Physionomies de saints/La Bienheureuse Imelda

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Librairie Beauchemin, Limitée (p. 38-41).

LA BIENHEUREUSE IMELDA


La bienheureuse Imelda descendait de la noble et vaillante famille des Lambertini. Née à Bologne en 1521, elle avait reçu au baptême le nom de Madeleine.

Dès le berceau, elle montra une intelligence extraordinaire, et cette vive intelligence sembla s’ouvrir naturellement aux lumières de la foi. Quand une souffrance quelconque faisait couler ses larmes, il suffisait de lui parler de Jésus-Christ pour ramener la joie sur son visage.

On ne vit jamais en elle cette peine à obéir, ces caprices qui rendent difficile l’éducation des enfants. Au premier signe, Madeleine quittait le jeu le plus animé pour se mettre au travail.

Dans la magnifique demeure de ses parents, elle s’était fait un petit oratoire qu’elle ornait de ses mains. Son bonheur était de s’y retirer et d’y prier. La beauté et la bonté de Dieu occupaient ses pensées. Elle comprenait que la mesure de l’aimer c’est de l’aimer sans mesure ; elle avait déjà la connaissance profonde et exacte des choses de ce monde, au point de vue surnaturel.

La splendeur qui l’entourait pesait à Madeleine : elle n’avait pas encore fait sa première communion et elle aspirait au détachement de la vie religieuse.

À cette époque, suivant un usage très ancien, on recevait encore parfois les enfants dans les monastères et on leur donnait l’habit religieux. La petite Madeleine aurait voulu vivre de cette vie obscure et retirée. Ses parents l’aimaient fort, mais elle les pria si bien, si instamment, qu’ils finirent par se rendre à ses désirs.

À Valdiprétra, près de Bologne, il y avait alors un fervent monastère de dominicaines. Les Lambertini, heureux et désolés, y conduisirent leur fille qui n’avait encore que dix ans.

Elle prit avec joie l’habit religieux et échangea son nom contre celui d’Imelda.

La prise de voile n’engageait pas l’avenir et les enfants ainsi reçus dans les monastères n’étaient assujettis qu’à une partie de la règle. Mais Imelda voulut l’observer tout entière et sa constance ne se démentit pas un instant. Elle était la plus exacte, la plus courageuse. Malgré sa tendresse pour ses parents, elle ne semblait pas souffrir de la séparation. Aucune austérité ne l’effrayait. Rien ne lui semblait dur pour ressembler à Jésus crucifié.

Les plus anciennes, les plus ferventes religieuses enviaient sa générosité ; elles étaient surtout ravies de sa merveilleuse dévotion envers le Saint Sacrement.

La petite novice passait des heures en adoration sans ressentir plus de lassitude que les anges devant Dieu. Jamais elle n’assistait à la messe sans verser d’abondantes larmes. Elle pleurait surtout quand les religieuses quittaient leurs stalles pour aller communier. Dans l’ingénuité de son amour, elle disait parfois à ses sœurs : « Je vous en prie, expliquez-moi comment on peut recevoir Jésus dans son cœur sans mourir de joie ».

Rien ne lui eût coûté pour communier. Consumée par l’ardeur de ses désirs, elle suppliait le confesseur du couvent de l’admettre à la table sainte. Mais c’était l’usage du pays de ne pas faire faire la première communion aux enfants avant l’âge de quatorze ans, et le prêtre ne croyait pas devoir faire une exception pour la petite novice.

Cependant le jour de l’Ascension 1533, l’enfant, qui avait atteint ses onze ans, se présenta de nouveau devant son confesseur et le conjura de ne pas la tenir plus longtemps éloignée de la communion.

Le prêtre fut inflexible et Imelda, pleurant amèrement, se rendit à l’église pour entendre la Messe.

« Ô Jésus, mon amour unique, soupirait-elle, ainsi vous voulez que je sois retenue loin de vous. Serait-ce parce que je ne suis qu’une enfant ?… Mais aux jours de votre vie mortelle, vous avez dit à vos apôtres : « Laissez venir à moi les enfants… Ne les éloignez point ». Pourquoi donc, ô mon Époux céleste, ne voulez-vous pas me laisser approcher… moi qui vous aime tant… moi qui ai tout quitté pour être plus près de vous… Si vous ne pouvez supporter mon indignité… faites que je meure… je ne puis plus vivre sans vous »…

Le Seigneur Jésus, si faible contre l’amour, ne put résister à cette prière. Au moment de la communion, une hostie s’échappa du ciboire, s’éleva en l’air, franchit la grille du chœur et vint s’arrêter au-dessus de la tête de l’enfant.

Les religieuses aperçoivent l’Hostie qu’aucune main ne soutient et leur petite sœur qui l’adore, ravie ; elles avertissent le prêtre.

Il s’approche avec une patène et l’hostie jusque là immobile, vint s’y poser.

Alors ne doutant plus de la volonté du Seigneur, le prêtre tremblant communia l’enfant qui semblait un ange plutôt qu’une créature mortelle.

Les religieuses, dans un saisissement inexprimable, restèrent bien longtemps à la regarder en silence. La voyant toujours immobile, toujours prosternée, elles ressentirent à la fin une vague inquiétude.

Elles appellent Imelda, elles la prient, elles lui ordonnent de se lever. L’enfant, toujours si prompte à obéir, ne semblait pas entendre. On la releva. Elle était morte ; morte de joie et d’amour, à l’heure de sa première communion.


En 1566, les dominicaines quittèrent leur couvent de Valdiprétra pour se fixer à Bologne ; elles emportèrent avec elles le corps de la bienheureuse Imelda. La famille Lambertini fit décorer une chapelle en l’honneur de l’enfant et on y plaça une inscription rappelant sa miraculeuse première communion et sa céleste mort.