Piles électriques et accumulateurs/I
On sait que la force électromotrice des couples à un seul électrolyte[2] est très variable : elle diminue par la fermeture du circuit et augmente par le repos de la pile ; pour une même combinaison voltaïque, elle paraît plus élevée avec une électrode positive dont la surface est très grande relativement à celle de l’électrode négative. Aussi les forces électromotrices apparentes de ces couples changent-elles avec la construction de la pile, les circonstances des expériences et les méthodes de mesure employées.
Fig. 1. |
PILE À MAXIMA. (A. Simmen) |
Parmi toutes les valeurs que peut prendre la force électromotrice d’un couple, il y en a deux qu’il faut connaître : la plus grande et la plus petite. Je crois avoir réussi à obtenir avec certitude la mesure de ces grandeurs extrêmes, au moyen des deux modèles de pile qui vont être décrits. Chacun de ces deux modèles peut être monté avec divers liquides et des électrodes positives et négatives variées. Le couple à maxima (fig. 1) possède une électrode positive Cu, plissée et ajourée, développant une surface efficace de 30dq, c’est-à-dire trois cents fois plus grande que celle de l’électrode négative. Celle-ci se compose d’un fil de 3 mm de diamètre, plongeant au centre du récipient ; on peut la soulever hors du liquide et l’y maintenir, au moyen d’une vis de pression agissant sur le manchon dans lequel elle est guidée. Une pièce isolante B, fixée sur l’électrode, prévient toute dérivation par le couvercle et sert de butée quand on soulève le fil négatif pour mettre la pile au repos.
Ce couple, dont la capacité est de 800 cc, a une résistance de 0 ohm, 2 à 4 ohms, selon le liquide employé. : valeur négligeable quand la résistance totale du circuit galvanométrique atteint plusieurs milliers d’ohms ; sa force électromotrice perd moins d’un centième de sa valeur par un travail de deux heures à l’intensité de un milliampère. On peut donc considérer la pile comme constante, pendant le peu de minutes nécessaires à une mesure de potentiel par les méthodes galvanométriques connues.
Le couple à minima (fig. 2) a les mêmes dimensions extérieures que le précédent ; mais c’est l’électrode négative qui possède ici la plus grande surface, 5dq environ. L’électrode positive est un fil de 0,5 mm de diamètre, dont la surface immergée a moins de 1cq. Les résistances de cette pile sont à peu près les mêmes que celles du couple à maxima.
Pour mesurer la force électromotrice minima du couple, on met les deux fils qui vont au galvanomètre en communication avec les deux bornes d’une clef de court circuit ; on ferme la clef pendant plusieurs heures, puis on l’ouvre, et l’on fait aussitôt une mesure qui donne une valeur très approchée, sinon exacte, de la différence de potentiel cherchée. L’électrode positive de ce couple ayant une très petite surface, les produits d’oxydation formés par l’action de l’air ne s’élaborent qu’en faible quantité ; ils sont complètement
Fig. 2. |
PILE À MINIMA. (A. Simmen) |
réduits par la fermeture en court circuit et ne se reforment
pas assez vite pour troubler sensiblement la mesure. À l’ouverture
de la clef, le couple ne renferme point de corps autres que ceux contenus dans sa définition.
Avec ces deux modèles de pile, j’ai mesuré les forces électromotrices maxima et minima d’un certain nombre de combinaisons voltaïques à un seul électrolyte[3]. Les chiffres obtenus sont rapportés dans les tableaux suivants :
D’après les considérations exposées plus haut, il me semble que la force électromotrice minima d’un couple à un seul électrolyte doit être considérée comme la force électromotrice vraie du système ; la surélévation de cette force jusqu’au maximum résulterait principalement de l’addition spontanée de produits d’oxydation formés par l’intervention de l’air, produits dont l’action ne devrait pas être confondue avec les énergies chimiques mises en jeu dans le couple proprement dit. Je me permets de signaler cette observation aux physiciens qui cherchent à établir des concordances entre les forces électromotrices des piles et les données de la Thermochimie.
- ↑ Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 12 novembre 1883.
- ↑ L’expression de « pile à un seul électrolyte », adoptée ici, a été proposée par le très regretté Alfred Niaudet, pour remplacer l’expression ancienne de pile à un seul liquide, dont le sens est trop général, car elle semble comprendre les couples à sels ou oxydes insolubles, qui sont des piles à deux électrolytes.
- ↑ Les mesures ont été faites par la méthode de l’égale déviation, décrite plus loin dans l’étude sur les variations de la force électromotrice dans les accumulateurs. (voir p. 115)