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Poésies de Jean Froissart/Balade

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BALADE.


Sus toutes flours tient-on la rose à belle
Et en après, je croi, la violette ;
La flour de lys est belle, et la perselle ;
La flour de glay est plaisans et parfette ;
Et li pluisour aiment moult l’anquelie,
Le pyonier, le muget, la soussie.
Cascune flour a par li sa merite.
Mès je vous di, tant que pour ma partie,
Sus toutes flours j’aime la Margherite

Car en tous temps, plueve, gresille ou gelle,
Soit la saisons ou fresce, ou laide, ou nette,
Ceste flour est gracieuse et nouvelle,
Douce et plaisans, blancete et vermillete ;
Close est à point, ouverte et espanie ;
Jà n’y sera morte ne apalie ;
Toute bonté est dedens li escripte ;
Et pour un tant, quant bien y estudie
Sus toutes flours j’aime la Margherite.

Et le douc temps ore se renouvelle,
Et esclaircist ceste douce flourette ;
Et si voi ci seoir dessus la sprelle
Deus cuers navrés d’une plaisant sajette,
À qui le Dieu d’amours soit en aye.

Avec eulx est plaisance et courtoisie
Et douls regars qui petit les respite.
Dont c’est raison, qu’au chapel faire, die :
Sus toutes flours j’aime la Margherite. (*)


(*) Dans le manuscrit 7214 ce couplet est donné ainsi :

Mès trop grant doel me croist et renouvelle
Quant me souvient de la douce flourette ;
Car enclose est dedens une tourelle :
S’a une haie, audevant de li faitte
Qui nuit et jour m’empèce et contrarie.
Mès s’amours voelt estre de mon aye,
Jà pour craniel, pour tour, ne pour garite
Je ne lairai qu’à occoision ne die :
Sus toutes flours j’aime la margherite.