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Poésies (Desbordes-Valmore, 1830)/L’Adieu du soir

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Pour les autres éditions de ce texte, voir L’adieu du soir.

PoésiesA. BoullandTome 1 (p. 23-25).


L’ADIEU DU SOIR.



Dieu ! qu’il est tard ! quelle surprise !
Le temps a fui comme un éclair ;
Douze fois l’heure a frappé l’air,
Et près de toi je suis encore assise !
Et loin de pressentir le moment du sommeil,
Je croyais voir encore un rayon de soleil !

Se peut-il que déjà l’oiseau dorme au bocage !
Ah ! pour dormir il fait si beau !

Les étoiles en feu brillent dans le ruisseau,
Et le ciel n’a pas un nuage ;
On dirait que c’est pour l’Amour
Qu’une si belle nuit a remplacé le jour !
Mais, il le faut, regagne ta chaumière ;
Garde-toi d’éveiller notre chien endormi ;
Il méconnaîtrait son ami,
Et de mon imprudence il instruirait ma mère.
Tu ne me réponds pas ; tu détournes les yeux !
Hélas ! tu veux en vain me cacher ta tristesse :
Tout ce qui manque à ta tendresse,
Ne manque-t-il pas à mes vœux ?
De te quitter donne-moi le courage ;
Écoute la raison, va-t’en. Laisse ma main !
Il est minuit ; tout repose au village,
Et nous voilà presqu’à demain !
Écoute ! si le soir nous cause un mal extrême,
Bientôt le jour saura nous réunir,

Et le bonheur du souvenir
Va se confondre encore avec le bonheur même.
Mais, je le sens, j’ai beau compter sur ton retour,
En te disant adieu chaque soir je soupire ;
Ah ! puissions-nous bientôt désapprendre à le dire !
Ce mot, ce triste mot n’est pas fait pour l’amour.