Pendant l’Exil Tome II Manin

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Actes et paroles volume 4J Hetzel (p. 135-136).

I

MANIN

Victor Hugo, invité par les patriotes vénitiens à venir assister à la cérémonie de la translation des cendres de Manin à Venise, répondit par la lettre suivante :

Hauteville-House, 16 mars 1868.

On m’écrit de Venise, et l’on me demande si j’ai une parole à dire dans cette illustre journée du 22 mars.

Oui. Et cette parole, la voici :

Venise a été arrachée à Manin comme Rome à Garibaldi.

Manin mort reprend possession de Venise. Garibaldi vivant rentrera à Rome.

La France n’a pas plus le droit de peser sur Rome que l’Autriche n’a eu le droit de peser sur Venise.

Même usurpation, qui aura le même dénoûment.

Ce dénoûment, qui accroîtra l’Italie, grandira la France.

Car toutes les choses justes que fait un peuple sont des choses grandes.

La France libre tendra la main à l’Italie complète.

Et les deux nations s’aimeront. Je dis ceci avec une joie profonde, moi qui suis fils de la France et petit-fils de l’Italie.

Le triomphe de Manin aujourd’hui prédit le triomphe de Garibaldi demain.

Ce jour du 22 mars est un jour précurseur.

De tels sépulcres sont pleins de promesses. Manin fut un combattant et un proscrit du droit ; il a lutté pour les principes ; il a tenu haut l’épée de lumière. Il a eu, comme Garibaldi, la douceur héroïque. La liberté de l’Italie, visible, quoique voilée, est debout derrière son cercueil. Elle ôtera son voile.

Et alors elle deviendra la paix tout en restant la liberté.

Voilà ce qu’annonce Manin rentrant à Venise.

Dans un mort comme Manin il y a de l’espérance.

Victor Hugo.