Poésies complètes de Jules Laforgue/Les Complaintes/Complaintes des condoléances au Soleil

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Poésies complètesLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 108-109).


COMPLAINTE
DES CONDOLÉANCES AU SOLEIL


Décidément, bien don Quichotte et pas peu sale,
Ta Police, ô Soleil ! malgré tes grands Levers,
Et tes couchants des beaux Sept-Glaives abreuvés,
Rosaces en sang d’une aveugle Cathédrale !

Sans trêve, aux spleens d’amour sonner des hallalis !
Car, depuis que, majeur, ton fils calcule et pose,
Labarum des glaciers ! fais-tu donc autre chose
Que chasser devant toi des dupes de leurs lits ?

Certes, dès qu’aux rideaux aubadent tes fanfares,
Ces piteux d’infini, clignant de gluants deuils,
Rhabillent leurs tombeaux, en se cachant de l’œil
Qui cautérise les citernes les plus rares !


Mais tu ne te dis pas que, là-bas, bon Soleil,
L’autre moitié n’attendait que ta défaillance,
Et déjà se remet à ses expériences,
Alléguant quoi ? la nuit, l’usage, le sommeil…

Or, à notre guichet, tu n’es pas mort encore,
Pour aller fustiger de rayons ces mortels,
Que nos bateaux sans fleurs rerâlent vers leurs ciels
D’où pleurent des remparts brodés contre l’aurore !

Alcôve des Danaïdes, triste astre ! — Et puis,
Ces jours où, tes fureurs ayant fait les nuages,
Tu vas, sans pouvoir les percer, blême de rage
De savoir seul et tout à ses aises l’Ennui !

Entre nous donc, bien don Quichotte, et pas moins sale,
Ta Police, ô Soleil, malgré tes grands Levers,
Et tes couchants des beaux Sept-Glaives abreuvés,
Rosaces en sang d’une aveugle Cathédrale !