Pauvres fleurs/La Tombe lointaine

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Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 271-274).



LA TOMBE LOINTAINE.


Ô ma charmante mère !
Morte d’âme et d’amour,
À ta vie éphémère,
J’ai donc puisé le jour !
Les fleurs de ton visage
Languissent sur le mien,
Et j’ai pour mon présage,
Un cœur qui bat du tien !


De blonds cheveux ornée,
Comme d’un voile d’or,
Pliante et prosternée,
Tu m’éblouis encor !
Notre église avait-elle,
Doux aimant du saint lieu,
Une sainte plus belle,
Pour m’attirer à Dieu !

Vers ta grâce ignorée,
Comme on va droit aux fleurs,
J’allais, tout attirée,
Où tu versais tes pleurs ;
Ta pauvreté suivie :
Versait du ciel sur moi,
Et mes parfums de vie,
Tu les portais en toi !

Par instant si je pleure,
À des sons de ma voix,
C’est qu’elle est à cette heure,
La tienne d’autrefois !

C’est qu’elle est de deux âmes,
L’impalpable ciment :
Oh ! que ces pauvres flammes,
S’appellent tristement !

Vers ta moitié mortelle,
Qu’ont ramené les mers,
Ton ombre revient-elle
Par les chemins amers ?
Ce fruit que je respire,
L’as-tu vu dans sa fleur ?
Ce chant que je soupire,
En plains-tu la douleur ?

Oui ! ton rire sonore,
Tes maternels pouvoirs,
Dieu les redit encore
Dans tes premiers miroirs ;

Oui, mère ! par tes charmes,
Moins beaux, moins triomphans,
Mais surtout par tes larmes,
Nous sommes tes enfans !