Poésies de Benserade/Contre une vieille

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Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 81-83).



Contre une Vieille.

STANCES.


Quoy ! vous vous mariez, douce et tendre mignonne,
Et ne l’avez encore été !
Je ne voy rien pourtant dessus vôtre personne
Qui ne prêche la chasteté.

Pour de l’âge, on sçait bien que vous n’en manquez guère,
Et, vôtre visage est garant,
Que ce qu’on fait pour vous se pouvoit fort bien faire
Du règne de Henry le Grand.

Vous éloignant d’icy, les bontés de la Reine
Ont purgé ce noble séjour ;
De même qu’un torrent, vôtre sortie entraîne
Toute l’ordure de la Cour.

Celuy qui vous épouse, en témoignant sa flâme,
N’établit pas mal son renom :
Qui s’est bien pû résoudre à vous prendre pour femme
Ira bien aux coups de canon.

Comme vous n’êtes plus qu’une vieille relique,
L’objet de la compassion,
Dés qu’on dit que sur vous un Sacrement s’applique,
On pense à l’Extrême-Onction.

Qui se lie avec vous espère un prompt veuvage ;
Et sans doute ce pauvre Amant
Prétend que le contrat de vôtre mariage
Passe pour vôtre Testament.

Vous seriez bien sa mère, et la foy conjugale
Est mal placée entre vous deux ;
L’inceste est en effet une chose si sale,
Que le portrait en est hideux.

Les plus intemperez de vôtre bonne grâce
Ne bailleroient pas un teston,
Et l’on peut faire état qu’on est à la besace
Quand on vous touche le teton.

Souffrez ce petit mot, sans traiter de satire
Un style si franc et si doux :
Vous êtes en un point où l’on ne peut médire,
Quelque mal qu’on dise de vous.



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