Pausanias, Attique-1, chapitre IV

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Description de la Grèce de Pausanias, tome 1
Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (1p. 24-31).
chapitre IV.

Les Gaulois. Ancyre. Leur Pergame.

Ces peuples ayant rassemblé une armée considérable, prirent leur route le long du golphe Ionien et chassèrent de leur pays les Illyriens, les peuples qui demeurent entre l’Illyrie et la Macédoine, les Macédoniens eux-mêmes, et envahirent la Thessalie. Ils étoient déjà près des Thermopyles, que les Grecs pour la plupart n’avoient pas encore songé à sortir de l’inaction pour s’opposer à l’irruption des barbares. Très-maltraités d’abord par Philippe et par Alexandre, les Grecs avoient perdu le reste de leurs forces sous Antipater et sous Cassandre, de sorte que chaque peuple croyoit, à cause de sa foiblesse, pouvoir sans honte, se dispenser de concourir à la défense commune.

Les Athéniens, quoique les plus épuisés par une longue guerre contre les Macédoniens, et par de nombreuses défaites, résolurent cependant d’aller défendre les Thermopyles avec ceux des Grecs qui voudroient se réunir à eux, et ils prirent Callippus pour général. S’étant postés à l’endroit où le passage pour entrer dans la Grèce est le plus étroit, ils arrêtèrent effectivement les Gaulois ; mais ceux-ci ayant trouvé le sentier par lequel Ephialtes de Trachine avoit jadis conduit les Mèdes, forcèrent les Phocéens qui le gardoient et se trouvèrent de l’autre côté de l’Eta sans que les Grecs en fussent instruits.

Les Athéniens rendirent en cette occasion les plus grands services aux autres Grecs, en combattant de part et d’autre les barbares qui les envelopoient. Ceux qui étoient sur les vaisseaux eurent sur-tout beaucoup à souffrir, le golphe Lamiaque étant très-bourbeux aux environs des Thermopyles ; ce qui vient, je crois, des eaux Thermales qui s’écoulent par-là dans la mer. Ils avoient donc beaucoup plus de peine que les autres ; car, après avoir reçu les Grecs sur leurs vaisseaux, il falloit que, malgré le poids de ces hommes et de leurs armes, il se tirassent à force de rames de ces eaux bourbeuses. Ils sauvèrent ainsi les autres Grecs.

Les Gaulois se trouvant en-deça des Thermopyles, ne s’inquiétèrent point des autres villes, empressés qu’ils étoient d’aller piller Delphes et les richesses du dieu. Les habitants de Delphes et les Phocéens des villes voisines du Parnasse se rassemblèrent les combattre, et les Étoliens, qui avoient alors une jeunesse très-nombreuse et très-florissante, leur envoyèrent aussi des secours. A peine en fut-on venu aux mains que la foudre éclatade toutes parts sur les Gaulois ; des rochers se détachant du Parnasse fondirent sur eux, et l’on vit apparoître des guerriers armés de toutes pièces qui leur inspirèrent beaucoup d’effroi. Deux de ces guerriers, Hyperochus et Hamadocus, venoient, dit-on, du pays des Hyperboréens ; le troisième étoit Pyrrhus, fils d’Achille, à qui les Delphiens, depuis le secours qu’il leur porta en cette occasion, sacrifient comme à un héros, tandis qu’auparavant, le regardant comme un ennemi, ils méprisoient même son tombeau.

Les Gaulois s’étant embarqués pour la plupart, passèrent en Asie et en ravagèrent les côtes. Ils furent ensuite repoussés dans l’intérieur, par les habitants de Pergame, pays qu’on apeloit jadis la Teuthranie, et ils s’établirent dans la contrée située au-delà du fleuve Sangarius, après avoir pris aux Phrygiens Ancyre, ville fondée jadis par Midas, fils de Gordius ; l’ancre trouvée par Midas, se voyoit encore de mon temps dans le temple de Jupiter. On y voit aussi la fontaine qui porte le nom de Midas, aux eaux de laquelle il avoit, dit-on, mêlé du vin pour prendre Silène. Les Gaulois prirent donc Ancyre ainsi que Pessinonte, ville située au pied de la montagne sur laquelle on dit qu’Agdistis et Atys sont enterrés.

On voit encore à Pergame des dépouilles des Gaulois ainsi qu’un tableau où le combat qu’on leur livra est représenté. Le pays de Pergame étoit, dit-on, anciennement consacré aux Cabires. Les habitants se prétendent issus des Arcadiens, qui passèrent en Asie avec Télèphe. Ils se sont distingués par trois exploits très-mémorables ; en faisant la conquête de l’Asie mineure ; en chassant les Gaulois, et en attaquant sous les ordres de Télèphe, les Grecs, qui, commandés par Agamemnon, ravageoient la Mysie, où ils avoient débarqué par erreur, la prenant pour le pays des Troyens. Les Pergaméniens peuvent s’être signalés dans d’autres guerres, mais elles ne sont pas venues à ma connoissance. Je reviens maintenant à mon sujet.