Poème de la prison/Ballade XIII
Pour tant se souvent ne vous voy,
Pensez vous plus que vostre soye ?
Par le serment que je vous doy,
Si suis autant que je souloye ;
N’il n’est ne plaisance, ne joye,
N’autre bien qu’on me puist donner,
Je le vous prometz loyaument,
Qui me puist ce vouloir oster
Fors que la mort tant seulement.
Vous savés que je vous feis foy
Pieçà de tout ce que j’avoye,
Et vous laissay, en lieu de moy,
Le gage que plus chier j’amoye ;
C’estoit mon cucur que j’ordonnoye
Pour avecques vous demourer,
À qui je suis entierement.
Nul ne m’en pourroit destourber
Fors que la mort tant seulement.
Combien certes que je rcçoy
Tel mal que, se le vous disoye,
Vous auriés, comme je croy,
Pitié du mal qui me guerroye.
Car de tout deuil suis en la voye,
Vous le povez assez penser,
Et ay esté si longuement,
Que je ne doy riens désirer
Fors que la mort tant seulement.
Belle, que tant véoir vouldroye,
Je prie à Dieu que brief vous voye ;
Ou s’il ne le veult accorder,
Je lui supply treshumblement
Que riens ne me vueille donner
Fors que la mort tant seulement.