Poésies (Deubel)/12

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Le Beffroi (p. 51-54).


STANCES AU SOLEIL


I


Soleil ! toi qui te plais à la voix des fontaines
Et panses la blessure ouverte des sillons,
Laisse la majesté nombreuse de ta traîne
Vêtir la solitude heureuse des vallons.

Que l’azur où tu vis règne encor sans partage,
Froissé par les sabots de tes fiers étalons,
Sur mon cœur, comme sur un fougueux paysage
Qu’anime la vigueur de l’ardente saison.


Que pour te célébrer, ô maître magnanime !
Mon rythme soit ton cri, ma strophe ton rayon,
Et qu’à la face d’or de ton orbe sublime
Je danse le péan divin sous ta toison !



II


Ô champ de blé des Jours que moissonne la Nuit
Soleil ! l’ombre descend des montagnes prochaines
Sur les pas mesurés des aumailles sereines,
Et tes derniers rayons couronnent les vieux puits.

La paresse du soir s’accoude à la fenêtre.
Dans l’ombre où tintent clair leurs sonnailles de mules
Les horloges s’en vont de leur pas somnambule
Battre au cœur du mystère émouvant qui va naître.


Aux nefs du firmament les astres se recueillent.
Majestueux, tu meurs ! Et l’univers entend,
Ce pendant que le soir tombe de feuille en feuille,
Respirer tes poumons avides de Titan.