Poésies de Benserade/À Iris (stances)

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Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 103-106).



À Iris.

STANCES.


Belle Iris, je vous aime avecque violence,
Je vous le dis tout haut ;
Et la nécessité de rompre mon silence
Excuse ce défaut.

Quelque profond respect qui m’oblige à contraindre
Un si hardy penser,
Je croy qu’il m’est permis aussi bien de me plaindre
Qu’à vous de me blesser.

Mon crime, en vous aimant, ne sçauroit être pire
Pour vous en avertir ;
Et je tiens que l’audace est pareille à le dire
Comme à le ressentir.

Que l’âme la plus fine est aisément surprise,
Et que nous nous troublons !
D’abord que je vous vis, je laissay ma franchise
Parmy vos cheveux blonds.

Ce ne sont point vos lys, ce ne sont point vos roses,
Qui m’ont le mieux tenté ;
Je découvre plus loin, et vous avez des choses
Par delà la beauté.

Vôtre aimable vertu contribuë à la flâme
Qui cause mes transports,
Et c’est presqu’en partie à cause de vôtre âme,
Que j’aime vôtre corps.

Mais, de grâce, empêchez qu’un mary qui vous aime,
Vous suive tout le jour ;
L’avis que je vous donne est pour sa gloire même,
Plus que pour mon amour.

Je ne prétends à rien, et je n’en sollicite
L’absence ni l’abord :
Je me sçay mieux régler ; mais il a du mérite,
Et cela luy fait tort.

Si c’est que son humeur, à toute autre insensible,
Cherche vôtre entretien,
Eh ! n’a-t-il pas un tems si doux et si paisible,
Où personne n’a rien ?

Ha ! que n’est-il de ceux qui, pour vaincre l’Espagne,
S’en vont dés aujourd’uy !
Je voudrois qu’il ne crût en toute la campagne
Des lauriers que pour luy.

Que nous serions heureux, s’il prenoit cette voye
Dont il suit le détour ;
Je verrois son départ, et vous auriez la joye
D’espérer son retour.

Quoique certainement vous soyez bien ensemble,
Que tous en soient témoins,
On hait la jalousie, et ce qui luy ressemble
Ne déplaît guères moins.

Il paroît vôtre amant ; mais, las ! quand il partage
L’honneur de tous mes liens,
S’il vous rend mes devoirs, je n’ay pas l’avantage
De vous rendre les siens.

Souffrez que je m’emporte, et que je vous confesse
Que je suis très-marry
Qu’il faille que je souffre et de vôtre sagesse,
Et de vôtre mary.



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