Poésies (Poncy)/Vol. 1/Le Forçat poitrinaire

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LE FORÇAT POITRINAIRE


I


Mes compagnons, dont le malheur se joue,
Interrogeant la pâleur de ma joue,
Me répétaient : « Tu traînes bien tes pas ! »
Ils me disaient : « Tu te meurs poitrinaire !

Moi, qui voulais revoir mon village et mon père,

Je savais bien que je ne mourrais pas.

Demain, demain, l’argousin me déferre ;
Demain j’irai, libre, pur et content,

Revoir mon village et mon père !
Demain la liberté m’attend.


II


Demain, adieu les bagnes et la chaîne !
J’étais mourant : la liberté prochaine
A, de mes jours, rallumé le flambeau.
Demain, à moi les baisers de mon père,

Mon pays, mes amis, ma natale chaumière !

Oh ! que demain le soleil sera beau !

Demain, demain, l’argousin me déferre ;
Demain j’irai libre, pur et content,

Revoir mon village et mon père !
Demain la liberté m’attend !


III


Mais la nuit vient. Dieu ! quelle ardente brise
Passe sur moi ? ma poitrine se brise !
Mes compagnons devinaient donc mon sort ?
Un sang de feu dans mes veines circule,

La démence rugit dans ma tête qui brûle.

Ô désespoir ! demain je serai mort !

Adieu, bonheur, village, amis et père !
Fermez ces bras que l’amour me tendait.

Demain je serai sous la terre :
C’était elle qui m’attendait !





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