Pausanias, Elide-1, chapitre XVII

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Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 135-143).

CHAPITRE XVII.


Statues du temple de Junon. Description du coffre de Cypsélus. Manière d'écrire appelée Boustrophédon.

IL y a dans le temple de Junon une statue de Jupiter. Junon est assise sur un trône; Jupiter est debout auprès d'elle; il a de la barbe et un casque sur la tête. Ces deux statues sont d'un travail grossier. Les Saisons qu'on voit ensuite assises sur des sièges sont de Smilis d'Égine; Thémis, leur mère est auprès d'elles; sa statue est l'ouvrage de Doryclidas, Lacédémonien, et élève de Dipœnus et de Scyllis.


Les cinq Hespérides sont de Théoclès, également Lacédémonien, fils d'Hégylus, et qui avait aussi reçu, dit-on, des leçons de Dipœnus et de Scyllis. La Minerve qui a un casque sur la tête, une lance et un bouclier, est, à ce qu'on dit, l'ouvrage de Médon Lacédémonien, qui était, à ce qu'on prétend, frère de Doryclidas et élève des mêmes maîtres. Vous voyez ensuite Cérès et sa fille assises vis-à-vis l'une de l'autre; Apollon et Diane qui se regardent aussi, mais debout; et dans le même endroit, Latone, la Fortune, Bacchus, et la Victoire avec des ailes. Je ne puis pas dire de qui sont ces statues, mais elles me paraissent extrêmement anciennes. Toutes les statues dont je viens de parler sont en or et en ivoire. On en a placé d'autres dans la suite dans le temple de Junon; savoir, un Mercure en marbre, portant Bacchus encore enfant, ouvrage de Praxitèle ; une Vénus en bronze, de Cléon de Sicyone, élève d'Antiphane, de l'école de Polyclète d'Argos, qui avait eu Périclète pour maître : un petit enfant nu est assis devant Vénus, il est doré ; c'est l'ouvrage de Boéthus de Carthage, et on l'a apporté de l'édifice nommé le Philippeum, ainsi que la statue d'Eurydice, femme de Philippe, qui est aussi en or et en ivoire.

On voit dans ce temple un coffre en bois de cèdre, orné de petites figures, les unes en ivoire, les autres en or, et les autres sculptées dans le bois même. C'est dans ce coffre que Cypsélus, qui devint depuis tyran de Corinthe, fut caché par sa mère, lorsque après sa naissance les Bacchiades firent tous leurs efforts pour le trouver. Les Cypsélides ses descendants consacrèrent ce coffre à Olympie en mémoire de la manière dont le chef de leur race avait été sauvé. Les Corinthiens d'alors se servaient du mot cypséla pour désigner un coffre: c'est ce qui fit, dit-on, donner à cet enfant le nom de Cypsélus.

Les inscriptions qu'on lit sur ce coffre sont la plupart en lettres antiques. Les unes sont toutes disposées dans le même sens, les autres sont dans la forme que les Grecs appellent Boustrophédon, c'est-à-dire qu'à la fin de la ligne la suivante commence en sens contraire; l'écriture va et revient sur ses propres traces, de même que ceux qui courent le Diaulus ou le Stade double. On voit sur ce même coffre d'autres inscriptions que leurs contours rendent très difficiles à déchiffrer. Sur le premier côté, en commençant par le bas, voici ce qu'on distingue : d'abord Oenomaus poursuivant Pélops qui tient Hippodamie; ils ont chacun deux chevaux à leur char, mais ceux de Pélops sont ailés ; ensuite la maison d'Amphiaraüs et une vieille femme sans nom, qui porte Amphilochus encore enfant ; Eriphyle est debout devant la maison, elle tient le collier : auprès d'elle sont Eurydice et Démonasse, ses deux filles, et Alcmaeon enfant tout nu.

Asius dit dans ses vers qu'Alcmène était aussi fille d'Amphiaraüs et d'Eriphyle. Baton, l'écuyer d'Amphiaraüs tient d'une main les rênes de ses chevaux et de l'autre une lance ; Amphiaraüs a déjà un pied sur son char, l'épée nue à la main, il est tourné vers Eriphyle et tellement irrité qu'il a de la peine à s'empêcher de la frapper.

Non loin de la maison d'Amphiaraüs, on voit les jeux qui furent célébrés à la mort de Pélias, et les spectateurs de ces jeux. Hercules est assis sur un siège, derrière lui est une femme, mais il n'y a point d'inscription qui nous apprenne qui elle est ; elle joue de la flûte phrygienne et non de la flûte grecque. Pisus, fils de Périérès, Astérion, fils de Comètes, qui fut aussi, à ce qu'on dit, l'un des Argonautes, Pollux, Admète, et Euphémus, fils de Neptune, suivant les poètes, et l'un des compagnons de Jason dans l'expédition contre Colchos, conduisent chacun un char à deux chevaux, et c'est Euphémus qui a remporté le prix.

Les deux qui osent se mesurer au pugilat sont Admète et Mopsus, fils d'Ampyx; un homme debout au milieu d'eux joue de la flûte, de même qu'on a coutume de le faire actuellement lorsque ceux qui disputent le prix du pentathle en sont à l'exercice du saut Jason et Pelée luttent ensemble sans avantage marqué; celui qui lance le disque est Eurybotas, inconnu d'ailleurs, mais qui avait de la réputation à cet exercice. Les concurrents à la course sont Mélanion, Néothéus, Phalaréus, Argius et Iphiclus; Acaste tend la couronne à ce dernier qui vient de remporter la victoire. Cet Iphiclus était probablement le père de Protésilas, qui alla au siège de Troie.

On y voit aussi des trépieds destines à servir de prix ; les filles de Pélias sont présentes, Alceste est cependant la seule dont le nom soit écrit. Iolas qui partagea volontairement tons les travaux d'Hercules, a remporté le prix de la course des chars; c'est à lui que finissent les jeux funèbres de Pélias. Vous voyez ensuite Hercules lançant des flèches sur l'Hydre dans la rivière Amymone, et Minerve auprès de lui : comme Hercules est facile à reconnaître tant par son action que par son extérieur, on n'a point inscrit son nom. Phinée de Thrace y est ensuite représenté, ainsi que les fils de Borée écartant de lui les Harpyes.