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Pausanias, Béotie-1, chapitre V

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Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (5p. 32-43).

CHAPITRE V.


Ogygès, Cadmus, Polydorus, Penthée, Amphion et Zéthus. Laïus, Oedipe, Polynice et Etéocle. Les Argiens s'emparent de Thèbes. Thersandre.

LE pays de Thèbes fut, à ce qu'on dit, habité d'abord par les Hectènes. Ils avaient pour roi Ogygès Autochtone ; c'est de lui que Thèbes a pris le nom d'Ogygienne que lui donnent la plupart des poètes ; on prétend que ces Hectènes furent détruits par une épidémie, et que le pays fut habité après eux par les Hyantes et les Aones, peuples Béotiens d'origine, à ce que je crois, et non étrangers. Cadmus étant venu avec une armée de Phéniciens, défit les Hyantes qui abandonnèrent le pays la nuit suivante; mais il céda aux prières des Aones, et consentit à ce qu'ils restassent et se mêlassent avec les Phéniciens.

Les Aones à cette époque n'habitaient que des bourgs, et Cadmus fonda la ville qui porte encore maintenant le nom de Cadmée. Cette ville s'étant agrandie avec le temps, Cadmée ne fut plus que la citadelle de Thèbes qui était située au-dessous. Cadmus fit un mariage illustre, s'il est vrai, comme le disent les Grecs, qu'il épousa Harmonie, fille de Mars et de vénus ; il fut aussi très célèbre par ses filles ; Sémélé ayant eu un enfant de Jupiter, et Ino étant devenue une des divinités de la mer.

Ceux qui sous son règne eurent après lui le plus de pouvoir, furent les Spartes Chthonius, Hypérénor, Pélorus et Udaeus; Echion le plus distingué d'entre eux par sa valeur, eut même l'honneur de devenir le gendre de Cadmus. N'ayant pu rien découvrir sur l'origine de ces Spartes, je m'en tiens à la tradition, qui dit qu'on les nomma Spartes à cause de la manière dont ils avaient été produits. Cadmus étant allé s'établir dans l'Illyrie chez les Enchéléens, Polydorus, son fils, monta sur le trône.

Penthée, fils d'Echion, eut beaucoup de pouvoir sous son règne, tant à cause de l'éclat de sa naissance que de l'amitié du roi ; comme il était d'ailleurs très insolent, et qu'il s'était montré impie envers Bacchus, il en fut puni par ce dieu. Polydorus fut père de Labdacus qui était encore enfant, lorsque son père mourut; c'est pourquoi celui-ci se sentant près de sa fin, confia la tutelle de son fils, et le gouvernement de ses états à Nyctéus.

J'ai raconté dans la description de Sicyone ce qui se passa ensuite, de quelle manière mourut Nyctéus, et comment la tutelle de l'enfant et le gouvernement de Thèbes passèrent à Lycus, son frère. Ce dernier remit la couronne à Labdacus, lorsqu'il fut en âge de gouverner ; mais Labdacus étant mort peu de temps après, Lycus fut tuteur de Laïus, son fils,

et ce fut durant cette seconde tutelle qu'Amphion et Zéthus ayant rassemblé quelques forces, entrèrent dans le pays : Laïus fut soustrait par ceux qui avaient à cœur que la race de Cadmus ne s'éteignit pas entièrement, et Lycus fut vaincu par les fils d'Antiope. Lorsqu'ils furent sur le trône, ils ajoutèrent à la Cadmée la ville qui est bâtie au dessous, et lui donnèrent le nom de Thèbes, à cause de Thébé, leur parente.

J'ai pour preuve de ce que j'avance, les vers suivants d'Homère dans l'Odyssée : Ils fondèrent les premiers Thèbes aux sept portes, et la fortifièrent ; car tout puissants qu'ils étaient, ils n'auraient pu habiter cette vaste cité, si elle n'avait pas été fortifiée. Quant à ce qu'on dit qu'Amphion chantait et qu'il éleva les murs de Thèbes au son de sa lyre, il n'en est point question dans ces vers. Amphion fut célèbre par ses talents comme musicien, les Lydiens, à cause de son alliance avec Tantale, lui ayant appris l'harmonie qui porte leur nom ; et ayant ajouté lui-même trois cordes aux quatre que la lyre avait auparavant.

Celui qui a fait le poème sur Europe, dit qu'Amphion est le premier à qui Mercure ait enseigné l'usage de la lyre. Il dit aussi qu'il attirait en chantant les pierres et les bêtes féroces. Myro, femme de Byzance qui a fait des vers héroïques et des élégies, dit qu'Amphion fut le premier qui érigea un autel à Mercure, et qu'en récompense il reçut de lui la lyre. On assure encore qu'il est puni dans les enfers des propos qu'il avait tenus sur Latone et sur ses enfants.

Il est question de cette punition dans le poème nommé la Minyade, qui roule sur Amphion et Thamyris de Thrace. La famille d'Amphion ayant été détruite par une maladie contagieuse, et le fils de Zéthus ayant été tué par sa mère, je ne sais par quelle erreur, ces deux frères succombèrent à leur chagrin.

Alors les Thébains rappelèrent Laïus ; celui-ci ayant épousé Jocaste, il lui vint un oracle de Delphes qui lui annonça que si Jocaste devenait mère, son enfant serait le meurtrier de son père : en conséquence il exposa Oedipe, ce qui n'empêcha pas que celui-ci devenu grand, ne le tuât et n'épousât sa mère. Je crois qu'il n'en eut pas d'enfants, et je me fonde à cet égard sur Homère qui fait dire à Ulysse dans l'Odyssée :

Je vis aussi la belle Epicaste, mère d'Oedipe, qui commit par ignorance un grand forfait en épousant son propre fils, qui avoir tué son père ; mais les dieux divulguèrent cela sur-le-champ. Comment les dieux auraient-ils divulgué cela sur-le-champ, si Œdipe avait eu de Jocaste ses quatre enfants, et non d'Euryganie, fille d'Hyperphas ? Ce fut en effet de cette dernière qu'il eut ses enfants, comme on le voit dans le poème nommé l'Oedipodie ; et Onatas dans le tableau qui est à Platées, a représenté Euryganie consternée à la vue du combat de ses fils.

Polynice sortit de Thèbes du vivant d'Oedipe, et sous son règne, de crainte que ses imprécations contre lui et son frère ne fussent accomplies. S'étant rendu à Argos où il épousa une fille d'Adraste, il retourna à Thèbes, après la mort d'Oedipe, sur l'invitation d'Etéocle ; mais ayant eu quelque différent avec lui après son retour, il s'enfuit une seconde fois. Ayant alors prié Adraste de lui donner des forces pour le ramener, il perdit son armée, et les deux frères se tuèrent dans un combat singulier. La couronne appartenant à Laodamas, fils d'Étéocle, et encore enfant, Créon ; fils de Ménécée, prit les rênes du gouvernement comme son tuteur. Laodamas devenu grand et gouvernant déjà par lui-même, les Argiens conduisirent pour la seconde fois une armée contre Thèbes; les Thébains étant allés au devant d'eux jusqu'à Glisante, il y eût un combat dans lequel Laodamas tua Aegialéus, fils d'Adraste. Mais la victoire étant restée aux Argiens, Laodamas partit à l'entrée de la nuit suivante avec ceux des Thébains qui voulurent le suivre et se retira chez les Illyriens.

Les Argiens ayant pris Thèbes, la donnèrent à Thersandre, fils de Polynice. Plus tard les Grecs qu'Agamemnon conduisait au siége de Troie, s'étant trompés dans leur navigation, abordèrent dans la Mysie où ils éprouvèrent un échec; Thersandre, fut tué par Télèphe, après avoir montré la plus grande valeur pendant le combat. On voit son tombeau à Elaea, ville dans la plaine qu'arrose le Caïque; c'est une pierre qui est en plein air sur la place publique ; on dit que les habitants lui sacrifient comme à un héros.

Les Grecs s'étant rassemblés une seconde fois pour aller contre Troie et Alexandre, les Thébains ( comme Tisamène, fils de Thersandre, n'était pas encore en âge de porter les armes) prirent Pénéléus pour chef ; mais Pénéléus ayant été tué par Eurypylus, fils de Télèphe, ils choisirent pour roi Tisamène, fils de Thersandre et de Démonasse, fille d'Amphiaraüs. Tisamène n'éprouva point la colère des furies vengereresses de Laïus et d'Oedipe, mais elles tourmentèrent Autésion, son fils, à un tel point, que d'après les conseils de l'oracle, il alla s'établir chez les Doriens.

Après son départ, les Thébains prirent pour roi Damasichthon, fils d'Opheltes, fils de Pénéléus; Damasichthon fut père de Ptolémée qui eut pour fils Xanthus, qu'Andropompus tua en combat singulier, par trahison et non d'une manière loyale. Dès lors les Thébains ne voulurent plus dépendre de la volonté d'un seul, et crurent qu'il valait mieux, être gouverné par plusieurs.