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Poésies de Benserade/Remercîment à Messieurs de l’Académie

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Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 207-210).
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Remercîment de l’Auteur à Messieurs de l’Académie lors qu’il fut receu.


Messieurs,


Ce seroit un mauvais début, pour un nouvel Académicien, que de vous fatiguer d’un long discours ; et j’ai hâte d’estre quitte d’un Compliment qui sent la Harangue, et qui marque bien moins la reconnoissance que la coûtume. Souffrez cette impatience, d’autant plus excusable qu’elle est d’un homme qui jusqu’ici ne vous a point paru trop pressé, puisque c’est ensuite d’une réflexion de plusieurs années sur son peu de mérite qu’il se voit enfin revêtu du glorieux titre de votre Confrère. Nous avons eu de part et d’autre des mesures à garder et des scrupules à vaincre. Vous avez prétendu, peut-estre, que je n’y avois point apporté les formalitez et les diligences nécessaires ; et j’ai crû que c’estoit faire les pas pour y parvenir, que de tâcher à m’en rendre digne.

L’Académie est illustre en son origine et en son progrez ; un puissant Génie, qui n’a rien fait que de grand et que de noble, en a esté le Fondateur ; elle est sortie de cette même Tête, d’où tant d’autres merveilles sont sorties pour l’éternelle félicité de l’Estat ; elle est composée d’excellens Esprits ; l’Érudition et la Politesse y règnent ; les premières Dignitez y brillent : et comme la Pourpre et le Ministère l’ont établie, il y entre encore aujourd’huy du Ministère et de la Pourpre.

Quand il ne seroit point de mon devoir, par vos Règles, de parler de feu M. le Chancelier Protecteur de vostre Compagnie, je n’en laisserois pas échapper l’occasion par le tendre respect que j’ay pour sa mémoire ; et je répandrois volontiers tout mon esprit et tout mon cœur sur un sujet qui fut l’ornement de son siècle, et qui me sera toujours précieux. Mais afin de le bien loüer, je n’ay simplement, et sans le secours des paroles, qu’à vous faire observer ces trois Tableaux que vous voyez, selon que je vous les nomme, Richelieu, Séguier, Louis ; quel Rang pour le second, et par conséquent quel Éloge !

Auguste lui-même ne dédaigne point de succéder à Mécénas et de se déclarer en faveur des Muses ; il vous protège ; il vous loge dans son Palais ; il vous approche de sa Personne sacrée, et vous donne lieu de l’examiner à loisir, Vous qui estes comptables à la Postérité des moindres actions de sa vie, s’il y a du plus ou du moins en ce qui est parfait.

J’avouë ma foiblesse et le véritable motif qui m’a fait aspirer à estre de vostre Corps ; je n’ay pû tout seul soutenir plus long-tems l’idée que j’ai conçûë de nostre Monarque ; et me sentant accablé du poids de sa gloire, j’ai pensé combien il me seroit avantageux de me joindre à vous, et de mêler une foible voix dans vos Concerts et dans vos Chants de triomphe ; sur tout après que Sa Majesté auroit mis la dernière main aux grandes choses qu’Elle médite et qui nous donneront tant à méditer. Voilà déjà ce Prince en campagne, qui pousse bien loin devant luy sa renommée, et la terreur de ses justes Armes ; la Fortune et la Victoire le suivent de prés, et renouvellent entre ses mains leur serment de fidélité. Il marche accompagné de son activité infatigable, de sa fermeté magnanime, de son courage intrépide, de sa prudence consommée, et du reste de ses hautes et Royales qualitez, où l’expression ne sçauroit atteindre.

Je finis, et n’ay garde de m’embarquer mal à propos sur une Mer fameuse par ses écueils. Il faudroit que j’eusse la force héroïque de celuy dont je n’ay que la place, pour m’en acquitter dignement, et pour vous obliger à applaudir à vous-mêmes du choix dont vous avez bien voulu m’honorer.



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