« Ô advocas de Violette,
» Venez avant, car on vous trette
» Articles d’opposition,
» Ce dist Imagination,
» Si vous y fault faire response,
» Voires, se le plait je n’esconse. »
Li advocas respondit, dame !
Et dist : « Je sui tous près, par m’ame
» De respondre et faire devoir
» Et de monstrer que j’ai dit voir ;
» Et tout premiers je mac en prose.
» Je ne dis mies que la Rose
» Ne soit et belle, et bonne, et sage,
» Et n’ait en li tamaint usage
» Qui sont moult à recommender ;
» Mès l’advocat voeil demander,
» Se la figure est acceptable
» Dou soleil, ne bien véritable.
» Rose est muiste, et le soleil chaus.
» Or est dont li argumens faus.
» Et non-pourquant, vaille que vaille,
» Car mon espée ossi bien taille
» De tous taillans comme la sieve,
» Fols est qui advocat esquieve
» Pour chose qu’il puist langagier,
» Quant on l’a de quoi calengier.
» Et j’ai ocquoison et calenge
» De calengier ; si le calenge.
» Il nous a figuré droit ci
» Rose au soleil ; ce je li di
» Que pis ne voeil les Violettes
» Aux estoilles ne aux planettes
» Figurer, par aucune voie,
» Non se partir je me devoie,
» Car ce seroit fais inficilles ;
» Mès je les voeil nommer les filles
» Dou firmament qui est réons
» Si com par l’apparant véons,
» Car elles ont sa couleur propre,
» Sans blanc, noir, vermeil ne sinopre ;
» Et quant dou ciel furent venues
» Avecques la vapour des nues,
» La terre la semence en but,
» Dont les Violettes conçut.
» Si les tienc en très garant chierté.
» Bleu segnefie estableté ;
» Et cilz ou celle, sans doubtance,
» Qui le porte, par ordenance
» De moi retiegne ce notable,
» Doit avoir coer ferme et estable
» Et conforté, sans nul moyen.
» Violettes sont flours de bien ;
» Au véoir et au porter belles ;
» Et quant dames ou damoiselles
» Ont riches robes ou abis,
» Soit sus leurs corps ou sus leurs lis,
» S’il oudoure la violette,
» On dira : Ceste robe est nette !
» Et l’oudourra-on volentiers.
» Les Violettes, mestres chiers,
» Ont encor vertu et mistère
» Qui conforte moult ma matère
» Et comdempne toutes vos gloses.
» Prendés Violettes et Roses
» Et pour esprouver leur mestrie
» Boutés-les en aigue-de-vie
» À savoir qu’il en avenra,
» Ne que leur oudour devenra
» Li aigue qui est vertueuse,
» De la belle Rose amoureuse
» Ostera substance et vigour,
» Et Violette en son oudour
» Demorra ; c’est chose certainne.
» Si le tienc à trop plus hautainne
» Et de trop plus noble action
» Que Rose ne soit, c’est raison.
» Encor en fait on aigue bonne
» Qui confort aux deshetiés donne ;
» Des Violiers et des racines
» Fait-on bien pluisours medecines ;
» Mès on ne poet riens d’un rozier
» Faire, que le feu en yvier ;
» Et se chievrettes ou brebis
» Broutent violiers, j’en suis fis
» Que le lait qui d’elles venra
» Grant profit aux enfans fera
» Qui en mangeront les papins. »
Donc se leva, mestre Papins,
L’advocat de la belle rose ;
Et voloit dire quelques chose ;
Mès Imagination fu
Au devant qui li a dit : « U,
» Advocas, volés tous aler ?
» Vous nous tanés de tant parler.
» Qui vodroit oïr vos parolles
» On en empliroit quatre rolles.
» Il fault que vostre plait cessons ;
» Car d’entendre ailleurs pressé sons. »
— « Dame, ce dist li advocas,
» Entendre vous fault à tous cas ;
» Pour ce est vostre cours ouverte.
» Ne soyés pas si descouverte.
» Tost vous plaindés de tanison ;
» Rendes nous sentensce et raison
» Et jugement sus nos procès. »
Imagination, à ces
Mos, a bien dit que non fera,
Ne jà n’en sentensciera.
» Et qui donc, dittes-le-nous, Dame ! »
— « Volentiers, dist elle, par m’ame.
» Aillours avés court de ressort
» Pour jugier dou droit et dou tort
» Qui est dessus moi souverainne. »
— « Et où est elle ? on nous y mainne !
» On enseigne, et nous irons là. »
Imaginations parla
Et dist : « Beaus advocas jolis,
» La noble et haulte Flour-de-Lys,
» Qu’on doit bien tenir en chierté,
» N’a-elle souveraineté
» Sus la Roze et sus toutes flours ?
» Si a, et a éu tous jours,
» Et avera, et c’est bien drois ;
» Car si com le lion est roix
» Des bestes, et li aigle aussi
» Roix des oiseaux ; est, je vous di
» La Flour-de-Lys la souverainne
» Sus toutes flours, et plus hautaine.
» Siques vous irés en sa court.
» Eureus est qui y ont recourt.
» Je ne vous sçai mieulz envoyer
» Pour vo querelle plaidoyer.
» Il n’i a pas trop longe voie.
» Vous dirés que là vous envoie,
» Pour conseil et qu’on vous sequeure. »
— « Ha ! chiere dame, et où demeure
» La Flour-de-Lys ? puis qu’ensi est
» Nous irons là quant il vous plest. »
Elle respont sans détriance :
« Au noble royalme de France.
» Là trouvères en tous delis
» La noble et haulte Flour-de-Lys
» Très grandement acompagnie
» De belle et bonne compagnie,
» De hardement et de jonece
» De sens, d’onnour et de larghece,
» De qui vous serés recoeilliés
» Liement, et bien conseilliés
» De conseil gracions et bon.
» Car le Roy, Orliens et Bourbon
» Berry, Bourgongne, Eu et La Marce
» N’isteront point hors de la marce
» Pour sagement estudyer,
» Pour loyalement sentenscyer,
» Pour examiner vo querelle
» Qui lor sera plaisans et belle.
» Et quant oy ils l’averont,
» Je croi qu’il en responderont
» Si sagement et si à point
» Que d’argument n’i aura point
» Entre Rose et la Violette
» Pour qui ce plaidoyer se trette.
» Et s’il est ensi qu’il besongne,
» Par incidensce de besongne
» À la Flour-de-Lys à avoir
» Conseil saciés, et tout de voir ;
» Encore a-il les Margerites,
» Qui sont flours belles et petites,
» Dont il est très bon recouvrier,
» En tous temps, l’esté et l’ivier ;
» Et pluisours aultres nobles flours
» Dont embellie est moult sa cours,
» Qui li doient foi et conseil.
» Alés là, je le vous conseil. »
— « Dame, dist cils, c’est nos pourpos. »
Atant fu là cils procès clos.
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