Poèmes épars (Lenoir-Rolland)/Roi des aulnes
Qui voyage si tard par le vent et la nuit ?
C’est un enfant avec son père.
Un cheval les emporte à travers la bruyère.
L’enfant ferme les yeux et tremble au moindre bruit.
— Pourquoi donc, ô mon fils, caches-tu ton visage ?
La nuit luit, aurais-tu peur ?
— Regarde ! enveloppé d’une blanche vapeur,
Le Roi des Aulnes vient là-bas par le rivage !
— Mon fils, je ne vois qu’un nuage !
« — Cher petit enfant, doux trésor,
Viens avec moi, viens, viens, je t’aime !
Ma mère porte un diadème !
Tu seras son bonheur suprême,
Elle a des fleurs sans nombre et de beaux jouets d’or ! »
— Entends-tu ce qu’il dit ? Père, prête l’oreille !
— Je n’entends que le bruit du vent qui se réveille !
« — Veux-tu venir ? Veux-tu venir ?
Mes filles sont jeunes et belles.
Tu pourras m’aimer avec elles ;
Et, quand viendront tes nuits nouvelles,
Elles auront des chants sereins pour t’endormir ! »
— Oh ! ses filles sont là, dans le passage sombre !
— Du saule aux rameaux gris, enfant, ce n’est que l’ombre !
« — Que ton charmant visage est doux !
Je t’aime ! Ange, veux-tu me suivre ?
Comment, sans toi, pourrai-je vivre ?
Viens donc ! ton bel œil bleu m’enivre !
Je te veux, malgré toi, bercer sur mes genoux ! »
— Mon père, il me saisit ! oh ! son haleine ardente,
En passant sur mon front, me glace d’épouvante !
Et pressant dans ses bras son fils avec effort,
Le père se hâtait de gagner sa demeure ;
Mais lorsque du retour au foyer sonna l’heure,
Le petit enfant était mort !