Poésies complètes de Jules Laforgue/Les Complaintes/Complainte sur certains temps déplacés

La bibliothèque libre.

Poésies complètesLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 106-107).


COMPLAINTE
SUR CERTAINS TEMPS DÉPLACÉS


Le couchant de sang est taché
Comme un tablier de boucher ;
Oh ! qui veut aussi m’écorcher !

— Maintenant c’est comme une rade !
Ça vous fait le cœur tout nomade,
À cingler vers mille Lusiades !

Passez, ô nuptials appels,
Vers les comptoirs, les Archipels
Où l’on mastique le bétel !

Je n’aurai jamais d’aventures ;
Qu’il est petit, dans la Nature,
Le chemin d’fer Paris-Ceinture !


— V’là le fontainier ! il siffle l’air
(Connu) du bon roi Dagobert ;
Oh ! ces matins d’avril en mer !

— Le vent galope ventre à terre,
En vain voudrait-on le fair’ taire !
Ah ! nom de Dieu quelle misère !

— Le Soleil est mirobolant
Comme un poitrail de chambellan,
J’en demeure les bras ballants ;

Mais jugez si ça m’importune,
Je rêvais en plein de lagunes
De Venise au clair de la lune !

— Vrai ! la vie est pour les badauds
Quand on a du dieu sous la peau,
On cuve ça sans dire mot.

L’obélisque quadrangulaire,
De mon spleen monte ; j’y digère.
En stylite, ce gros Mystère.