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Pauvres fleurs/Le Luxembourg

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Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 175-178).



LE LUXEMBOURG,
Au cœur de Béranger.


Jardin si beau devenu sombre,
Tes fleurs attristent ma raison,
Qui semblable au ramier dans l’ombre,
S’abat au toît de ta prison.
Mais à rêver j’ai passé l’heure ;
Vous qui nous épiez d’en bas,
Ce n’est qu’un pauvre oiseau qui pleure :
Sentinelle ! ne tirez pas.


Au pied des barreaux formidables
Qui voilent des parens perdus,
Comme à des songes lamentables,
De longs sanglots sont entendus :
Grâce aux sanglots qui bravent l’heure !
Vous qu’ils ont irrité là-bas ;
Ce n’est qu’un faible enfant qui pleure :
Sentinelle ! ne tirez pas !

Partout les lampes sont éteintes ;
Les bruits des verroux et des fers,
Sont étouffés comme les plaintes
De ces silencieux enfers.
Plus morne et plus lente que l’heure,
À genoux, qui donc est là-bas ?
Ce n’est qu’une femme qui pleure :
Sentinelle ! ne tirez pas !

Sous l’œil rouge du réverbère,
Quel est cet objet palpitant,
Près du guichet mordant la terre,
D’âme et de pitié haletant ?

Sourd au cri de l’homme et de l’heure…
Vous qui le menacez d’en bas,
Ce n’est qu’un pauvre chien qui pleure :
Sentinelle ! ne tirez pas !

Paix ! voici qu’on ouvre une porte :
C’est la mort traînant ses couleurs ;
Et l’humble bière qu’on emporte,
Brise en passant de pâles fleurs.
Quand du rebelle a frappé l’heure,
Qui donc ose bénir tout bas ?
Ce n’est qu’un vieux prêtre qui pleure :
Sentinelle ! ne tirez pas !