Poésies de Madame Deshoulières/15

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Théophile Berquet, Libraire (p. 45-46).

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À Iris.

Iris, quelle erreur est la vôtre !
Quoi ! toujours votre cœur se consume en soupirs,
Dans le temps que l’ingrat qui bornait vos désirs,
À vos yeux, dans les bras d’une autre,
Se livre sans remords à de nouveaux plaisirs !

Vengez-vous, et vengez vos charmes
Par un mépris digne de vous :
Il est honteux de répandre des larmes
Quand ce que nous perdons est indigne de nous.

Ce n’est qu’à des âmes communes
Qu’il appartient de languir dans les fers ;
Mais vous, pour qui des dieux les trésors sont ouverts,
Ne voulez-vous que par vos infortunes
Rendre votre beau nom célèbre à l’univers ?
Assez d’illustres malheureuses
Chez l’immortelle antiquité,
Par leurs plaintes infructueuses
Ont fait passer leur nom à la postérité.

Croyez-vous, plus heureuse qu’elles,
Rallumer le beau feu qu’un ingrat a trahi ?
Qui passe sans raison à des amours nouvelles
Foule aux pieds les devoirs des cœurs tendres, fidèles,
Et ne rougit jamais de s’en être affranchi.
Profitez du destin de ces infortunées ;
Rendez à votre cœur son innocente paix ;
Pour exemple les dieux ne vous les ont données
Que pour couronner leurs bienfaits.
Gardez-vous, en suivant cet avis salutaire,
D’être pour l’avenir un exemple nouveau.
Condamnez, belle Iris, l’amour-propre à se taire ;
Et, consolée enfin d’avoir cessé de plaire,
Jouissez en secret d’un triomphe si beau.