Pertharite/Acte V
ACTE V.
Scène première.
Quoi ? Grimoald s’obstine à perdre ainsi mon frère !
D’imposture et de fourbe il traite sa misère[1] !
Et feignant de me rendre et son cœur et sa foi,
Il n’a point d’yeux pour lui ni d’oreilles pour moi !
Madame, n’accusez que le duc qui l’obsède :
Le mal, s’il en est cru, deviendra sans remède ;
Et si le Roi suivoit ses conseils violents,
Vous n’en verriez déjà que des effets sanglants.
Jadis pour Grimoald il quitta Pertharite ;
Et s’il le laisse vivre, il craint ce qu’il mérite.
Ajoutez qu’il vous aime, et veut par tous moyens
Rattacher ce vainqueur à ses derniers liens ;
Que Rodelinde à lui, par amour ou par force,
Assure entre vous deux un éternel divorce ;
Et s’il peut une fois jusque-là l’irriter,
Par force ou par amour il croit vous emporter.
Mais vous n’avez, Madame, aucun sujet de crainte ;
Ce héros est à vous sans réserve et sans feinte,
Et…
Sans doute au fond de l’âme il connoît son mari.
Mais s’il le connoissoit, en dépit de ce traître,
Qui pourroit l’empêcher de le faire paroître ?
Sur le trône conquis il craint quelque attentat,
Et ne le méconnoît que par raison d’État.
C’est un aveuglement qu’il a cru nécessaire ;
Et comme Garibalde animoit sa colère,
De ses mauvais conseils sans cesse combattu,
Il donnoit lieu de craindre enfin pour sa vertu.
Mais, Madame, il n’est plus en état de le croire.
Je n’ai pu voir longtemps ce péril pour sa gloire.
Quelque fruit que le duc espère en recueillir,
Je viens d’ôter au Roi les moyens de faillir.
Pertharite, en un mot, n’est plus en sa puissance.
Mais ne présumez pas que j’aie eu l’imprudence
De laisser à sa fuite un libre et plein pouvoir
De se montrer au peuple et d’oser l’émouvoir.
Pour fuir en sûreté, je lui prête main-forte,
Ou plutôt je lui donne une fidèle escorte,
Qui sous cette couleur de lui servir d’appui,
Le met hors du royaume, et me répond de lui.
J’empêche ainsi le duc d’achever son ouvrage,
Et j’en donne à mon roi ma tête pour otage.
Votre bonté, Madame, en prendra quelque soin.
Oui, je serai pour toi criminelle au besoin :
Je prendrai, s’il le faut, sur moi toute la faute[2].
Ou je connois fort mal une vertu si haute,
M’avouera le premier que je l’ai bien servi.
Scène II.
Que voulez-vous enfin, Madame, que j’espère ?
Qu’ordonnez-vous de moi ?
Qu’ordonnes-tu de lui ? prononce ton arrêt.
Toujours d’un imposteur prendrez-vous l’intérêt ?
Veux-tu suivre toujours le conseil tyrannique
D’un traître qui te livre à la haine publique ?
Qu’en faveur de ce fourbe à tort vous m’accusez !
Je vous offre sa grâce, et vous la refusez.
Il ne faut point de grâce à qui se voit sans crime ;
Et tes yeux, malgré toi, ne te font que trop voir
Que c’est à lui d’en faire, et non d’en recevoir.
Ne t’obstine donc plus à t’aveugler toi-même :
Soit tel que je t’aimois, si tu veux que je t’aime ;
Sois tel que tu parus quand tu conquis Milan :
J’aime encore son vainqueur, mais non pas son tyran.
Rends-toi cette vertu pleine, haute, sincère,
Qui t’affermit si bien au trône de mon frère ;
Rends-lui du moins son nom, si tu me rends ton cœur.
Qui peut feindre pour lui peut feindre pour la sœur ;
Et tu ne vois en moi qu’une amante incrédule,
Quand je vois qu’avec lui ton âme dissimule.
Quitte, quitte en vrai roi les vertus des tyrans,
Et ne me cache plus un cœur que tu me rends.
Lisez-y donc vous-même : il est à vous, Madame ;
Vous en voyez le trouble aussi bien que la flamme.
Sans plus me demander ce que vous connoissez,
De grâce, croyez-en tout ce que vous pensez.
C’est redoubler ensemble et mes maux et ma honte
Que de forcer ma bouche à vous en rendre conte.
Quand je n’aurois point d’yeux, chacun en a pour moi.
Garibalde lui seul a méconnu son roi ;
Et par un intérêt qu’aisément je devine,
Ce lâche, tant qu’il peut, par ma main l’assassine.
Mais que plutôt le ciel me foudroie à vos yeux,
Que je songe à répandre un sang si précieux !
Madame, cependant mettez-vous en ma place :
Si je le reconnois, que faut-il que j’en fasse ?
Le tenir dans les fers avec le nom de roi,
C’est soulever pour lui ses peuples contre moi.
Le mettre en liberté, c’est le mettre à leur tête,
Et moi-même hâter l’orage qui s’apprête.
Puis-je m’assurer d’eux et souffrir son retour[3] ?
Puis-je occuper son trône et le voir dans ma cour ?
Un roi, quoique vaincu, garde son caractère :
Aux fidèles sujets sa vue est toujours chère ;
Au moment qu’il paroît, les plus grands conquérants,
Pour vertueux qu’ils soient, ne sont que des tyrans ;
Et dans le fond des cœurs sa présence fait naître
Un mouvement secret qui les rend à leur maître.
Ainsi mon mauvais sort a de quoi me punir
Et de le délivrer et de le retenir.
Je vois dans mes prisons sa personne enfermée
Plus à craindre pour moi qu’en tête d’une armée.
Là mon bras animé de toute ma valeur
Chercheroit avec gloire à lui percer le cœur ;
Mais ici, sans défense, hélas ! qu’en puis-je faire ?
Si je pense régner, sa mort m’est nécessaire ;
Mais soudain ma vertu s’arme si bien pour lui,
Qu’en mille bataillons il auroit moins d’appui.
Pour conserver sa vie et m’assurer l’empire,
Je fais ce que je puis à le faire dédire :
Des plus cruels tyrans j’emprunte le courroux,
Pour tirer cet aveu de la reine ou de vous ;
Mais partout je perds temps, partout même constance
Rend à tous mes efforts pareille résistance.
Encore s’il ne falloit qu’éteindre ou dédaigner
En des troubles si grands la douceur de régner,
Et que pour vous aimer et ne vous point déplaire
Ce grand titre de roi ne fût pas nécessaire,
Je me vaincrois moi-même, et lui rendant l’État,
Je mettrois ma vertu dans son plus haut éclat.
Mais je vous perds, Madame, en quittant la couronne ;
Puisqu’il vous faut un roi, c’est vous que j’abandonne ;
Et dans ce cœur à vous par vos yeux combattu
Tout mon amour s’oppose à toute ma vertu.
Vous pour qui je m’aveugle avec tant de lumières,
Si vous êtes sensible encore à mes prières,
Daignez servir de guide à mon aveuglement,
Et faites le destin d’un frère et d’un amant.
Mon amour de tous deux vous fait la souveraine :
Ordonnez-en vous-même, et prononcez en reine.
Je périrai content, et tout me sera doux,
Pourvu que vous croyiez que je suis tout à vous.
Que tu me connois mal, si tu connois mon frère !
Tu crois donc qu’à ce point la couronne m’est chère,
Que j’ose mépriser un comte généreux
Pour m’attacher au sort d’un tyran trop heureux ?
Aime-moi si tu veux, mais crois-moi magnanime :
Avec tout cet amour garde-moi ton estime[4] ;
Crois-moi quelque tendresse encore pour mon vrai sang,
Qu’une haute vertu me plaît mieux qu’un haut rang,
Et que vers Gundebert je crois ton serment quitte,
Quand tu n’aurois qu’un jour régné pour Pertharite.
Milan, qui l’a vu fuir, et t’a nommé son roi,
De la haine d’un mort a dégagé ma foi.
À présent je suis libre, et comme vraie amante
Je secours malgré toi ta vertu chancelante,
Et dérobe mon frère à ta soif de régner,
Avant que tout ton cœur s’en soit laissé gagner.
Oui, j’ai brisé ses fers, j’ai corrompu ses gardes,
J’ai mis en sûreté tout ce que tu hasardes.
Il fuit, et tu n’as plus à traiter d’imposteur
De tes troubles secrets le redoutable auteur.
Il fuit, et tu n’as plus à craindre de tempête[5].
Secourant ta vertu, j’assure ta conquête ;
Et les soins que j’ai pris… Mais la Reine survient.
Scène III.
Que tardez-vous, Madame, et quel soin vous retient ?
De ceux qui m’ont trahi croissez l’indigne nombre,
Et délivrez mes yeux, trop aisés à charmer,
Du péril de vous voir et de vous trop aimer.
Suivez : votre captif ne vous tient plus captive.
À quelle indigne feinte oses-tu recourir,
De m’ouvrir sa prison quand tu l’as fait mourir !
Lâche, présumes-tu qu’un faux bruit de sa fuite
Cache de tes fureurs la barbare conduite ?
Crois-tu qu’on n’ait point d’yeux pour voir ce que tu fais,
Et jusque dans ton cœur découvrir tes forfaits ?
Madame…
Vous chargez-vous pour lui de toute l’injustice ?
Et sa main qu’il vous tend vous plaît-elle à ce prix[6] ?
Et je puis l’accepter teinte du sang d’un frère,
Si je veux être sœur comme vous étiez mère.
Ne me reprochez point une juste fureur
Où des feux d’un tyran me réduisoit l’horreur ;
Et puisque de sa foi vous êtes ressaisie,
Faites cesser l’aigreur de votre jalousie.
Ne me reprochez point des sentiments jaloux,
Quand je hais les tyrans autant ou plus que vous.
Vous pouvez les haïr quand Grimoald vous aime !
Et voyant quels motifs le font encore agir,
Je ne vois rien en lui qui me fasse rougir.
Rougis-en donc toi seul, toi qui caches ton crime,
Qui t’immolant un roi, dérobes ta victime,
Et d’un grand ennemi déguisant tout le sort,
Le fais fourbe en sa vie et fuir après sa mort.
De tes fausses vertus les brillantes pratiques
N’élevoient que pour toi ces tombeaux magnifiques :
C’étoient de vains éclats de générosité,
Pour rehausser ta gloire avec impunité.
Tu n’accablois son nom de tant d’honneurs funèbres
Que pour ensevelir sa mort dans les ténèbres,
Et lui tendre avec pompe un piège illustre et beau,
Pour le priver un jour des honneurs du tombeau.
Soûle-toi de son sang ; mais rends-moi ce qui reste,
Attendant ma vengeance, ou le courroux céleste,
Que je puisse…
Pour un fourbe qu’elle aime à nommer son époux ?
Votre pitié ne sert qu’à me couvrir de honte,
Si quand vous me l’ôtez, il m’en faut rendre conte,
Et si la cruauté de mon triste destin
De ce que vous sauvez me nomme l’assassin.
Seigneur, je crois savoir la route qu’il a prise ;
Et si Sa Majesté veut que je l’y conduise,
Au péril de ma tête, en moins d’une heure ou deux,
Je m’offre de la rendre à l’objet de ses vœux.
Allons, allons, Madame, et souffrez que je tâche…
Ô d’un lâche tyran ministre encore plus lâche,
Qui sous un faux semblant d’un peu d’humanité
Penses contre mes pleurs faire sa sûreté !
Que ne dis-tu plutôt que ses justes alarmes
Aux yeux des bons sujets veulent cacher mes larmes,
Qu’il lui faut me bannir, de crainte que mes cris
Du peuple et de la cour n’émeuvent les esprits ?
Traître, si tu n’étais de son intelligence,
Pourrait-il refuser ta tête à sa vengeance ?
Que devient, Grimoald, que devient ton courroux ?
Tes ordres en sa garde avaient mis mon époux.
Il a brisé ses fers, il sait où va sa fuite ;
Si je le veux rejoindre, il s’offre à ma conduite ;
Et quand son sang devrait te répondre du sien,
Il te voit, il te parle, et n’appréhende rien !
Quand ce qu’il fait pour vous hasarderait ma vie,
Je ne puis le punir de vous avoir servie.
Si j’avais cependant quelque peur que vos cris
De la cour et du peuple émussent les esprits,
Sans vous prier de fuir pour finir mes alarmes,
J’aurais trop de moyens de leur cacher vos larmes.
Mais vous êtes, Madame, en pleine liberté ;
Vous pouvez faire agir toute votre fierté[7],
Porter dans tous les cœurs ce qui règne en votre âme :
Le vainqueur du mari ne peut craindre la femme.
Mais que veut ce soldat[8] ?
Scène IV.
D’un grand malheur ensemble et d’un rare bonheur.
Garibalde n’est plus, et l’imposteur infâme
Qui tranche ici du roi lui vient d’arracher l’âme ;
Mais ce même imposteur est en votre pouvoir.
Que dis-tu, malheureux ?
Ce que vous allez voir.
Ô ciel ! en quel état ma fortune est réduite,
S’il ne m’est pas permis de jouir de sa fuite !
Faut-il que de nouveau mon cœur embarrassé
Ne puisse… Mais dis-nous comment tout s’est passé.
Le duc, ayant appris quelles intelligences
Déroboient un tel fourbe à vos justes vengeances,
L’attendoit à main-forte, et lui fermant le pas :
« À lui seul, nous dit-il ; mais ne le blessons pas.
Réservons tout son sang aux rigueurs des supplices,
Et laissons par pitié fuir ses lâches complices. »
Ceux qui le conduisoient, du grand nombre étonnés,
Acceptent la plupart ce qu’on leur facilite,
Et s’écartent sans bruit de ce faux Pertharite.
Lui, que l’ordre reçu nous forçoit d’épargner
Jusqu’à baisser l’épée et le trop dédaigner,
S’ouvre en son désespoir parmi nous un passage,
Jusque sur notre chef pousse toute sa rage,
Et lui plonge trois fois un poignard dans le sein,
Avant qu’aucun de nous ait pu voir son dessein.
Nos bras étaient levés pour l’en punir sur l’heure ;
Mais le duc par nos mains ne consent pas qu’il meure,
Et son dernier soupir est un ordre nouveau
De garder tout son sang à celle d’un bourreau.
Ainsi ce fugitif retombe dans sa chaîne,
Et vous pouvez, Seigneur, ordonner de sa peine :
Le voici.
Quel combat pour la seconde fois !
Scène V.
Tu me revois, tyran qui méconnois les rois ;
Et j’ai payé pour toi d’un si rare service
Celui qui rend ma tête à ta fausse justice.
Pleure, pleure ce bras qui t’a si bien servi ;
Pleure ce bon sujet que le mien t’a ravi[10].
Hâte-toi de venger ce ministre fidèle :
C’est toi qu’à sa vengeance en mourant il appelle.
Signale ton amour, et parois aujourd’hui,
S’il fut digne de toi, plus digne encore de lui.
Mais cesse désormais de traiter d’imposture
Les traits que sur mon front imprime la nature.
Milan m’a vu passer, et partout en passant
J’ai vu couler ses pleurs pour son prince impuissant ;
Tu lui déguiserois en vain ta tyrannie :
Pousses-en jusqu’au bout l’insolente manie ;
Et quoi que ta fureur te prescrive pour moi,
Ordonne de mes jours comme de ceux d’un roi.
Oui, tu l’es en effet, et j’ai su te connoître,
Dès le premier moment que je t’ai vu paroître.
Si j’ai fermé les yeux, si j’ai voulu gauchir,
Des maximes d’État j’ai voulu t’affranchir,
Et ne voir pas ma gloire indignement trahie
Par la nécessité de m’immoler ta vie.
De cet aveuglement les soins mystérieux
Empruntoient les dehors d’un tyran furieux,
Et forçoient ma vertu d’en souffrir l’artifice,
Pour t’arracher ton nom par l’effroi du supplice.
Mais mon dessein n’étoit que de t’intimider,
Ou d’obliger quelqu’un à te faire évader.
Unulphe a bien compris, en serviteur fidèle,
Ce que ma violence attendoit de son zèle ;
Mais un traître pressé par d’autres intérêts
A rompu tout l’effet de mes désirs secrets.
Ta main, grâces au ciel, nous en a fait justice.
Cependant ton retour m’est un nouveau supplice ;
Car enfin que veux-tu que je fasse de toi ?
Puis-je porter ton sceptre et te traiter de roi[11] ?
Ton peuple qui t’aimoit pourra-t-il te connoître,
Et souffrir à tes yeux les lois d’un autre maître ?
Toi-même pourras-tu, sans entreprendre rien,
Me voir jusqu’au trépas possesseur de ton bien ?
Pourras-tu négliger l’occasion offerte,
Et refuser ta main ou ton ordre à ma perte[12] ?
Si tu n’étois qu’un lâche, on auroit quelque espoir
Qu’enfin tu pourrois vivre, et ne rien émouvoir ;
Mais qui me croit tyran, et hautement me brave,
Quelque foible qu’il soit, n’a point le cœur d’esclave,
Et montre une grande âme au-dessus du malheur,
Qui manque de fortune, et non pas de valeur.
À te rendre le sceptre, ou prendre encore ta vie ;
Et plus l’ambition trouble ce grand effort,
Plus ceux de ma vertu me refusent ta mort.
Mais c’est trop retenir ma vertu prisonnière :
Je lui dois comme à toi liberté toute entière ;
Et mon ambition a beau s’en indigner,
Cette vertu triomphe, et tu t’en vas régner.
Milan, revois ton prince, et reprends ton vrai maître,
Qu’en vain pour t’aveugler j’ai voulu méconnoître ;
Et vous que d’imposteur à regret j’ai traité…
Ah ! c’est porter trop loin la générosité.
Rendez-moi Rodelinde, et gardez ma couronne,
Que pour sa liberté sans regret j’abandonne :
Avec ce cher objet tout destin m’est trop doux.
Et je vous remettrois toute la Lombardie,
Si comme dans Milan je régnois dans Pavie.
Mais vous n’ignorez pas, Seigneur, que le feu Roi
En fit reine Édüige ; et lui donnant ma foi,
Je promis…
Ton exemple m’oblige encore plus à la rendre ;
Et je mériterois un nouveau changement,
Si mon cœur n’égaloit celui de mon amant.
Son exemple, ma sœur, en vain vous y convie.
Avec ce grand héros je vous laisse Pavie,
Et me croirois moi-même aujourd’hui malheureux,
Si je voyois sans sceptre un bras si généreux.
Pardonnez si ma haine a trop cru l’apparence :
Je présumois beaucoup de votre violence ;
Mais je n’aurois osé, Seigneur, en présumer
Que vous m’eussiez forcée enfin à vous aimer.
Vous m’avez outragé sans me faire injustice.
Qu’une amitié si ferme aujourd’hui nous unisse,
Que l’un et l’autre État en admire les nœuds,
Et doute avec raison qui règne de vous deux.
Pour en faire admirer la chaîne fortunée,
Allons mettre en éclat cette grande journée,
Et montrer à ce peuple, heureusement surpris,
Que des hautes vertus la gloire est le seul prix.
- ↑ Var. D’imposteur et de fourbe il traite sa misère ! (1653-56)
- ↑ Var. [Je prendrai, s’il le faut, sur moi toute la faute :]
Dis-lui… UNULPHE. Je connois mal une vertu si haute. (1653-56) - ↑ Var. De quels yeux puis-je voir un prince de retour,
Qui me voit en son trône, et veut vivre en ma cour ? (1653-56) - ↑ Var. Avec tout cet amour conserve un peu d’estime. (1653-56)
- ↑ Var. Il fuit, et tu n’as point à craindre de tempête. (1653-56)
- ↑ Var. Et la main qu’il vous rend vous plaît-elle à ce prix ? (1653-56 rec.)
Var. Et la main qu’il vous tend vous plaît-elle à ce prix ? (1656 édit. sép.) - ↑ Var. Vous pourrez faire agir toute votre fierté. (1656 rec.)
- ↑ Var. Mais que vois-je ? SCÈNE IV (a).GRIMOALD, PERTHARITE, RODELINDE, ÉDÜIGE, UNULPHE ;
Soldats, conduisant Pertharite prisonnier.- SOLDAT, à Grimoald. Seigneur… PERTH., au soldat. Je suis encor ton roi,
- Traître, et je te défends de parler devant moi.
- [GRIM. Ô ciel ! en quel état ma fortune est réduite,
- S’il ne m’est pas permis de jouir de sa fuite !]
- SOLDAT. Seigneur… PERTH., au soldat. Tais-toi, te dis-je une seconde fois.
- À Grimoald. [Tu me revois, tyran qui méconnois les rois.] (1653-56)
(a) Cette scène est la dernière de l’acte dans les éditions de 1653-56.
- ↑ Voltaire a mis ici : un soldat, et dans le courant de la scène : le soldat.
- ↑ Var. [Pleure ce bon sujet que le mien t’a ravi.]
Garibalde n’est plus, et j’ai vu cet infâme
Aux pieds de son vrai roi vomir le sang et l’âme.
GRIM. Garibalde n’est plus ! ah, justice des cieux !
PERTH. Si tu peux en douter, qu’on l’apporte à tes yeux ;- Tu verras de quel coup j’ai tranché cette vie
- Si brillante de gloire et si digne d’envie.
- Je ne te dirai point qui m’a facilité
- Pour un moment ou deux ce peu de liberté :
- Il suffit que le duc, instruit par un perfide,
- Que mon libérateur m’avoit donné pour guide,
- M’attendoit à main-forte ; et me fermant le pas :
- « À lui seul, à lui seul, mais ne le blessons pas,
- Dit-il, et réservons tout son sang aux supplices. »
- Soudain environné de ses lâches complices,
- Que cet ordre reçu forçoit à m’épargner
- Jusqu’à baisser l’épée et me trop dédaigner,
- À travers ces méchants je m’ouvre le passage ;
- Et portant jusqu’à lui l’effort de mon courage,
- Je lui plonge trois fois un poignard dans le sein,
- Avant qu’on puisse voir ou rompre mon dessein.
- Ses gens en vouloient prendre une prompte vengeance
- Mais lui-même, en tombant, leur en fait la défense,
- [Et son dernier soupir est un ordre nouveau]
- De garder tout mon sang à la main d’un bourreau.
- C’est à toi de venger ce ministre fidèle. (1653-56)
- ↑ Var. Puis-je occuper ton trône et te traiter en roi ? (1653-56)
- ↑ Var. Et refuser ton ordre et ta main à ma perte ?
Ton rang, ton rang illustre auroit dû t’enseigner
Qu’un roi dans ses États doit périr ou régner,
Et qu’après sa défaite y montrer son visage,
C’est donner au vainqueur un prompt et juste ombrage.
Si tu n’étois qu’un lâche, on se pourroit flatter
Que tu pourrois y vivre, et ne rien attenter. (1653-56)