Poèmes antiques et modernes/Le Bain d'une Dame Romaine

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Poèmes antiques et modernes, Texte établi par Edmond Estève, Hachette (p. 134-135).


LE BAIN

D’UNE DAME ROMAINE
Sous-titre : O, Fragment. A, Fragment d’un poème.


Une Esclave d’Égypte, au teint luisant et noir[1][2],
Lui présente, à genoux, l’acier pur du miroir[3] ;
Pour nouer ses cheveux, une Vierge de Grèce[4]
Dans le compas d’Isis unit leur double tresse[5] ;
Sa tunique est livrée aux Femmes de Milet[6][7],

Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait[8].
Dans l’ovale d’un marbre aux veines purpurines
L’eau rose la reçoit ; puis les Filles latines[9],
Sur ses bras indolents versant de doux parfums,
Voilent d’un jour trop vif les rayons importuns,
Et sous les plis épais de la pourpre onctueuse[10]
La lumière descend molle et voluptueuse :
Quelques-unes, brisant des couronnes de fleurs.
D’une hâtive main dispersent leurs couleurs,
Et, les jetant en pluie aux eaux de la fontaine,
De débris embaumés couvrent leur souveraine,
Qui, de ses doigts distraits touchant la lyre d’or.
Pense au jeune Consul, et, rêveuse, s’endort.


Le 20 mai 1817[11].

  1. Boettiger, Sabine, ou la Matinée d’une dame romaine à sa toilette, à la fin du 1er  siècle de l’ère chrétienne, trad. fr., Paris, 1813, p. 83 : Dès que Psecas a fini son service, se présente Cypassis. C’est une jolie négresse très adroite…
  2. Var : O, esclave
  3. Boettiger, p. 88 : Personne n’a à remplir un rôle plus pénible et plus désagréable que la pauvre Latris. C’est le nom de l’esclave qui doit présenter le miroir à Sabine, tantôt à droite, tantôt à gauche… Ces miroirs n’étaient point de verre comme les nôtres ; c’était une plaque de métal poli…
  4. Var : O, vierge
  5. Boettiger, p. 85 : Quand les cheveux ont été bien peignés, bien garnis de parfums, elle [Cypassis] tresse ceux du derrière de la tête et les rassemble tous sur le front en une espèce de bourrelet… C’est à Cypassis qu’est aussi confié l’écrin qui renferme toutes les épingles précieuses de Sabine parmi lesquelles il faut choisir aujourd’hui celle qui conviendrait le mieux… L’adroite Cypassis prit aussitôt une autre épingle également belle ; c’était l’ouvrage d’un orfèvre grec, représentant la déesse de l’Abondance, qui d’une main tenait une corne d’Archélaüs, et de l’autre caressait un dauphin. Sa tête était surmontée de deux cornes, symbole de la déesse Isis ou de la Lune… « Veux-tu que je mette dans tes cheveux l’épingle d’Isis ? » demanda Cypassis à sa maîtresse…
  6. Boettiger, p. 290 : Drocas présente la tunique, que Cypassis l’aide à passer à Sabine… L’étoffe en est en laine de Milet tissée avec du coton… — p. 284 : Accompagnons un moment la femme de chambre jusque dans le bâtiment qui forme l’aile gauche de la maison, où sont les esclaves qui tissent les étoffes, celles qui les brodent, et les couturières… — p. 297 : Les fileuses de Sabine étaient presque toutes des Grecques.
  7. Var : O, aux femmes
  8. Boettiger, p. 282 : À un signe, Cypassis s’approche avec un bassin d’argent. Elle venait de tremper dans du lait d’ânesse une petite éponge, qu’elle passe légèrement sur la main de sa maîtresse.
  9. Var : O, filles Latines
  10. Var : D, robe
  11. La date manque dans O.