Poème de la prison/Ballade XVII

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Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 31-32).

BALLADE XVII.

     En ce joyeux temps du jour d’uy
Que le mois de may ce commance,
Et que l’en doit laissier Ennuy,
Pour prandre Joyeuse Plaisance,
Je me treuve, sans recouvrance,
Loingtain de Joye conquester ;
De Tristesse si bien renté
Que j’ay, je m’en puis bien vanter,
Le rebours de ma voulenté.
     Las ! Amours, je ne voy nulluy
Qui n’ait aucune souffisance,
Fors que moy seul qui suis celluy
Qui est le plus dolent de France.
J’ay failly à mon espérance ;
Car quant à vous me voulz donner
Pour estre vostre sermenté,
Jamais ne cuidoye trouver
Le rebours de ma voulenté.

     Au fort, puis qu’en ce point je suy,
Je porteray ma grant penance,
Ayant vers Loyauté refuy
Où j’ay mis toute ma fiance.
Ne Dangier qui ainsi m’avance,
Quelque mal que doye porter,
Combien que trop m’a tourmenté,
Ne pourra jà en moy bouter
Le rebours de ma voulenté.


ENVOI

     D’aucun reconfort accointer
Plusieurs foys m’en suy dementé ;
Mais i’ay tousjours, au par aler,
Le rebours de ma voulenté.