Pausanias, Elide-1, chapitre XXVII

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Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 220-228).

CHAPITRE XXVII.


Offrandes de Phormis de Mænale. Cheval de bronze, effet surprenant de l’Hippomane. Prodige qui se fait dans deux temples de la Lydie. Statue de Phormis. Statues de Mercure. Bœufs de bronze, Trophée en bronze érigé par les Éléens.


On y voit encore les statues qui ont été dédiées par Phormis de Mænale, qui étant allé dans la Sicile auprès de Gélon, fils de Dinomènes se distingua à son service et à celui d’Hiéron son frère, par les actions militaires les plus éclatantes ; il parvint par là à une telle opulence, qu’il dédia ces statues à Olympie, et en érigea aussi d’autres à Apollon de Delphes.

Celles qu’on voit à Olympie sont deux chevaux, chacun avec son conducteur debout auprès de lui ; le premier de ces chevaux ainsi que l’homme sont de Denys d’Argos ; le second est de Simon d’Ægine. Il y a sur le flanc du premier de ces chevaux une inscription qui finit par un pentamètre quoique le commencement ne soit pas en vers. Phormis, Arcadien de Mænale, et maintenant Syracusain m’a dédié.

Ce cheval est celui dans la composition duquel on a fait entrer de l’Hippomane, au

dire des Eléens ; il est évident, au reste, que c’est l’art de quelque magicien qui est la cause de ce qui arrive à ce cheval.

Quant à la grandeur et à la forme, il est au-dessous de beaucoup de chevaux qu’on voit dans l’Altis ; de plus sa queue est coupée, ce qui le rend encore plus hideux ; cependant les chevaux entiers, non seulement au printemps, mais encore dans toutes les saisons de l’année, en sont tellement épris, que brisant tous leur lien et s’échappant des mains de ceux qui les conduisent, ils courent dans l’Altis et sautent sur ce cheval avec beaucoup plus d’ardeur qu’ils ne le feroient sur la jument vivante la plus belle et la plus accoutumée à être saillie ; leurs pieds glissent sur le bronze, et cependant ils ne se rebutent pas, ils frémissent plus fort, et sautent avec encore plus d’impétuosité, jusqu’à ce qu’on soit parvenu à les en arracher à coups de fouet et avec la plus grande peine : il n’y a pas d’autre moyen de leur faire quitter ce bronze.

J’ai vu dans la Lydie un autre prodige d’une espèce différente, mais qui tient également à l’art des magiciens. Il y a chez les Lydiens surnommés Persiques, deux temples, l’un à Hiérocésarée, l’autre à Hypæpes. Dans chacun de ces temples est une chapelle, et dans cette chapelle un autel sur lequel il y a de la cendre qui ne ressemble point pour la couleur à la cendre ordinaire.

Un mage entre dans cette chapelle ; après avoir arrangé du bois sec sur l’autel et mis sa tiare sur la tête, il invoque je ne sais quel dieu par des prières en un langage barbare, inintelligible pour les Grecs, et qu’il lit dans un livre ; alors le bois s’allume de lui-même sans feu, et jette une flamme très-vive ; mais en voilà assez sur ce sujet.

On voit parmi ces offrandes Phormis lui-même, combattant contre un ennemi, ensuite contre un second et contre un troisième : l’inscription qu’on y lit nous apprend que le combattant est Phormis dé Mænale, et que c’est Lycortas de Syracuse qui a érigé ces statues ; il est évident que ce fut par amitié pour Phormis.

Les Grecs mettent aussi sous le nom de Phormis ces statues dédiées par Lycortas. Le Mercure revêtu d’une tunique et d’un manteau, un casque sur la tête et portant un bélier sous son bras, n’est point une offrande de Phormis, et ce sont les Phénéates de l’Arcadie qui l’ont dédié : on voit par l’inscription que c’est l’ouvrage d’Onatas d’Ægine, et de Callitélès, qui étoit, à ce que je crois, l’élève de Callitélès ou bien son fils.

À peu de distance de l’offrande des Phénéates, il y a un Mercure qui tient un caducée : l’inscription nous apprend qu’il a été offert par Glaucias de Rhégium, et que c’est l’ouvrage de Callon Eléen. Les deux bœufs de bronze ont été donnés, l’un par les Corcyréens, et l’autre par les Erétriens, ils sont l’ouvrage de Philésius d’Erétrie. Je dirai dans la description de la Phocide à quelle occasion les Corcyréens dédièrent ce bouf à Olympie et un autre à Delphes.

Voici ce qu’on raconte de ce qui est arrivé à celui qui est à Olympie. Un petit enfant qui s’étoit assis sous ce bouf, jouoit en regardant à terre ; mais levant la tête tout-à-coup, il se la brisa contre le bronze, et mourut peu de jours après de cette blessure. Les Eléens vouloient transporter ce bœuf hors de l’Altis, comme étant souillé d’un meurtre, mais l’oracle de Delphes leur ordonna de faire pour le purifier tout ce qui est en usage chez les Grecs pour l’expiation des meurtres involontaires, et de le laisser dans l’Altis.

Il y a sous les platanes qui sont à-peu-près vers le milieu de l’enceinte de l’Altis, un trophée en bronze ; on lit sur le bouclier attaché à ce trophée, qu’il a été érigé par les Eléens pour une victoire qu’ils remportèrent sur les Lacédæmoniens. Ce fut dans cette bataille que mourut cet homme qu’on trouva avec ses sur le plafond du temple de Junon, lorsque de mon temps on voulut le réparer.

Peu s’en est fallu que je n’aie pris pour la statue d’un athlète qui se livre au pentathle, celle qui a été dédiée par les Mendéens de la Thrace, et qui est auprès de la statue d’Anauchidas, Eléen ; elle tient en effet des haltères anciens, mais voici ce qui est dit dans l’inscription élégiaque qui est sur sa cuisse : Les Mendéens après avoir vaincu les habitants de Sipté, m’ont consacré ici à Jupiter le souverain des Dieux, pour les prémices de leur victoire. Sipté étoit, à ce qu’il paroît, ou une ville ou une forteresse de la Thrace : les Mendéens sont Grecs et Ioniens d’origine. Leur pays est à quelque distance de la mer, au-dessus de la ville de Sané.