son pays auprès du roi George ne tarda pas à devenir fausse. Il écrivait le 6 mars 1790 à ses amis MM. de Liancourt et Biron : « Je crois que la manière dont je pourrais être le plus utile ici, serait ou que M. de La Luzerne fût employé ailleurs, ou eût un congé et que je restasse à la tête des négociations, soit que j’eusse ou que je n’eusse pas le titre d’ambassadeur, avec un chargé d’affaires autre que M. de Barthélémy, qui me serait subordonné, et qui opérerait dans les mêmes vues et Les mêmes principes que moi. » Le comte de Montmorin résistait absolument à cette combinaison ; il avait bien voulu se prêter à un éloignement du duc, mais il se refusait à lui accorder sa confiance et à déplacer M. de La Luzerne.

Les trames qui se nouaient et se dénouaient à Paris autour de son nom vinrent ajouter à la difficulté du séjour du duc d’Orléans à Londres. Un de ses intimes, le baron de Menou, avait été appelé au nom du roi dans le cabinet de Montmorin. Il lui reprochait d’avoir dans une correspondance rendue publique en Angleterre, parlé de la banqueroute comme inévitable. Le duc d’Orléans, instruit de cette nouvelle par M. de La Touche, protesta énergiquement, demanda une enquête et parvint à faire agréer ses justifications, Il insistait également pour que ses pouvoirs fussent confirmés et étendus. « Le moyen le plus sûr et le plus noble, pour Monseigneur, de détruire jusqu’à l’apparence des calomnies dont il se plaint, lui écrivait Montmorin le 31 mai 1790, c’est de rendre son séjour à Londres utile à la nation et au roi. M. de La Luzerne se trouvera trop heureux que Monseigneur veuille bien lui donner ses conseils et l’aider de ses moyens et l’on peut se reposer sur son honnêteté du soin de publier les services que Monseigneur aura rendus, »

M. de La Luzerne n’était pas aussi bien disposé que le croyait le ministre des affaires étrangères ; en relations confidentielles avec La Fayette, notre ambassadeur le tenait au courant des moindres faits et gestes du duc d’Orléans et de Mme de Buffon, qui l’avait suivi en Angleterre. « Le duc d’Orléans n’est guère plus heureux avec les Anglais qu’avec les Français. On le regarde comme ayant déserté son parti, ce qui est dans ce pays-ci un crime capital et dont on lui sait extrêmement mauvais gré. Il se borne donc à la société de son ami le prince de Galles, de quelques complaisans et de Mme de B… Il ne me paraît pas, cependant, désireux du tout de retourner en France. Je vous assure, mon cher marquis, que je surveillerai de près ses démarches et qu’il ne sortira pas sans que vous en soyez prévenu. » M. de La Luzerne se trompait, le duc d’Orléans était pressé de retourner à Paris. Le 25 juin 1790, il écrivait à Montmorin qu’il se disposait à partir. La Fayette, instruit de son désir de retour, lui envoyait sur-le-champ un aide-de-camp, M. de Boinville, le conjurant, pour éviter des troubles, de rester éloigné. Le duc d’Orléans ne voulut pas entendre raison ; il adressa à l’assemblée nationale une note par laquelle il déclarait urgent le devoir d’aller reprendre ses fonctions de député et reconnaissait que son séjour en Angleterre n’était plus dans le cas d’être utile aux intérêts de la nation. La Fayette eut beau dire à l’assemblée que les mêmes raisons qui avaient déterminé le duc d’Orléans à accepter une mission pouvaient encore subsister, celui-ci débarquait à Calais et assistait au club des Jacobins, le jour anniversaire de la prise de la Bastille. Il avait pourtant vu clair durant cet éloignement volontaire d’une année, et il avait spécialement signalé avec discernement deux incidens qui faillirent troubler prématurément, dans cette année 1790, la paix de l’Europe : l’un était la révolution avortée des Pays-Bas et l’autre la querelle suscitée à l’Espagne par l’Angleterre à propos de la saisie de quelques navires marchands par le vice-roi du Mexique.

Si les premiers événemens de la révolution avaient été considérés par les cours étrangères sans effroi, c’est que notre caractère de légèreté nationale rassurait ; on traitait assez gaîment nos nouvelles libertés. On s’était même permis sur un théâtre de Londres de jouer une parodie de la constituante. On voyait sur la scène le président, armé d’une grosse cloche, occupé à faire taire les orateurs, qui parlaient tous à la fois. Mais les événemens du 6 octobre, les décrets rendus depuis le départ de Versailles, avaient révélé une vigueur et des passions inattendues. Les royautés européennes commençaient à être inquiètes et à redouter la propagande des idées françaises.

Une révolution avait éclaté dans le Brabant ; elle était essentiellement nobiliaire et aristocratique.

Un manifeste du 24 octobre 1789, signé Vanderhoot, déclarait que Joseph II avait violé les articles 3 et 5 du pacte fondamental en démolissant les fortifications, en supprimant arbitrairement plusieurs monastères et des confréries. Vainement l’aristocratie brabançonne s’était adressée à l’assemblée nationale et au roi et avait essayé de l’entraîner dans des mesures qui auraient pu amener la guerre ; La Fayette, tout-puissant, avait vainement tenté de créer un parti populaire dans le congrès belge ; il avait envoyé M. de Sémonville et un intrigant de premier ordre, Dumouriez, pour voir si réellement un concert pouvait être établi entre les deux mouvemens. Les négociateurs avaient échoué. Montmorin ne voulait pas rompre avec la cour d’Autriche, au moment surtout où Léopold II venait de prendre la couronne. L’assemblée nationale avait approuvé cette politique en renvoyant au roi sans les ouvrir les lettres qu’elle avait reçues des agens plénipotentiaires des populations révoltées. Rassuré de ce côté, l’empereur, après avoir obtenu par la convention de Reichenbach l’assentiment des cabinets de Londres et de Berlin, avait fait marcher sous les ordres de Bender 40,000 hommes de troupes autrichiennes. Les Pays-Bas étaient retombés sous le joug. L’insurrection n’avait eu qu’un effet chez nous, c’était de donner le jour à un journal célèbre, les Révolutions de France et de Brabant, qui s’attacha comme un brûlot aux flancs de Montmorin. Le jeune Camille Desmoulins le rédigeait, et il fut avec Brissot le plus implacable ennemi du père de Mme de Beaumont.

Mais le conflit entre l’Espagne et l’Angleterre devait être pour la cause de la monarchie constitutionnelle l’occasion d’un échec irréparable. Irrité de l’outrage fait à l’honneur du pavillon britannique, le cabinet avait demandé réparation à la cour de Madrid. L’Angleterre se montrait d’autant plus susceptible qu’elle n’était pas fâchée de trouver un prétexte pour se mettre en mesure d’exercer son influence sur les événemens. Le pamphlet de Burke avait paru et avait semé l’effroi dans les âmes. Un armement considérable fut ordonné dans les ports anglais. L’Espagne, de son côté, réclamait de la France l’exécution du pacte de famille, la base alors de toute notre politique extérieure[13]. Par une lettre au président, dès le mois de mai 1790, Montmorin avait fait connaître à l’assemblée nationale les motifs qui rendaient nécessaire l’équipement de quatorze vaisseaux de ligne. L’Angleterre avait augmenté ses forces dans une telle proportion et avec une si fiévreuse activité que, dans une autre lettre du 1er août, il crut prudent de demander de nouveaux subsides extraordinaires.

La question du droit de paix et de guerre était en ce temps-là agitée dans toutes les têtes. Il suffisait d’un motif pour mettre en jeu les revendications. Lorsqu’Alexandre Lameth crut voir de graves inconvéniens à décider sur un cas particulier une thèse d’attribution constitutionnelle, il ne fut même pas écouté. La lice était ouverte. Qui n’a lu les harangues enflammées qui passionnèrent Paris pendant huit jours ! La tribune était devenue le champ de bataille où semblait de voir se décider la cause de la révolution. A la solution théorique d’un principe on attachait de part et d’autre, avec une égale ardeur, le triomphe ou le renversement de la constitution. L’intérêt immédiat avait disparu devant l’abaissement de la monarchie.

Mme de Beaumont, qui avait rencontré Morellet chez les Trudaine, avait tenté de tirer de sa plume un secours. Dès les premiers mois de 89, dans une lettre au maréchal de Beauvau, publiée dans le Mercure, l’abbé Morellet, avec un remarquable bon sens, avait répondu à des publicistes superficiels, osant affirmer qu’il n’y avait dans la constitution anglaise ni liberté personnelle, ni tolérance religieuse, ni liberté de la presse et que la nation obéissait aux volontés arbitraires d’un parlement oligarchique et corrompu. La fille de M. de Montmorin eût voulu qu’une brochure vînt en aide à la défense des prérogatives essentielles du roi, sapées dans leur dernier fondement. Mais Morellet était effrayé ; il fit la sourde oreille. La création du comité diplomatique avait, du reste, singulièrement affaibli l’initiative ministérielle, en attendant qu’il la supprimât. Les dépêches relatives au différend de l’Espagne et de l’Angleterre lui avaient été renvoyées ; et pendant que les constitutionnels luttaient en petit nombre pour essayer de faire régner un monarque sur un pays révolutionnaire, pendant que l’influence du ministre était à chaque instant battue en brèche, la convention de l’Escurial du 28 octobre 1790 mettait fin aux difficultés sans notre participation.

Il y eut pourtant une circonstance où Montmorin, pouvant agir isolément, avait démontré son habileté. L’ambassadeur des Provinces-Unies réclamait le reliquat des quatre millions et demi que la cour de Versailles s’était engagée à payer en vertu du traité de Fontainebleau du 10 novembre 1785. Montmorin se défendit contre cette réclamation. Il rappela les bons offices du roi auprès de l’empereur ; il ajouta que la Hollande ayant contracté depuis une nouvelle alliance avec l’Angleterre sans notre adhésion, la France était dégagée de ses promesses. Les derniers paiemens ne furent pas acquittés.

Il n’y avait pas de satisfaction à espérer pour Montmorin dans la situation critique qui se dessinait à tous les yeux. Louis XVI l’aimait et pourtant ne se livrait pas à lui ; sa bonté n’avait rien d’expansif. La reine ne pardonnait pas à l’ancien menin son intimité avec Necker et La Fayette. D’autre part, l’esprit vulgaire d’envie et de haine s’irritait avec acharnement contre l’ombre du pouvoir qui restait au ministre. « Baptiste Montmorin a pris le rôle de la bêtise, écrivait Camille Desmoulins. O bon monsieur Capet, quel choix vous avez fait dans votre sagesse[14] ! » Malgré les dégoûts qui lui montaient souvent au cœur et dont nous trouvons la trace dans ses confidences, Montmorin croyait encore au plan politique de La Fayette.

Quinze mois après son retour triomphal, Necker venait de donner sa démission sans que personne songeât à le retenir. Il n’y avait pas d’homme plus usé. La situation de ses collègues du ministère n’était plus tenable. La Fayette était intervenu auprès du roi ; il lui avait nettement dit que le comte de Montmorin étant connu pour son attachement à la constitution, ne pas mettre de prix à son maintien aux affaires étrangères était un acte d’hostilité personnelle ; que le seul moyen de durer était que le roi, Montmorin et lui eussent une confiance entière réciproque. La reine résistait, aigrie par une pareille recommandation. Montmorin avait en ce moment, auprès de l’assemblée, une dernière lueur d’influence. Il tenait d’ailleurs, grâce aux fonds secrets, les mille liens des négociations avec plus d’un meneur bruyant et vénal. Sa démission ne fut donc point acceptée. MM. de Fleurieu, du Portail, La Tour du Pin et Duport du Tertre devinrent ses nouveaux collègues. Mais l’amertume de son cœur et son découragement, nous les retrouvons à cette date dans un entretien qu’il eut avec M. de Ségur[15].

Rappelé de la cour de Russie, où il avait intelligemment représenté la France, le comte de Ségur (septembre 1790) était allé rendre compte de sa mission à M. de Montmorin. De tous les tableaux qu’on avait tracés de la révolution, celui que Lui fit M. de Montmorin fut le plus sombre. Son esprit éclairé sentait très bien la nécessité de terminer les troubles car une transaction sincère et par un pacte qui contiendrait tous les élémens d’un gouvernement représentatif ; mais, en même temps, il était persuadé que la violence des passions rendait ce remède impossible. « D’un côté, dit-il à M. de Ségur, le peuple dans sa fougue paraît ne vouloir qu’une démocratie qui mène à l’anarchie. Il s’armera bientôt contre ceux qui veulent aujourd’hui le soumettre à un frein légal. D’une autre part, la cour, l’aristocratie et ce qui environne le roi rejettent avec opiniâtreté tout ce qui ne leur montre pas la monarchie telle qu’elle était autrefois. Vous savez à quel point j’aime le roi ; il est juste, vertueux, bon ; mais sa bonté est privée de force. Il ne sait résister ni à ceux qu’il craint ni à ceux qu’il aime. Je fais de vains efforts pour le déterminer à suivre avec fermeté un plan quelconque. »

Ce langage, tout à l’honneur de Montmorin, précise à la fois l’état de son esprit et les obstacles insurmontables auxquels se heurtaient ses projets. Déçu du côté de La Fayette, il crut un instant avoir trouvé dans Mirabeau le génie indispensable pour que cette marche nouvelle du siècle se poursuivit avec calme et régularité.


IV

Ils se connaissaient depuis longtemps. Une mauvaise aventure les avait brouillés.

C’était à la fin de 1787 ; Montmorin venait de succéder à M. de Vergennes. Mirabeau, sans ressources, presque dans le dénûment, avait obtenu par l’intermédiaire de l’abbé de Périgord, M. de Talleyrand, une mission confidentielle en Prusse. On était convenu que Mirabeau lui adresserait ses lettres chiffrées pour les remettre au ministre. Sur le bruit de la convocation des notables, Mirabeau était accouru en France, après plus d’un an de séjour en Allemagne, et à l’aide des minutes de sa correspondance, il avait composé l’Histoire secrète de la cour de Berlin[16]. On était en novembre 1788 ; l’ouvrage allait paraître. Montmorin avait eu connaissance du manuscrit. Le duc de Lauzun le lui avait apporté et avait ajouté que Mirabeau en ferait le sacrifice si Montmorin voulait en donner le prix offert par le libraire, 300 louis. Le marché accepté, l’argent avait été compté, à cette nouvelle condition que Mirabeau renoncerait à se faire élire en Provence. Cet engagement était-il possible ? Nous ne le discuterons même pas. Mirabeau était parti, s’était présenté à Aix, et le livre avait paru. La femme du libraire, Mme Legay, très liée avec Mirabeau, avait soustrait la copie du manuscrit vendu. La présence à Paris du prince Henri de Prusse, fort maltraité dans l’ouvrage, ajoutait aux embarras du gouvernement. Des poursuites rigoureuses avaient été ordonnées ; on allait jusqu’à parler d’une lettre de cachet. L’abbé de Périgord, après de sanglans reproches, s’était brouillé avec Mirabeau pour ne se raccommoder qu’à son lit de mort. Des lettres presque injurieuses avaient été échangées entre lui et Montmorin, et l’impression était restée vive lorsqu’ils se trouvèrent face à face à l’assemblée constituante.

Par l’entremise du comte de La Marck, des relations s’étaient nouées entre Mirabeau et la cour dès mars 1790. En homme de gouvernement, Mirabeau avait vainement essayé jusqu’à cette heure de se rapprocher des ministres. Préoccupé de la marche des événemens, de la tendance des partis, de l’inanité des mesures employées pour les combattre, il surmonta ses répugnances. Il voulait que Necker et Montmorin lui confiassent leur plan, s’ils en avaient ; il s’engageait à le soutenir, à employer tous ses moyens, toute son influence pour empêcher l’invasion des fausses idées démocratiques. Il s’était adressé à Malouet pour obtenir une conférence. Necker et Mirabeau avaient malheureusement été laissés seuls en présence l’un de l’autre. À cause de l’affaire du manuscrit, Montmorin avait cru ne pas de voir assister à cette première entrevue. On sait comment la raideur de Necker compromit tout et comment le lendemain, à l’assemblée, passant tout rouge de colère, à côté de Malouet, il lui cria en enjambant un gradin : « Votre homme est un sot, il aura de mes nouvelles. »

Mirabeau s’était alors tourné vers La Fayette. Il ne réussit pas mieux. C’était vainement qu’il lui écrivait : a Soyez Richelieu sur la cour, pour la nation, et vous referez la monarchie, en agrandissant et consolidant les libertés publiques ; mais Richelieu avait son capucin Joseph ; ayez donc votre éminence grise ; ou vous vous perdrez en ne nous sauvant pas. Vos grandes qualités ont besoin de mon impulsion ; mon impulsion a besoin de vos grandes qualités. » La Fayette plein de méfiance restait sourd ; on se contentait d’offrir à Mirabeau une ambassade. L’indignation et la colère s’emparaient de lui ; il voyait s’écouler stérilement des heures dont la perte était irréparable. Si l’on lit sa Correspondance avec le comte de La Marck, pendant cette année 1790, son antipathie contre Montmorin, la sévérité de son jugement, y sont accusées à chaque page ; il le croit le serviteur de La Fayette et il ne le lui pardonne pas. La vivacité de son langage devait s’adoucir du jour où Montmorin put le convaincre que, quelles qu’eussent été son amitié et sa déférence pour La Fayette, son dévoûment à la cause de la monarchie constitutionnelle l’emporterait sur tout. Cette preuve ne tarda pas à être faite.

Necker, opposé à l’établissement des assignats, lassé de la conduite de l’assemblée, mécontent aussi de l’opposition sourde et continue qu’il rencontrait dans l’entourage intime du roi, avait comme nous l’avons dit, pris la résolution de se retirer. Il était parti le 8 septembre le cœur brisé. Le renvoi du ministère à la suite de cette retraite avait été obtenu. Montmorin seul avait été conservé et devenait le véritable chef du cabinet. Il n’était plus possible que le ministre principal n’eût aucune connaissance des projets ou des conseils de Mirabeau. Les rapports avec le roi, du moment qu’il n’y avait pas un centre de direction, étaient plutôt des intrigues qu’un système de conduite. Le comte de Mercy-Argenteau, qui avait l’oreille de la reine, était convaincu qu’on ne pourrait tirer parti de Mirabeau qu’en l’abouchant avec Montmorin. La Marck avait été chargé de cette délicate entreprise ; il en parla à Marie-Antoinette. Elle tenait toujours rigueur à Montmorin de sa trop facile soumission aux volontés de Necker. Néanmoins, comme elle reconnaissait qu’il n’avait fait en cela qu’obéir au roi, elle pardonna facilement ; elle n’avait pas du reste été longtemps sans s’apercevoir qu’au milieu des nouveaux ministres Montmorin était le seul ami. Il venait d’avoir avec son collègue, Duport du Tertre, le successeur aux sceaux de Champion de Cicé, une altercation des plus vives. Seul datas le conseil, il osait prendre la défense de la reine ; on ne parlait rien moins dans les clubs que de la légitimité d’un attentat sur l’Autrichienne. Montmorin demandant si on laisserait consommer un tel forfait, Duport du Tertre répondit froidement qu’il ne se prêterait pas à un assassinat, mais qu’il n’en serait pas de même s’il s’agissait de faire un procès à la reine. « Quoi ! s’écria Montmorin, vous ministre du roi, vous consentiriez à une pareille infamie ? — Mais, répondit l’autre, s’il n’y avait pas d’autre moyen ! » Cela se passait en décembre 1790. On conçoit que Marie-Antoinette n’ait plus hésité à donner son affection à l’honnête homme qui la défendait courageusement.

Mirabeau rend compte dans sa quarante-sixième note de l’accueil empressé qu’il venait de recevoir de Montmorin. Il lui avait, en effet, fort habilement inspiré confiance ; après avoir dissipé tout soupçon de connivence avec La Fayette, après avoir rejeté sur Necker l’insuccès des premières tentatives de réconciliation, Montmorin dit à Mirabeau : « Nous périssons, nous, l’autorité, la royauté, la nation entière. L’assemblée se tue et nous tue, et cependant, quelqu’important qu’il soit de la renvoyer, on ne peut tourner court. Que faut-il donc ? Temporiser, mais gouverner. Je veux relever l’autorité ; je veux consacrer toutes mes forces à ce but, vous le voulez vous-même. Les divers points de notre coalition sont faciles à arrêter. Je vous demande de m’aider : 1° à tracer un plan qui puisse faire finir l’assemblée sans secousses ; 2° à changer l’opinion des départemens, à veiller sur les élections, à repopulariser la reine ; 3° à me faire obtenir sa confiance. » Et avec une modestie égale à sa bonne foi, Montmorin ajouta : « Éclairez-moi, secondez-moi ! Je n’ai jamais rêvé sur la constitution des empires, ce n’est pas là mon métier ; je le ferais mal. Il me faut des gens habiles et je ne compte que sur vous. »

Mirabeau, très ému, prit les mains de Montmorin : « Ce n’est pas le ministre du roi, forcé quelquefois de jongler, que je viens d’entendre, répondit-il ; c’est un homme d’honneur qui m’a parlé et qui ne veut pas me tromper. Je vous servirai, je vous seconderai de tout mon pouvoir. » A partir de ce jour, l’intimité des deux côtés fut absolue. Ranimé et encouragé, Mirabeau (23 décembre 1790) rédigea et compléta son plan, qui porte le titre d’Aperçu sur la situation de la France et les moyens de concilier les libertés publiques avec l’autorité royale. C’est à la fin de cet écrit qu’il se livre aux plus sinistres prévisions sur l’avenir de la famille royale. Montmorin, de son côté, mettait un sérieux esprit de suite à surmonter les obstacles qui se présentaient.

Ces obstacles étaient de diverse nature. L’absence d’énergie du malheureux Louis XVI n’était pas le moindre. « Lorsque je lui parle de ses affaires et de sa position, écrivait Montmorin au comte de La Marck, il semble qu’on lui parle de choses relatives à l’empereur de Chine. » La médiocrité de son esprit ne s’atténuait pas, même dans ses rapports avec l’homme d’état le plus éminent. Et, en effet, Mirabeau, à travers les éclairs de son génie, comprenait que l’anéantissement du clergé, des parlemens, des pays d’état, de la féodalité, des privilèges de tout genre, était une conquête commune à la nation et au monarque. C’était sur ces immenses ruines qu’il voulait bâtir. La révolution était faite, mais la constitution ne l’était pas, et Mirabeau, se sentant pour la première fois véritablement soutenu, songeait à établir un contrepoids entre les pouvoirs ; sa plus vive préoccupation était le conflit perpétuel entre le roi et le corps législatif. Ses conversations avec Montmorin portaient principalement sur ce sujet. Mme de Beaumont, parlant plus tard à Chateaubriand de ce douloureux passé, revenait fréquemment sur cette courte période où, servant de secrétaire et de confidente à son père, elle avait partagé avec lui les illusions que faisaient naître les affirmations hardies, la foi audacieuse de Mirabeau.

Son apostrophe : « Silence aux trente voix ! » dans les premiers jours de 1791, avait, plus que toutes les indiscrétions, annoncé publiquement son changement d’opinion ; mais Montmorin n’avait confié à personne le secret de ces communications, lorsque, sur la prière du roi, coïncidant avec un désir de Mirabeau, communication du plan fut donnée à Malouet[17]. « C’est votre faute, lui dit Montmorin en l’abordant, si vous êtes si tard et si mal instruit. Vous nous avez abandonnés avec humeur, et vous avez dans votre modération une telle inflexibilité qu’étant bien sûr de vous trouver toujours au moment du besoin, je n’ai pas couru après vous. » Il lui fit alors le récit de toutes les négociations ; il ne lui dissimula même pas qu’il était dépositaire d’un bon de 2 millions que Mirabeau devait toucher dès que les affaires auraient pris une meilleure tournure. Il recevait en attendant 10,000 francs par mois.

La cour se figurait que le meilleur moyen d’arrêter la révolution était aussi d’en gagner les chefs. C’était Montmorin qui était chargé de cette besogne ; une partie de la liste civile recevait cet emploi[18]. Elle ne payait pas moins de 34,000 livres par mois. Ces corruptions systématiques étaient à la fois une erreur et une duperie. La révolution, suivant l’expression de Mme de Staël, n’avait que des chefs invisibles : c’étaient des croyans à certaines vérités, et nulle séduction ne pouvait les atteindre. Il faut transiger avec les principes en politique et ne pas s’embarrasser des individus, qui se placent d’eux-mêmes dès qu’on a bien dessiné le cadre dans lequel ils doivent entrer. Ces transactions avec les consciences ne rencontraient à chaque pas que des déconvenues.

Depuis que le comité des finances avait réclamé la communication du livre des pensions, depuis que Montmorin avait été obligé de prouver qu’il n’avait pas fait passer d’argent à l’empereur, le département des affaires étrangères était l’objet d’attaques continuelles, surtout dans son personnel. Heureusement que Mirabeau était membre du comité diplomatique et qu’il accablait de sa supériorité le rapporteur Fréteau, la commère Fréteau, comme il le nommait dédaigneusement. Il ne put cependant empêcher l’assemblée d’adopter un décret qui causa les plus graves embarras. Ce décret fixait la pension de retraite des ambassadeurs et des ministres plénipotentiaires. Les jacobins, en le votant, n’avaient eu qu’un but : le renouvellement. du corps diplomatique. Les motions succédaient aux motions ; le moindre incident servait de prétexte aux interpellations ; tantôt c’était une dénonciation pour avoir autorisé le passage sur le territoire français de quelques troupes allemandes, usage réciproque et nécessaire pour les changemens de garnison ; tantôt c’était la signature donnée pour le passeport de Mesdames tantes du roi. Les orages s’amoncelaient sur Montmorin ; combien de temps encore eussent-ils pu être dissipés, même si Mirabeau eût vécu ?

Le 31 mars 1791, Montmorin écrivait à La Marck : « Je suis entièrement effrayé et tout aussi affligé. Le billet de Cabanis, ce matin, était détestable. Je renvoie pour savoir des nouvelles. Si elles sont aussi mauvaises que ce matin, si l’état continue à être aussi dangereux, ne pensez-vous pas qu’il y aurait quelques précautions à prendre pour les papiers ? On me dit qu’il pourrait y avoir plusieurs personnes compromises. Je suis bien inquiet, très affligé, très découragé. »

Le 2 avril, en effet, Mirabeau mourait ; avec lui disparaissaient les derniers rêves constitutionnels caressés par Montmorin. Son abattement fut profond. Il ne s’en releva pas ; il offrit sa démission, mais le refus de M. de Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople, le força de reprendre une lutte qui l’avait lassé. Désormais il va consacrer ce qui lui reste à vivre à essayer de sauver les jours du roi. Son autorité près de lui baissait avec ses espérances ; quelques semaines à peine s’étaient écoulées qu’il ne dissimulait plus qu’on marchait à la république. L’assemblée n’avait-elle pas, le 7 avril, voté la résolution par laquelle aucun député ne pourrait entrer dans le ministère que quatre ans après la fin de la législature ?


V

Quelle politique extérieure pouvait prendre place entre ces deux années 1791 et 1792 ? La révolution écrivait un droit diplomatique nouveau. C’était contre l’empire germanique que sa première action extérieure devait s’exercer. Le décret du 4 août 1789 avait dépouillé de leurs droits féodaux plusieurs princes ecclésiastiques et laïques de l’empire, à raison de leurs possessions enclavées dans les provinces d’Alsace, de Franche-Comté et de Lorraine. Dès le mois de janvier-suivant, les délégués du cercle du Haut-Rhin, assemblés à Francfort, avaient pris un conclusum portant que l’empereur et le corps germanique étaient requis d’accorder appui et protection aux états, à la noblesse et au clergé de l’empire contre les actes de l’assemblée nationale. Léopold, en entrant à Francfort (fin septembre 1790) avait promis d’appuyer les droits des princes allemands possessionnés. Il s’y était d’autant mieux engagé que les écrits français et les harangues de nos orateurs avaient donné un grand mouvement aux esprits dans les électorats de Trêves, de Cologne et de Mayence. Cependant la constituante, qui n’était pas prête à déclarer la guerre, avait reconnu le principe d’une indemnité. M. de Ternant, colonel du régiment le Royal-Liégeois, avait été envoyé par Montmorin en mission extraordinaire à Coblentz pour déterminer les princes, réunis à la diète de Ratisbonne, à accepter un règlement basé sur les traités[19]. Une lettre à M. de Vergennes, fils de l’ancien ministre, et représentant la France dans les électorats, les dépêches à M. de Noailles, ambassadeur à Vienne, indiquent clairement les difficultés. Elles pouvaient être pacifiquement résolues ; mais le roi et la reine, éperdus, sans appui réel à l’intérieur, ne comptant plus sur personne autour d’eux pour sauver la monarchie, veulent gagner du temps, espérant dans une intervention conciliante des puissances coalisées.

Montmorin est alors chargé de rédiger le manifeste célèbre du 23 avril 1791, adressé à tous nos représentans à l’étranger. « Le roi, écrivait-il, me prie de vous mander que son intention la plus formelle est que vous manifestiez ses sentimens sur la révolution et la constitution à la cour où vous résidez ; les ambassadeurs et ministres de France près toutes les cours de l’Europe reçoivent les mêmes ordres, afin qu’il ne puisse rester aucun doute ni sur les intentions de Sa Majesté, ni sur l’acceptation libre qu’elle a donnée à la nouvelle forme de gouvernement, ni sur son serment inviolable de la maintenir. » Cette circulaire s’efforçait surtout de répondre à cette accusation que la volonté du roi avait été forcée, et elle se terminait par ces mots : « Ces calomnies ont cependant pénétré jusque dans les cours étrangères ; donnez de la constitution française l’idée que le roi s’en forme lui-même, ne laissez aucun doute sur l’intention de Sa Majesté de la maintenir. »

Montmorin communique cette circulaire à l’assemblée ; elle éclate en enthousiasme, — enthousiasme de peu de durée. Dès le lendemain, l’abbé Royou publiait ses Réflexions : « Quoi ! au sein des attentats contre sa personne, des outrages faits à son épouse, des persécutions suscitées à l’église, des horreurs qui souillent la révolution, le confident des pensées du roi ose protester à l’Europe qu’il est heureux ! .. Captif au milieu d’une nation qu’il a rendue libre, il voit tous ses goûts contrariés, toutes ses intentions suspectées, ses actions dénaturées, ses vertus même calomniées ; ses plus fidèles serviteurs lui sont arrachés ; il n’est pas jusqu’à sa conscience qu’on ne violente, et son ministre atteste à l’Europe qu’il est heureux ! Quelle idée veut- il donc donner de sa sensibilité ? Non, M. de Montmorin n’a rien cru de tout cela, et c’est pourquoi je regarde comme un chef-d’œuvre de politique d’avoir, sans hésiter, adopté la lettre qui lui a été adressée par le club des Jacobins. »

Les doutes se répandent, en effet ; l’Orateur du peuple imprimait ces lignes[20] : « Quelle foi ajouter à ta lettre, plat Montmorin, petite vipère gonflée de tout le venin de l’ancien régime et que le peuple aurait dû mille fois écraser ! » Et dans un autre numéro : « Croyez-vous à la sincérité des sentimens consignés, avec tant d’affectation, dans la lettre de Montmorin aux cours étrangères ? Plus elle est patriote, plus elle doit être suspecte ! » Enfin, le Moniteur du 31 mai insère un extrait d’une correspondance de Francfort, dont voici le texte : « J’ai dans ce moment entre les mains les copies fidèles de deux contre-lettres envoyées en même temps que la déclaration, dont on a voulu qu’elles annulassent l’effet et qu’elles ont discréditée entièrement, »

Montmorin, de bonne foi, atteste, sur sa tête et son honneur, sa sincérité ; il était encore une fois trompé. Il n’en défend pas moins le roi.

Quinze jours après (21 juin) Dandré entrait, à six heures du matin, chez Montmorin, et lui apprenait la fuite de Varennes. Une lettre de Louis XVI, apportée au même instant, lui annonçait son départ et lui disait d’attendre ses ordres. Il oublia, dans ce moment, ses propres périls pour se livrer à la joie de savoir le roi, qu’il aimait, échappé au danger de la sortie de Paris. La joie fut courte. La nouvelle s’était répandue ; le peuple assaillit aussitôt l’hôtel de Montmorin, réclamant sa tête. Il put faire parvenir à son collègue de Lessart, chargé du ministère de l’intérieur, ces quelques lignes : « Je ne puis sortir, le peuple entoure ma maison ; on y a mis des gardes. S’il y a quelques démarches à faire auprès de l’assemblée nationale, je vous prie de me le faire savoir et de prier l’assemblée de donner des ordres pour que je puisse me rendre auprès d’elle. Je ne demande pas mieux que de lui rendre compte de ma conduite. » Il écrivait en même temps au président.

Ordre fut donné de dégager Montmorin. A l’interpellation qui lui fut adressée il répondit par ce simple mot : « Il y a à parier que, si j’avais donné au roi le conseil de partir, je l’aurais précédé ou suivi. » On l’invita, au milieu des applaudissemens, à reprendre sa place au milieu des ministres. Mais l’irritation populaire ne fit que s’accroître lorsque, après l’arrestation de la famille royale, on découvrit le passeport délivré sous le nom de la baronne de Korf. Cette fois encore, la foule voulut mettre le feu à l’hôtel de la rue Plumet. La santé de Mme de Beaumont reçut dans ces cruelles émotions la première atteinte grave. Les pleurs, les insomnies, les inquiétudes incessantes et mortelles que donnaient les violences populaires à une jeune femme vivant de la vie de son père et toujours à ses côtés, frappaient en elle les sources mêmes de l’existence. C’était, en effet, Montmorin, qui avait signé le passeport. Il lui avait été demande, par M. de Simolin, ministre de Russie, à qui il ne pouvait le refuser. Quatre commissaires furent désignés par l’assemblée : Rœderer, Gourdon, Camus et Muguet. Ils se transportèrent dans les bureaux des affaires étrangères, examinèrent la demande, compulsèrent les registres et rédigèrent un rapport favorable. Un député dit même que les éclaircissemens fournis par le rapporteur étaient si satisfaisans et qu’il était si important d’environner de la confiance publique un ministre n’ayant pas mérité de la perdre, qu’il était convenable d’ordonner l’impression et l’affiche du rapport. La motion fut décrétée et la conduite de Montmorin déclarée irréprochable.

S’il était du reste nécessaire, pour établir sa sincérité, d’ajouter d’autres preuves, nous les trouverions dans un document inconnu de ses ennemis. Le 21 juin 1791, il écrivait confidentiellement au comte de La Marck : « Je reçois dans l’instant une lettre du roi m’annonçant qu’il est parti : jugez dans quel état je dois être ; je ne sais ce qui va arriver. Je crois devoir rester. « Un autre témoignage non moins irrécusable nous vient de Malouet. Il avait, de concert avec l’abbé Raynal, préparé un plan de résistance peu différent de celui de Mirabeau, et il avait prié Montmorin de le présenter. Le roi avait dit non sèchement, et ce non avait fait pâlir l’abbé Raynal. Louis XVI leur laissa ignorer que ces mêmes mesures étaient précisément celles qu’il concertait avec M. de Bouillé. A son retour de Varennes, le roi eut une explication avec Montmorin et lui dit : « Je n’ai été empêché de m’ouvrir complètement à vous que par une seule considération, la peur de vous compromettre. Je ne pouvais vous emmener ; devais-je vous mettre dans le cas d’un parjure si, sachant mon secret, vous persistiez à le garder, ou vous exposer à la mort si vous avouiez en être le dépositaire et ne m’en avoir pas détourné. »

La méfiance populaire fut la plus forte ; elle s’est imposée même à l’histoire. L’Orateur du peuple, dans ses numéros 41, 47, 48, dénonce Montmorin en ces termes : « Et Montmorin, qui peut être la dupe du décret qui blanchit ce sépulcre de forfaits ? .. La tête de Montmorin devrait déjà être tombée sous le fer du bourreau… C’est lui qui a donné à la reine un passeport sous le nom de la baronne de Korf, et le roi était désigné comme domestique. Montmorin s’est très mal défendu, et l’assemblée a eu l’indignité de le laver de toute accusation. »

L’Orateur du peuple a été cru ; on oublie même que la reine avait poussé si loin la dissimulation qu’ayant rencontré la veille du départ Montmorin, elle lui avait demandé s’il avait vu Madame Elisabeth. « Je sors de chez elle, avait répondu Montmorin. — Elle m’afflige, répliqua la reine, j’ai fait tout au monde pour la décider à assister demain à la procession de la Fête-Dieu ; elle paraît s’y refuser : il me semble pourtant qu’elle pourrait bien faire à son frère le sacrifice de son opinion. »

Les passions et les préventions aveugles ne se modifient pas, et nous retrouverons les mêmes calomnies avec toutes leurs iniquités le jour où Montmorin comparut devant ses accusateurs.

Qu’avons-nous à raconter avant ce jour-là ? Le roi, suspendu de ses fonctions, n’était plus qu’un gage entre des mains ennemies ; il avait excité l’inquiétude, comme s’il eût été fort, et tous les moyens de se défendre lui manquaient. Depuis son retour de Varennes jusqu’à son acceptation de la constitution, les ambassadeurs de France n’avaient aucune correspondance officielle avec la cour où ils résidaient.

Presque en même temps que se signait la convention de Pilnitz, le 13 septembre Louis XVI donnait son adhésion solennelle à l’acte constitutionnel. Ses frères avaient pris le parti de lui adresser ouvertement, sous la date du 11, une lettre à laquelle ils avaient donné la plus entière publicité par les gazettes étrangères. Dans ce manifeste, les princes l’engageaient à refuser sa sanction, ne voyant dans les principes de la révolution que la violation du droit. Tout préparait donc la guerre ; les provocations venaient du dehors. Dans la circulaire adressée par lui à M. de Noailles, le 19 septembre, Montmorin jugeait très bien que l’Europe, en menaçant la France d’intervenir à main armée dans ses débats intérieurs, révoltait la fierté d’une nation indépendante et que les puissances, en se laissant entraîner par les émigrés, hâtaient le renversement du trône. Cette dépêche devait être l’avant-dernier acte diplomatique de Montmorin.

Le 30 septembre 1791, la constituante terminait ses séances, et cette assemblée à qui la race humaine doit tant de reconnaissance s’en allait, de l’aveu des contemporains, plus vieillie après deux années que le plus long règne de l’ancienne monarchie.


A. BARDOUX.

  1. Voyez la Revue du 15 juin.
  2. Lettre aux ambassadeurs (23 avril 1791). Lettre à M. de Noailles (3 août 1791).
  3. Bertrand de Molleville, Mémoires secrets.
  4. Journal de Bachaumont (année 1787).
  5. Archives nationales, inventaire Montmorin ; papiers séquestrés.
  6. Archives parlementaires, t. XIII (1re série).
  7. Mémoires du comte de Ségur, t. III.
  8. Œuvres de Necker, t. IV, p. 79.
  9. Lettres et instructions de Louis XVIII au comte de Saint-Priest.
  10. Bachaumont, t. XXXIV ; Flassan, Histoire gênerais de la diplomatie française.
  11. Mémoires de La Fayette, t. II, p. 240.
  12. Correspondance de Louis-Philippe d’Orléans avec Montmorin, publiée par L. C. R. Paris, 1800.
  13. Archives nationales, cote K (n° 1340), Mémoires de Ferrières, liv. IV.
  14. Révolutions de France et de Brabant, t. III, n° 36.
  15. Mémoires du comte de Ségur, t. III.
  16. Correspondance de Mirabeau et du comte de La Marck, t. Ier et II. — Mémoires de Malouet, chap. II.
  17. Mémoires de Malouet, chap. XV.
  18. Mémoires secrets de Bertrand de Molleville, t. II, p. 141.
  19. Archives nationales, papiers séquestrés.
  20. L’Orateur du peuple, t. V et VI.