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Poésies de Benserade/Avertissement

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Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. i-v).
Préface  ►



AVERTISSEMENT.


Nul ne dupe entièrement son époque, et dans les réputations les moins fondées il y a quelque chose de vrai.
Th. Gautier.


Réimprimer BenseradeSingulière idée ! vont s’écrier quelques personnes à l’apparition de ce livre.

Boileau, songeront-elles, a fait justice depuis longtemps de tous ces précieux poètes de cour, et nous croyions que Molière les avait à jamais écrasés sous le ridicule de Vadius et de Trissotin.

Nous en avons jugé autrement. Les poésies de Benserade nous semblent dignes de paraître sous un nouveau jour, et peut-être ne feront-elles que précéder les œuvres poétiques des Sarrasin, Voiture, Scarron, Colletel et autres beaux esprits du XVIIe siècle qui, selon nous, sauront reconquérir l’estime des vrais bibliophiles, auxquels nous offrons avec confiance cette première réimpression.

Charles de Sercy a réuni dans l’édition de Paris 1697 (2 volumes in-12), les poésies diverses de Benserade reproduites, selon la copie, un an plus tard en Hollande.

Cette unique édition est compacte et défectueuse. Le texte en est incorrect, les vers y clochent trop souvent, et la ponctuation est faite à l’aventure.

Dans le premier volume, renfermant les pièces diverses, les Œuvres de notre poète sont jetées sans suite, noyées pour ainsi dire dans un fatras emphatique : louanges au Roi, kyrielles de rimes sur commande, impromptus surannés, un choix de rondeaux tirés des malheureuses métamorphoses d’Ovide, vient ajouter à la fadeur de ces pâles platitudes dont l’ennuyeuse lecture semble faire ombre aux poésies fraîches et légères de Benserade.

Nous ne parlerons pas du second volume : — les ballets, composés pour Sa Majesté et dansés par le Roi, font tous les frais de cette seconde partie.

Ne pouvant pour cette réimpression nous appuyer que sur la lourde édition dont nous faisons mention, nous nous trouvions placé dans cette alternative ou de sacrifier l’onéreux Benserade, par respect pour le texte, ou de le rajeunir, de l’alléger de son fardeau de panégyriste, afin d’offrir aux lettrés une véritable première édition de ses poésies galantes.

Rééditer un auteur après un si grand laps de temps, c’est l’améliorer ; et quand il revient au jour dans la nouvelle parure d’une réimpression, on doit, à notre avis, abandonner sans regrets à sa vieille édition toutes ses erreurs jointes à celles de sin éditeur.

Dans Benserade, le courtisan abâtardissait le poète : nous avons autant que possible atténué celui-là, pour ne présenter que celui-ci.

Le tome II de l’édition de Sercy a été sacrifié. Nous présentons nos excuses aux amateurs de ballets, mais nous avouons que ces ballets, aujourd’hui démodés, ne sauraient avoir qu’un médiocre intérêt.

Dans le premier volume, nous avons dû couper et aérer.

C’est ainsi que de pauvres petits madrigaux ou de charmants sonnets, qui se trouvaient englobés dans des stances d’une longueur désespérante, reviennent au jour dégagés, et se carrent en pleines marges.

Les Caprices à la Gloire personnelle du Roy, les Stances Sur le portrait du Roy, Sur la Petite Vérole du Koy, Sur le Mariage, la Guérison, la Gloire du Roy, ont été retirés y ainsi que toutes les pièces banales et d’un goût douteux, où l’homme de cour semble avoir pris plus de part que le poète.

Nous nous sommes enfin appliqué à reproduire la physionomie générale du texte, et nous avons suivi l’orthographe originale, sans toutefois pousser le scrupule jusqu’à conserver les fautes apparentes et grossières. Si l’orthographe, dans son ensemble, n’a pas toute l’homogénéité d’une édition du XVIIe siècle, nous en reportons le grief contre Charles de Sercy, l’éditeur responsable au premier chef.

Ne tenant pas compte d’une ponctuation où les points figuraient au milieu des phrases, nous avons dû la reconstituer selon la logique et le bon sens. Nous avons fait également de notre mieux, en certains points, pour faire comprendre l’idée du poète, et redresser des vers que son éditeur avait faussés. Bref, nous croyons avoir mené à bien une entreprise qui présentait certaines difficultés dans son exécution.

Le nom de Benserade s’écrivit de différentes façons : BENSSERADDE, BENSSERADE, et enfin BENSERADE ; c’est à cette dernière transformation, la plus moderne et la plus simple, que nous nous sommes arrêté.

Devons-nous encourir le blâme pour les licences forcées que nous avons prises ? Nous ne le pensons pas, et nous sommes convaincu que les bibliophiles nous sauront gré de notre travail sur un poète dont l’abandon devenait plus complet en raison des défauts multiples de son unique édition.

Puisse Benserade retrouver parmi les érudits d’aujourd’hui un regain de sa gloire d’autrefois.


O. U.