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Poèmes (Canora, 1905)/La mort la plus douce

La bibliothèque libre.
(p. 23-24).

II

LA MORT LA PLUS DOUCE


Mes yeux ont entrevu son voile blanc léger
Traverser le bal, comme une aile…
Puis je ne vois plus rien, et je reste à songer
Que son âme d’enfant est innocente et belle.

Et quand je souffre seul, sans pouvoir apaiser
Le regret qui m’étreint, le doute qui m’oppresse,
Ce voile blanc paraît… Mon cœur à se briser
Palpite, sous l’effort d’une vaine tendresse.

Et si j’étends vers lui les bras, pour le saisir,
Il m’échappe, en tremblant, comme une pâle brume,
Et, le cœur défaillant d’ivresse et d’amertume,
Je ris, comme les fous au souffle du désir.


Oh ! pourquoi t’éloigner de moi, toi que j’adore,
Toi dont les grands yeux noirs ont la molle douceur
Des lacs mystérieux que caresse l’aurore,
Toi ! qui dirais mes vers, et qui serais ma sœur ?

Hélas le monde est là ! Le monde nous épie ;
Nos âmes seulement peuvent s’unir le soir.
Je vois ton voile blanc, pendant mon insomnie,
Palpiter comme un vague et douloureux espoir…

Et ce rêve insensé s’enfuit avec les voiles
De la nuit passagère, il faut encor souffrir !
Chère ! Il serait si doux d’aimer et de mourir
Enlacés chastement sous les pleurs des étoiles !