Pausanias, Elide-1, chapitre XIV

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Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 111-119).

CHAPITRE XIV.

Jupiter Apomyius. Usage du bois de peuplier blanc dans les sacrifices. Différence des végétaux d’après les fleuves sur lesquels ils croissent. Autres autels qu’on voit à Olympie.

L’Autel de Jupiter Olympién offre encore ceci de merveilleux, que les milans, les plus rapaces de tous les oiseaux de proie, n’inquiètent point ceux qui y sacrifient : s’il arrive’qu’un milan enlève quelques parties intérieures de la victime ou quelques morceaux de chair, on en tire un présage fâcheux pour celui qui sacrifie. On raconte qu’Her cules, fils d’Alcmène, offrant un sacrifice à Olympie, fut extrêmement incommodé par les mouches : alors soit que cette idée lui vînt de lui-même, ou qu’elle lui eût été suggérée, il sacrifia à Jupiter Apomyius, et les mouches s’en allerent toutes au-delà de l’Alphée ; de là vient, dii-on, que les Eléens sacrifient à Jupiter Apomyius, qui chasse les mouches d’Olympie. Le peuplier blanc est le seul arbre dont les Eléens emploient le bois dans les sacri fices qu’ils font à Jupiter : je crois qu’ils n’honorent ainsi cet arbre, que parce qu’Hercules l’apporta de la Thesprotide dans la Grèce, et je pense qu’il se servoit de ce bois pour brûler les cuisses des victimes lors qu’il sacrifioit à Jupiter Olympien. Hercules trouva cet arbre dans la Thesprotide, sur les bords du fleuve Acheron , et c'est pour cela qu'Homère le nomme l'arbre de l'Achéron.

Les fleuves étaient autrefois comme ils le sont encore à présent, plus ou moins propres à la production de certaines herbes ou de certains arbres, c'est ainsi que les tamarins se multiplient beaucoup et deviennent très grands sur les bords du Méandre ; que l'Asope, en Béotie, produit des roseaux très longs, et que la persea ne se plaît que sur les bords du Nil. Il n'est donc pas surprenant que le peuplier blanc, le peuplier ordinaire et l'olivier sauvage aient paru d'abord, le premier sur les bords de l'Achéron, le second dans les Gaules, sur les bords de l'Éridan, et l'olivier sauvage sur ceux de l'Alphée.

Puisque nous avons parlé du grand autel, nous allons parcourir tous ceux qu'on voit à Olympie, et nous suivrons l'ordre qu'observent les Éléens dans les sacrifices qu'ils y offrent. Ils sacrifient d'abord à Vesta, et ensuite à Jupiter Olympien, sur des autels qui sont dans le temple ; troisièmement à Saturne et à Rhéa, sur un même autel; ensuite à Jupiter et à Neptune, aussi sur le même autel ;

le cinquième sacrifice s'offre à Diane et à Junon ; le sixième à Minerve Erganée : ce dernier est offert par les descendants de Phidias, qu'on nomme les Phaedryntes, parce que les Éléens les ont chargés de nettoyer la statue de Jupiter des ordures qui peuvent s'y attacher. Ils offrent tous les ans un sacrifice sur cet autel avant de commencer à nettoyer la statue. Il y a près du temple un autre autel de Minerve et un autel de Diane; ce dernier est carré et s'étrécit insensiblement en s'élevant.

Après tous les sacrifices dont je viens de parler, on en offre un à Alphée et à Diane sur le même autel ; Pindare en a dit la raison dans quelqu'une de ses odes, et j'en parlerai lorsque j'en serai aux Laetrinaeens. A peu de distance de cet autel on en voit un autre érigé à l' Alphée, et tout auprès un autel de Vulcain, que quelques Eléens nomment l'autel de Jupiter Aréius, et ils disent qu'Oenomaüs sacrifiait à ce Jupiter, lorsqu'il se disposait à entrer en lice avec quelqu'un des prétendants à la main d'Hippodamie.

On voit ensuite l'autel d'Hercules surnommé Parastates, ainsi que ceux d'Epimèdes, Idas, Paeonaeus, et lasius ses frères. Quelques personnes nomment celui d'Idas, l'autel d'Acesidas. Dans l'endroit où sont les ruines de la maison d'Oenomaüs il y a deux autels, celui de Jupiter Hércéus, qui paraît avoir été érigé par Oenomaiis lui-même, et de Jupiter Céraunius qu'on construisit, je crois, lorsque la foudre eut frappé le palais d'Oenomaüs.

Quant au grand autel qui porte le nom de Jupiter Olympien, je viens d'en parler tout à l'heure. On voit tout auprès l'autel des Dieux inconnus, ensuite celui de Jupiter Catharsius et de la Victoire, celui de Jupiter surnommé Chthonius; un autel dédié à tous les Dieux, et celui de Junon surnommée Olympienne, également fait de cendre, et qui lui a été consacré, dit-on, par Clyménus. Après quoi vous trouvez un autel commun à Apollon et à Mercure qu'on a réunis, parce que suivant les Grecs, Mercure fut l'inventeur de la lyre et Apollon de la cithare.

Les autels qui suivent sont ceux d'Homonaea (la Concorde), de Minerve et de la mère des Dieux, ll y a tout auprès de l'entrée du stade deux autels dédiés, l'un à Mercure Enagonius et l'autre à Caerus (l'Occasion). Je connais un hymne d'Ion de Chios en l'honneur de ce Caerus ; il dit qu'il était le plus jeune des fils de Jupiter. II y a vers le trésor des Sicyoniens un autel d'Hercules, soit le Curète, soit le fils d'Alcmènes, car on dit l'un et l'autre.

On voit sur le Gaius (endroit consacré à la Terre) un autel dédié à Ghé (la Terre), qui est aussi fait avec de la cendre, On dit qu'en des temps très reculés, la Terre avait là un oracle. L'autel de Thémis est sur ce qu'on appelle le Stomium. Celui de Jupiter Cataebates est entouré d'une balustrade ; il est vers le grand autel de cendre. On se souviendra qu'en faisant l'énumération de ces autels, je n'ai point eu égard à l'ordre de leur situation, mais seulement à celui des sacrifices que les Éléens offrent sur chacun d'eux. On voit près de l'enceinte consacrée à Pélops, un autel commun à Bacchus et aux Grâces ; entre le Pélopium et cet autel, il y en a un dédié aux Muses, et ensuite celui des Nymphes.