Pausanias, Attique-1, chapitre III

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Description de la Grèce de Pausanias, tome 1
Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (1p. 16-23).
chapitre III.

Le Céramique, ses portiques, ses temples et ses statues. Les Gaulois

Le quartier appelé le Céramique tient son nom du héros Céramus, qu’on dit aussi fils de Bacchus et d’Ariane. Le portique royal est le premier à droite ; c’est là que siège celui des archontes annuels qui prend le titre de roi. Il y a sur le faîte de ce portique quelques figures en terre cuite, Thésée précipitant Sciron dans la mer, Héméra portant Céphale qu’elle enleva ; dit-on, éprise de sa beauté. Elle eut de lui un fils nommé Phaéthon qu’elle fit gardien de son temple, ainsi que le racontent plusieurs poètes, entre autres Hésiode dans ses vers sur les femmes célèbres.

Près de ce portique sont des statues qui représentent Conon debout, Timothée son fils, et le roi de Chypre Evagoras, qui engagea le roi Artaxerxés à confier les vaisseaux Phéniciens à Conon. Evagoras donna ce conseil parce qu’il étoit Athénien lui-même et originaire de Salamine ; il descendoit en effet de Teucer et d’une fille de Cinyras. Là sont aussi Jupiter surnommé Eleuthérius et l’empereur Adrien, qui répandant ses bienfaits sur d’autres peuples soumis à son empire, en combla particulièrement les Athéniens.

Dans le portique qui est derrière sont peints les douze grands dieux, et sur le mur opposé, Thésée, la Démocratie et le Peuple. On a voulu exprimer par là que ce fut Thésée qui établit à Athènes un gouvernement fondé sur l’égalité. En effet, l’opinion vulgaire veut que Thésée ait remis le gouvernement au peuple et que la démocratie ait subsisté jusqu’à l’usurpation de Pisistrate. D’autres traditions également fausses ont cours parmi la multitude ; comme elle ne connoît pas l’histoire, chacun prend pour des vérités ce qu’il a entendu dès son enfance dans les chœurs religieux et dans les tragédies ; on dit aussi que Thésée reprit la couronne après la mort de Ménesthée, et que ses descendants régnèrent à Athènes jusqu’à la quatrième génération. Si je voulois écrire des généalogies, je ferois facilement l’énumération de ceux qui ont régné depuis Mélanthus jusqu’à Clidicus, fils d’Æsimide, et de ceux qui avoient régné depuis Thésée.

On a peint dans ce même portique la bataille de Mantinée, où les Athéniens étoient comme auxiliaires des Lacédémoniens. Xénophon et d’autres ont écrit toute l’histoire de cette guerre ; la prise de la Cadmée, la défaite des Lacédémoniens à Leuctres, l’invasion des Béotiens dans le Péloponnèse et comment les Athéniens envoyèrent des secours aux Lacédémoniens. Le tableau dont

il s’agit représente le combat de la cavalerie ; les personnages les plus connus sont, Gryllus, fils de Xénophon, du côté des Athéniens, et parmi les Béotiens Epaminondas de Thèbes. Ces tableaux sont d’Euphranor, qui a peint aussi, dans le temple voisin, Apollon surnommé Patroüs ; des deux statues d’Apollon placées devant ce temple, l’une est de Léocharès ; celle d’Apollon Alexicacus est de Calamis. Ce surnom du dieu vient, disent les Athéniens, de ce qu’il leur indiqua, par un oracle rendu à Delphes, les moyens de faire cesser la peste dont ils étoient affligés en même temps que de la guerre du Péloponnèse.

On a bâti dans le même endroit un temple de la mère des dieux, sa statue a été faite par Phidias ; près de là est le Sénat des cinq cents qui se renouvelle chaque année. On y remarque une statue de Jupiter Bulæus ; un Apollon, ouvrage de Pisias, et une statue du Peuple, de la main de Lyson. Protogènes de Caune et Olbiades y ont peint, le premier, les législateurs d’Athènes, et le second, ce Callippus qui conduisit les Athéniens aux Thermopyles, pour s’opposer à l’irruption des Gaulois dans la Grèce.

Ces Gaulois habitent les extrémités de l’Europe, vers une mer immense dont on ne connoît pas les extrémités, qui est sujette au flux et au reflux, semée d’écueils et remplie de monstres qui ne ressemblent en rien à ceux de nos mers. Le pays de ces Gaulois est traversé par l’Eridan, fleuve sur les bords duquel les filles du Soleil pleurent, dit-on, la mort de Phaéthon leur frère. Le nom de Gaulois qu’on leur donne n’a prévalu que très tard ; ils prenoient anciennement celui de Celtes ; nom que les autres peuples leur donnoient aussi.