Aller au contenu

Poèmes inachevés (Samain)/Loin des hameaux peuplés…

La bibliothèque libre.
Poèmes inachevésMercure de FranceŒuvres de Albert Samain, t. 3 (p. 261-263).

Loin des hameaux peuplés, des fermes, des enceintes,
Le grand berger, fantôme lent que son chien suit,
Reprend le vieux chemin des solitudes saintes
Et s’enfonce au mystère auguste de la nuit.


Il s’arrête un instant au haut de la colline
Pour lancer un regard aux dernières clartés,
Sent un instant son âme à jamais orpheline,
Et, grave, redescend vers les obscurités.



Une amertume humaine a pénétré son âme :
Il médite l’exil sans joie et sans soutien
Et songe que sa chair est veuve de la femme
Et qu’il n’est pas un cœur qui batte avec le sien.


Son compagnon de route a pour nom le Silence ;
C’est avec lui qu’il mange à jamais son pain bis ;
Nul n’a besoin de lui [................]
Au maître seul, il doit compte de ses brebis.


Alors, levant la tête aux plaines constellées,
Il contemple la mer des splendides douceurs
Et sent divinement ses peines consolées
Par leurs feux caressants comme des yeux de sœurs.


Il n’est plus exilé dans l’immensité sombre ;
Les astres dans le ciel le regardent marcher,
Et son esprit tressaille aux grandes voix de l’ombre
Comme un cheval qui sent son maître s’approcher.



Des secrets sont tombés pour lui des chastes nues ;
Échos vertigineux de lointains firmaments,
Les étoiles ont dit des choses inconnues
Dont son âme a tremblé jusqu’en ses fondements.


Sur la terre son corps passe ainsi qu’un fantôme
Que l’on connaît à peine [...............]