Petite grammaire bretonne/V

La bibliothèque libre.

V

SUBSTANTIFS

20. Le genre des noms détermine souvent leur forme, comme on l’a vu au chapitre des mutations. Il n’est pas toujours conforme au français, dans les mots empruntés : eur mision, eur mont, m. une mission, une montre ; ar vatimant, f. le bâtiment.

21. Les dérivés en ad, iad, qui indiquent la plénitude, une mesure, un coup, ou une maladie, et ceux en ik, qui sont des diminutifs, gardent le genre du simple dont ils sont tirés : tréc. poel f. boisseau, poellad f. boisselée, léon, poezel, poezellad ; dorn m. poing, main, dornad m. poignée, coup de main ; bis m. doigt, bizad m. mal au doigt ; eur gwennegad bara un sou de pain ; bizik m. petit doigt, dornadik petite poignée.

Les dérivés en der, ter, egez, elez, adurez, idigez, oni, ni, qui sont des noms abstraits, sont fém. : brazder grandeur, kasoni haine, kozni vieillesse.

Il en est de même pour -aden (action), -adek (action collective), -ek (réunion d’objets semblables) : lazaden meurtre, lazadek tuerie, koloek paillier, lieu où l’on serre la paille ; monceau de paille.

Le suffixe erez est masc. au sens abstrait : gwalc’herez action de laver ; et fém. quand il désigne le lieu d’une collection ou d’une action (comme -eri, iri, fém.) : kigerez boucherie (et bouchère) ; kigeri boucherie.

22. Les infinitifs sont assez souvent employés comme noms masc. : Ar c’hlask a zo frank, ar c’havet n’e ket stank « le chercher est facile, le trouver n’est pas commun ».

23. Le mot tra chose est fém. seulement pour les articles et l’adj. : eun dra gaer une belle chose ; il prend les noms de nombre et les pronoms masculins (comparez en français les deux genres de « quelque chose »).

24. Le sexe masc. s’exprime quelquefois, pour les animaux, en préfixant les mots marc’h cheval, tarv, tar taureau, tâd père.

Le fém. s’indique par l’addition de -es, -ez : Bretounez, Bretones Bretonne ; niz neveu, nizes nièce. Il y a aussi des fém. en en tirés de noms ou d’adj. : tréc. krennarden courtaude, gamine (léon. krennardez ) ; duen noiraude ; vache noire.

25. Exemples de mots spéciaux pour les deux genres : eontr, tréc. yont oncle, moereb tante (on dit aussi tonton, fém. tantin) ; paeroun (tréc. -on), tâd-paeroun parrain, maerounez (tréc. -ones), mammaeron marraine.

26. Le singulier s’exprime quelquefois, pour les animaux, par pen ou loen suivi du pluriel : pen moc’h, pemoc’h pourceau, loen kézek cheval, littéralement « tête de pourceaux », « bête de chevaux ».

Pour les choses qui pullulent, qui se trouvent en grande quantité à la fois (plantes, insectes, poissons, nuages, etc.), le sing. prend souvent -en qui désigne une portion plus ou moins individualisée de l’espèce : guezen, tréc. gwéen arbre, sivien fraisier, fraise ; kraouen noyer, noix ; éden grain de blé ; bleoen, bleven cheveu. La forme sans en a tantôt le sens général : éd du blé, tantôt le sens pluriel : guez, tréc. gwé des arbres.

27. Le plur. des termes abstraits, et le plus souvent aussi des choses inanimées, se forme du sing. en ajoutant ou, corn, aou, tréc. o ; si la finale est une consonne forte, elle prend le son faible : krip, krîb peigne, kribou ; traou, tréc. treo choses.

Si la finale est o, on ajoute you (écrit d’ordinaire iou). Ce y paraît assez souvent par ailleurs : stalafiou, tréc. stalafo volets. Il peut se combiner avec l et s, z, en lh, ch, j : brezeliou, brezelho guerres ; miziou, mijo mois. Le t précédé de n ou n devient ch : henchou, hinchou, tréc. hincho chemins ; après une voyelle, il devient souvent j : pec’hejou, -jo péchés.

Les singuliers (ou singulatifs) en en ont des plur. en ou : kraouennou des noix (et quelquefois des noyers) ; edennou des grains de blé. Les simples correspondants peuvent aussi avoir leurs plur. : edou des blés, diverses sortes de blé.

Cette différence de sens n’est pas observée dans spilhen épingle, pl. spilhou ; delien feuille, deliou (tréc. delhaven, pl. delha). Inversement, -ennou peut se montrer au plur. de mots qui n’ont pas en au sing., pour exprimer une pluralité restreinte : gér mot, geriou des mots, geriennou quelques mots ; guechennou quelques fois.

La terminaison plur. des diminutifs, igou, peut s’ajouter au sing. ou au plur. du simple : a-vechouïgou parfois, quelques petites fois, tréc. a-wechigo ; tiezigou, tréc. tierigo, tiigo, corn, iiigaou maisonnettes.

Quelques noms d’êtres animés ont aussi -ou : leueou, tréc. loueo, leio veaux, mammou mères ; pabou et pabet papes ; voir § 6. Silien anguille, fait sili^ siliemiou et siliou, tréc. zilio ; dôr portej dôriou et dorojou, tréc. dôrio, dôrejo,

28. Les êtres animés prennent le plus souvent -ed ; •de même les noms d’arbres et quelquefois ceux de monnaies : loened, tréc. loeinet bêtes ; kraouenned noyers (plutôt guez kraoun, tréc. gwé kraou a arbres à noix ») ; dinered et dinerou deniers. Oditor auditeur et auditoire, prend régulièrement -ed au premier sens, et -iou au second.

Gelaouen sangsue, fait gelaou, gelaouenned et f/elq^oued ; dluzen truite, dkiz, dluzed ; karpen carpe, karped ; sardinen sardine, sardined ; gwazien veine, gnjaziennou, gwazied ; mouden motte, butte, moudennou, mouded ; steren, stereden étoile, steredennou, stered ; biz doigt, bizied, biziad.

Rioc’h, buoc’h vache, fait bioclienned (et bioc’hed, buoc’hed ; plus souvent saout) ; kazek jument, kezègenned ; clioar sœur, itron dame, komaer commère, prennent -ezed, ainsi que keniterv cousine, en tréc. kiniterves ; femelen femme, fait femelezed.

29. La terminaison ien s’emploie : 1o pour les noms d’agent en oiir, eur,er : trezer-ien dissipateurs, prodigues (mais trezer-ou, trezer-iou entonnoirs) ; 2o pour les mots en ek (léon. aussi euk, ok) appliqués à des personnes : lagadek homme aux grands yeux, lagadeien (mais lagadeg-ed poissons dits gros-yeux, dorades ; lavreg-oio culottes), auxquels il faut ajouter gnenneien (tréc. gwe-) des sous, kilheien coqs ; 3o pour les mots en is appliqués à des personnes : ôoi^rc’/^/^ bourgeois, bourcliizien, tréc. -ijen ; ¥ pour matez servante, lakez laquais, kalve(z) charpentier : mitizien (tréc. métejen), likizien, kilvizien ; 5^ pour quelques autres noms de personnes, comme diskibl disciple, diskibien (et diskibled), eskop évêque, eskibien (et eskep) ; loicidik vaurien, loiiidien ; paour pauvre, peonen, tréc. pevien, pevion.

Les adjectifs pris comme substantifs ont quelquefois -eien : an dalled ou an dalleien (mieux an dud dally ar re zall ou dall) les aveugles.

Drâf barrière, guichet, fait drefen ; bom levée de terre par la charrue, bemen et bomou. — H y a quelques plur. en on : léon. kere-on cordonniers ; tréc. laer-on (léon. -oun) voleurs ; gad lièvre, gedon. 30. Les noms en ad, iad, désignant celui qui a une qualité, font au plur. idi plutôt que aded, iaded : kleiziad, kleiad gaucher, kleizidi, kleidi. Ceux qui désignent l’habitant d’un heu changent ad^ iad en is : Tregeriad Trécorois, Tregeris, -iz.

31. Antres plur. ajoutant un i final : gwaz, gwazien, tréc. gwa, gwaien oie, gwazi, tréc. gwai ; blei(z) loup, bleizi, bleidi ; melh mulet, poisson, melhi (et melhed) ; guerzid-i (tréc. gwe-) fuseaux ; guez, guiz, tréc. gwis truie, guizi, gwizi. Avec changement d’à en i : bran corbeau, brini ; tréc. drask grive, driski (léon. draskl, plur. ed) ; moualc’h merle, mouilc’hi, tréc, mouelc’hi ; klujar perdrix, klujiri, klujeri ; gars jars, girzi ; levran lévrier, levrini ; karo, karv ; cerf, kirvi, de même taro, tarv taureau, gast femme débauchée, kar charrette, marr marre, grande houe. Avec changement d’e en i : brezel maquereau, brezili, brizili ; kontel couteau, kontilli (tréc. kohtelho) ; kenderv cousin, kindirvi ; ero, erv, erven sillon, irvi ; ènez île, inizi, enizi, enezi ; dred étourneau, dridi ; lestr vaisseau, vase, listri ; lizer lettre, missive, liziri (et lizerou, tréc. liverio) ; mestr, tréc. mest, maître, mistri (tréc. mecho, comme goecho boîtes, vrenecho fenêtres, moncho montres).

Gaour, gavr chèvre, fait givri et gevr ; kastel château, kistilli, kestilli et késtel (tréc. kastelho) ; mantel manteau, mentilli et mentel (tréc. mahtelho, léon. mantellou) ; kloc’h cloche, klec’hi, klec’h et kleier ; kok coq, kigi et keger.

32. Pluriels par changement d’a, o, ou en e : dant dent, dent, tréc. dent ; aerouant démon, erevent ; louarn renard, leern, lern ; danvad brebis, dénvet ; arar, alar charrue, erer, eler ; bastard bâtard, besterd (et bastarded) ; manac’h moine, menec’h ; yar poule, yér, tréc. yir (et yarezed) ; korn corne, kern (et kerniou, kernio, kerniel) ; azen âne, ézen (et azened) ; planken planche, tréc. plénken, léon. plenk, plench ; kavel berceau, kevel (et kavellou, tréc. kavelho) ; rastel râteau ; restel (et rastellou, tréc. rastelho) ; ozac’h, tréc. oac’h, oc’h homme marié, ezec’h ; abostol apôtre, ebestel (et abostoled) ; askorn os, eskern, kador, tréc. kadoar chaise, tréc. keder (et kadoario, léon. kadoriou). Changements en i : maen, mean, men pierre, mein ; oan agneau, ein (et oaned) ; troad pied, treid ; kolen petit d’un animal, kelin ; korden corde, kerdin, tréc. kerden ; kroc’hen peau, krec’hin, tréc. -en ; krogen coquille, kregin (tréc. krogilhen, pl. kregilh), Maout mouton, fait meot (tréc. maouto, surtout au sens de « béliers »).

33. La terminaison plur. ier, quand elle ne s’ajoute pas à e (kleze-ier épées) ou à ou (bezou-ier bagues) est accompagnée de changements de voyelles (a en i ou e ; o en e : yalc’h bourse, ilc’hier ; sac’h sac, sier, seier ; kaz chat, kizier, kicher, tréc. kéjer, de même arc’h coffre, arche, falc’h une faux, fals faucille, garz haie ; roc’h rocher, reier, forc’h fourche, ferc’hier, de même porz cour, grande porte, etc. ; gaou mensonge, fait gevier, geier.

Quelques mots prennent -eier : glao pluie, dour eau (on dit aussi dourou, douriou).

Ti maison, prend en tréc. er ou e, en léon. ez.

34. Autres plur. en ez, e : ael, eal, el ange, elez, ele (et eled) ; greg, tréc. groek femme, gragez, tréc. groage ; bugel enfant, hugale ; roue roi, rouanez, tréc. -ne, et roueed ; aotrou, tréc. ôtro seigneur, monsieur, aotroimez^ tréc. ôtrone.

35. Plur. spéciaux : hreur frère, hreudeur ; kar parent, kerent, tréc. -m^ ; kloarek clerc, ft/oer ; M chien, /cot^n^ kon (dans quelques locutions)^ ordinairement chas ; mardi cheval, kezek ; dén homme, tud (tréc. déno, maris) ; ci^}>/^^^^ gentilhomme, tudjentil ; on a vu moc’h, saout,

36. Les membres doubles du corps préfixent le mot deux : daou-lagad yeux, dt jôd joues, dî har jambes ; daou zoiirn, daou dom, daouarn mains ; an diou vrec’h les bras (mais brecliiou pour les bras d’une civière, etc.)

Il peut y avoir trois nombres, pour les objets qui vont par paires : loer un bas, lero^ re lero paire de bas, lereier plusieurs paires de bas ; botes une chaussure, botOy re voto la paire, botoio, botoicr, boteier plusieurs paires.

On trouve quelques autres pluriels de duels : daouîagadou plusieurs paires d’yeux, et surtout des pluriels de pluriels : bugaleouipusmrs bandes d’enfants, tréc. pôtredo beaucoup de garçons ; le sens se confond parfois avec le plur. : ar mercliedou, ar merc’hejoîi les filles. 37. La place du nom ne suffit pas toujours à indiquer, comme en français, s’il est sujet ou complément direct ; il faut examiner le verbe.