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Poésies (Amélie Gex)/L’Adieu aux hirondelles

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Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 32-34).

L’ADIEU AUX HIRONDELLES


Tu vedrai lontane arene
Nuovi monti, nuovi mari
Salutando in tua favella,
Pellegrina rondinella.

Tommaso Grossi.


Demain vous partirez, gentilles hirondelles,
Cherchant le ciel lointain des rivages dorés ;
Et sous les toits amis où grandirent vos ailes,
          Ô chères infidèles,
Combien de pauvres cœurs vivront désespérés !

Demain vous partirez, toujours vives et folles,
Sans soucis, sans regrets, révant d’autres amours,
Songeant aux nids laissés, là-bas, sous les coupoles,
          Aux douces brises molles,
Qui murmurent le soir sous les créneaux des tours.

Vers l’orient fleuri vous irez, oublieuses,
En fuyant, à plein vol, notre ciel embrumé,
Sur les minarets d’or, aux cimes lumineuses,
          Pour vos ailes frileuses,
Chercher des matins clairs le rayon bien-aimé !


Là vous retrouverez le souffle qui caresse,
Comme un baiser d’amant, les fleurs du Saraï,
La mer bleue où la vague, en sa douce paresse,
          Chante et roule sans cesse
Un rayon de soleil en son fantasque pli.

Vous aurez, pour dormir, la chanson des tsiganes
Et, pour vous éveiller, le cri des muezins ;
Pour abri, le kiosque où rêvent les sultanes
          Et l’ombre des platanes
Où se couchent, lassés, les chameaux abyssins…

… Et nous n’entendrons plus votre voix si sonore,
Lorsque l’aube sourit au travers de l’auvent…
Les jours gris de l’hiver, qu’un lent ennui dévore,
          Seront plus lourds encore
Sans les bavards propos que vous jetiez au vent !

Mais le givre a blanchi le bord de la fenêtre ;
La bise a défeuillé les rameaux des tilleuls ;
Au bois, où l’aquilon s’en va gronder en maître,
          Combien de nids, peut-être,
Où s’abritait l’amour, demain vont rester seuls !…

Partez, oiseaux, partez ! voici venir la neige ;
Notre azur est, hélas ! assombri pour longtemps ;
L’arbre chauve se tord sous le vent qui l’assiége,
          Et chaque jour abrége
D’un soleil attiédi les retours inconstants.


Partez ! Il ne faut pas mêler à nos tristesses
L’insouciant bonheur des amours rajeunis…
Partez ! mais du foyer, passagères hôtesses,
          Emportez les tendresses
Pour les verser, là-bas, sur le front des bannis !…