Poésies badines et facétieuses/Épigrammes drolatiques

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ÉPIGRAMMES DROLATIQUES.

I

Dame Alison accusait sa commère
D’avoir forfait avec Frère Mathieu.
« Où, — dit un Gars ?… » — Où ? dans ce même lieu,
Moi le voyant… — Quoi !… vous vîtes l’affaire ?…
— Entièrement… — Après, que fit le Frère ?
— Rien que cela ; — continue Alison…
— Rien ?… — Rien du tout… « — Oh ! de par saint Pancrace !
Reprend le gars, avec dévotion,
« Voudrais trouver semblable occasion.
« Bien, sur ma foi ! me pairiez votre place. »

II

Avec sa femme, avec sa belle-mère,
Faisait voyage un certain égrillard ;
Mais à l’auberge on arrive si tard,
Qu’un lit sans plus leur offre l’hôtelière.
La belle-mère, à ce discours pâlit,
Et de son gendre obtint, peur de méprise,
Que si tous trois ont gîte au même lit,
Entre elle et lui, sa femme sera mise ;
Clause ambiguë insérée au traité.
Après souper, chacun se déshabille,
Se couche et prend le poste concerté.
Dormaient à peine, et la mère, et la fille,
Que le ribaud passe au meilleur côté ;
Puis vous fourbit l’agréable femelle
Qui l’occupait : l’autre s’éveille, et dit

À son époux : — c’est maman, chien maudit !
Le gars répond : — Eh ! que ne parle-t-elle !

III


Quand de la chair le fougueux aiguillon,
Se révoltant, veut forcer sa prison,
Que faites-vous ? demandait certain Frère
À son Prieur. — Je me mets en prière,
Répondit-il. — Moi je me jette à l’eau,
Dit un béat. « — Moi, — dit un jouvenceau,
« Parbleu ! Messieurs, pour une bagatelle
« Je ne sais pas chercher tant de façon ;
« Je vais au but, et, pour toute raison,
« Au malin corps fais sauter la cervelle. »

IV

Jeune tendron, pour la première fois,
Goûtait des fruits amers de l’hyménée,
La pauvre enfant se vit presque aux abois,
Quand mit au jour sa trop chère lignée.
Son compagnon, qui la voyait souffrir :
« Par saint Joseph ! — lui dit-il, — je te jure
« Que dans la suite aimerais mieux mourir,
« Qu’ainsi te faire endurer la torture. »
La dame alors, regardant son époux,
Lui repartit : « — Ah ! pourquoi jurez-vous ?
« Quoi ! ce rien-là, mon fils, vous effarouche !
« Je n’ai besoin de si grande pitié.
« Las ! on m’a dit qu’à la seconde couche
« Le mal n’était si grand de la moitié. »

V

Jeune fillette, avec un certain drille,
Au jeu d’amour s’exerçait de son mieux ;
Survient le père, il aperçoit sa fille
Entre les bras du galant ; le bon vieux
Doutait du cas ; il se frotte les yeux.
Bref, il voit trop que la chose est très-claire.
— De par saint Jean ! — dit le barbon fâché,
Fille maudite ! infâme boucaniers,
Mal te prendra d’avoir ainsi péché…
« — De ce, n’ayez nul souci, mon cher père,
Reprend Agnès, — chassez cette peur-là ;
« Car tous les jours, le vois faire à ma mère,
« Sans qu’aucun mal advienne de cela. »