Pendant l’orage/La Croix-Rouge

La bibliothèque libre.
Librairie ancienne Édouard Champion (p. 43-44).

LA CROIX-ROUGE



21 novembre 1914.


L’armée n’est heureusement à l’œuvre que sur une petite, quoique importante encore, partie du territoire, mais il est une institution, souvent militaire, souvent purement civile, que l’on voit travailler jusque dans les moindres bourgades de France : c’est la Croix-Rouge. Les hommes tuent et se font tuer, les femmes soignent les blessés. À chacun sa besogne. Pour être moins périlleuse, la seconde n’est pas moins noble. C’est le moyen qui leur est donné de participer à la tâche souveraine : elles en pourraient être fières, si d’autres sentiments ne les pressaient en ce moment. La Croix-Rouge ! Que serait, aujourd’hui, une telle guerre, si la Croix-Rouge n’existait pas ? Et pourtant, elle a eu un commencement. La bataille de Solférino s’est encore déroulée, a entassé des monceaux de pauvres blessés sans que la charité privée ait eu l’idée de venir à leur secours. Alors, je pense au Génevois Dunant, à cet homme de bien auquel tant de malheureux soldats doivent l’existence, les soins, le réconfort, les secours qui permettent à la vie de lutter contre la mort. Henri Dunant était un voyageur et un historien. Je ne sais pas comment il fut appelé à s’occuper de cette question poignante, la relève des blessés sur le champ de bataille, mais il donna à l’œuvre qu’il entreprenait sa forme définitive et une forme si flexible qu’elle a pu s’adapter à toutes les circonstances, grouper toutes les bonnes volontés et toutes les charités. Il lui donna tout, sauf peut-être son nom, dont je ne connais pas l’origine. Certes, il y a toujours eu des médecins et des brancardiers militaires, mais eux-mêmes reconnaissent que sans la Croix-Rouge ils seraient insuffisants. Honorons donc ce brave Dunant et donnons-lui un souvenir et un élan d’admiration, à cette heure où s’affirme plus que jamais la beauté et la grandeur de son œuvre d’humanité.