Pausanias, Elide-1, chapitre XXV

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Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 204-212).

CHAPITRE XXV.


Statues érigées a des particuliers. Peuples qui habitent la Sicile. Deux statues d'Hercule. Statues des Grecs qui tirèrent au sort pour combattre contre Hector. Deux autres statues d'Hercule.

Voilà le détail le plus exact de toutes les statues de Jupiter qu'on voit dans l'intérieur de l'Altis, car pour la statue qui a été érigée vers le grand temple par un Corinthien de la ville fondée par Jules César, et non de l'ancienne, elle représente Alexandre, fils de Philippe, sous la figure de Jupiter. Je vais maintenant parler de toutes les statues qui ne représentent point Jupiter. Je décrirai dans le même chapitre celles qui ont été élevées à des particuliers pour leur propre gloire, et non pour honorer la Divinité; puis celles qui ont été érigées à des athlètes.


Les Messéniens du détroit qui sépare l'Italie de la Sicile, envoient tous les ans, d'après quelque ancien usage, un chœur de trente-cinq enfants, un maître de chant et un joueur de flûte, à une certaine fête qu'on célèbre à Rhégium. Le malheur voulut une fois qu'aucun de ceux qu'ils avoient envoyés ne revînt; le vaisseau qui les portaient s'étant abîmé avec eux dans les flots. On ne connaît en effet point d'endroit aussi exposé aux tempêtes que ce détroit, que les vents tourmentent de deux côtés en y poussant les vagues de la mer Adriatique et celles de la mer Tyrrhénienne : même dans les temps de calme, ce détroit est toujours dans l'agitation la plus violente et livré à un flux et reflux perpétuel ; enfin les monstres marins y sont attroupés en si grand nombre que l'air est infecté de leur odeur, de sorte qu'il ne reste aucune espérance de salut à ceux qui font naufrage dans ce détroit; si Ulysse avait eu le malheur de perdre là son vaisseau, on croirait difficilement qu'il se fût sauvé à la nage et fût arrivé vivant en Italie; mais tout devient facile pour celui que les Dieux regardent d'un œil favorable.

Les Messéniens montrèrent une grande affliction de la perte de leurs enfants, et entre autres choses qu'ils imaginèrent pour honorer leur mémoire, ils consacrèrent à Olympie leurs statues en bronze, ainsi que celles du maître de chœur et du joueur de flûte. Une inscription très ancienne nous apprend que c'est une offrande des Messéniens du bord du Détroit. Dans la suite des temps Hippias, qui acquit chez les Grecs la réputation de sage, fit une élégie sur eux. Leurs statues sont de Callon Éléen.

Il y a auprès de Pachyne, promontoire de la Sicile, tourné au sud et du côté de la Libye, une ville nommée Motye, qui est peuplée d'Africains et de Phéniciens. Les Agrigentins se trouvant en guerre avec ces Barbares, après leur avoir pris des bestiaux et fait sur eux un riche butin, dédièrent à Olympie ces enfants de bronze, qui étendent la main droite et qui paraissent invoquer les Dieux. Ils sont sur le mur de l'Altis : on les donne pour un ouvrage de Calamis, et j'en ai moi-même jugé ainsi en les voyant.

Les peuples qui habitent la Sicile, sont les suivants : d'abord les Sicaniens, les Siciliens et les Phrygiens ; les deux premiers y ont passé de l'Italie; les Phrygiens y sont venus de la Troade et des bords du fleuve Scamandre. Il y a ensuite des Phéniciens et des Africains qui passèrent ensemble dans cette île, et qui sont une colonie de Carthage : ce sont des peuples Barbares. Quant aux Grecs qui y demeurent, il y a des Doriens, des Ioniens et un petit nombre de Phocéens et d'Athéniens.

On voit sur le mur où est l'offrande des Agrigentins deux statues d'Hercule nu; d'un côté il est encore enfant, de l'autre il est représenté tirant des flèches au lion de Némée ; cette dernière, ainsi que le lion, a été donnée par Hippotion de Tarente, et c'est très certainement l'ouvrage de Nicodamus. L'autre statue est une offrande d'Anaxippus de Mende, et elle a été apportée là par les Éléens, car elle était auparavant au bout du chemin qui conduit d'Élis à Olympie, et qu'on nomme la voie sacrée.

Il y a aussi des statues qui ont été dédiées par le peuple Achéen; ce sont celles des guerriers qui, lors du défi d'Hector, se présentèrent pour tirer au sort à qui combattrait contre lui. On les voit auprès du grand temple; ils sont debout et armés de leurs lances et de leurs boucliers. Nestor est vis-à-vis sur un autre piédestal ; il jette les ballottes de chacun d'eux dans son casque. Ceux qui tirent au sort sont au nombre de huit, car l'empereur Néron a emporté à Rome la statue d'Ulysse qui était la neuvième.

Agamemnon est le seul dont le nom soit sur sa statue, et il est de même écrit de droite à gauche. Celui qui a un coq sculpté sur son bouclier est Idoménée, petit-fils de Deucalion; il descendent aussi du Soleil par Pasiphaé ; on dit que le coq est consacré au Soleil dont il annonce le lever par son chant.

Il y a sur le piédestal qui supporte toutes ces statues l'inscription suivante : Les Achéens, descendants de Pélops, fils de Tantale, ont dédié ces statues à Jupiter. Le nom du sculpteur qui a fait ces statues est écrit sur le bouclier d'Idoménée en ces termes : Ces ouvrages sont, ainsi que beaucoup d'autres, le fruit du travail du savant Onatas à qui Micon donna le jour dans l'île d'Égine.

A peu de distance de l'offrande des Achéens on voit Hercule combattant pour le baudrier, contre une Amazone à cheval. Cette statue, qui est l'ouvrage 200

ÉLIDE , ... XXV.

d’Aristoclès Cydoniate , a été dédiée par Évagoras de Zancle. On peut compter cet Aristoclès parmi les plus anciens artistes ; je ne saurois déterminer au juste son époque , mais il est évident qu’il vivoit avant que Zancle eut pris le nom de Messèpe, qu’elle porte actuellement. Les Thasiens , Phéniciens d’origine , dont les ancêtres étoient partis par mer de Tyr et du reste de la Phénicie avec Thasus , fils d’Agénor , pour aller à la recherche d’Europe ; les Thasiens , dis-je , ont dédié à Olympie une statue d’Hercules , qui est entièrement de bronze ainsi que son piedestal ; elle a dix coudées de haut. Hercules tient sa mas sue d’une main et son arc de l’autre. J’ai entendu dire à Thase , qu’ils adoroient le même Hercules que les Tyriens , mais que dans la suite , étant déjà devenus Grecs , ils avoient cru devoir rendre aussi un culte à Hercud'Aristoclès Cydoniate, a été dédiée par Évagoras de Zancle. On peut compter cet Aristodès parmi les plus anciens artistes ; je ne saurais déterminer au juste son époque, mais il est évident qu'il vivait avant que Zancle eut pris le nom de Messène, qu'elle porte actuellement.

Les Thasiens, Phéniciens d'origine, dont les ancêtres étaient partis par mer de Tyr et du reste de la Phénicie avec Thasus, fils d'Agénor, pour aller à la recherche d'Europe ; les Thasiens, dis-je, ont dédié à Olympie une statue d'Hercule, qui est entièrement de bronze ainsi que son piédestal ; elle a dix coudées de haut. Hercule tient sa massue d'une main et son arc de l'autre, J'ai entendu dire à Thase, qu'ils adoraient le même Hercule que les Tyriens, mais que dans la suite, étant déjà devenus Grecs, ils avoient cru devoir rendre aussi un culte à Hercule, fils d'Amphitryon.

On lit sur l'offrande des Thasiens cette inscription : Onatas, fils de Micon et habitant d'Égine, a fait cette statue. Cet Onatas d'Égine, qui a laissé un très grand nombre d'ouvrages, était un excellent sculpteur, et je ne le crois inférieur à aucun de ceux qui sont sortis de l'école d'Athènes fondée par Dédale.les, fils d’Amphytrion. On lit sur l’offrande des Thasiens cette inscription : Onatas fils de Micon et habitant d’Ægine, a fait cette statue. Cet Onatas Æginète, qui a laissé un très-grand nombre d’ouvrages, étoit un excellent sculpteur, et je ne le crois inférieur à aucun de ceux qui sont sortis de l’école d’Athènes fondée par Dædale.